July 30, 2025

ENTRETIEN. LGV Bordeaux-Toulouse : "Nous demandons au gouvernement de tenir ses engagements"

l’essentiel
Une certaine inquiétude s’empare des partisans de la LGV Bordeaux-Toulouse, face aux coupes budgétaires envisagées par l’Etat. Rebaptisée “Ligne nouvelle du Sud-Ouest”, elle serait notamment dans le viseur du Conseil d’orientation des infrastructures. La Dépêche du Midi a interrogé Carle Delga, présidente de la région Occitanie, et Alain Rousset, son homologue de Nouvelle Aquitaine, sur l’avenir de ce chantier qu’ils jugent “indispensable”.

L’État doit financer 40 % de la LGV Toulouse-Bordeaux. Aujourd’hui, on entend que “l’argent n’est plus là”. Êtes-vous inquiets pour la réalisation du chantier ?

Carole Delga : La Ligne Nouvelle du Sud-Ouest est un chantier ferroviaire indispensable pour nos régions, pour notre pays et pour l’Europe. Elle ne peut être une variable d’ajustement comptable, subissant les “stop and go” des différents gouvernements. Contrairement à ce qui est sous-entendu, ce projet, dont les travaux ont déjà débuté, est maîtrisé et les dépenses sont planifiées sur 40 ans. Il est financé à parts égales entre les collectivités locales (40 %) et l’Etat (40 %), et nous aurons la chance de pouvoir bénéficier d’une aide de l’UE à hauteur de 20 %, dont il serait dommageable de se priver. Nous connaissons la situation budgétaire de la France et nous agissons en responsabilité : l’effort porté par nos collectivités est inédit et il vient soulager très largement la part de l’Etat qui, faut-il le rappeler, finançait par le passé 100 % de la construction des LGV.

Allez-vous demander des assurances, à tout le moins des explications, au gouvernement suite à la conférence sur le financement des transports ?

C.D. : Certaines informations relayées dans la presse sont en décalage complet avec la réalité et le travail partenarial mené avec les préfets de nos deux régions. Le rapport de la conférence “Ambition France Transports” propose de prioriser les nouveaux projets d’infrastructures afin de s’assurer que les efforts financiers soient faits en direction des plus utiles et performants. C’est absolument le cas de la nouvelle ligne Toulouse-Bordeaux-Dax. Elle permettra de doubler nos capacités ferroviaires, tant en faveur des TER que des Intercités, des trains de nuit et des TGV, et de mettre en service les RER métropolitains de Toulouse et Bordeaux. Alors oui, je demande au gouvernement de tenir ses engagements pour ne pas priver des millions de Français et d’Européens de la possibilité de choisir le train pour se déplacer. Car l’un des enjeux de notre siècle est bien la décarbonation de nos transports.

La mise en service de la ligne est officiellement prévue pour 2032. Ce calendrier est-il encore le vôtre ?

C.D. : Nous travaillons collectivement pour accélérer tout ce qui peut l’être par rapport à l’objectif fixé de 2032. Prendre du retard par rapport à ce calendrier n’est pas une option sur la table. Et reculer sur ce projet serait une faute politique, économique et climatique majeure. Où est l’Etat stratège qui bâtit la France de demain ? Vous pouvez compter sur moi, avec Alain Rousset et l’ensemble des élus locaux, pour continuer à mener le combat.

Si l’Etat venait à se désengager, auriez-vous les moyens de combler le manque ? En faisant appel au privé notamment ?

Alain Rousset : La vraie question est de savoir quelles sont les infrastructures prioritaires et elle a déjà été tranchée par le Conseil d’orientation des infrastructures (COI) il y a 6 ans : la Ligne Nouvelle du Sud-Ouest a été identifiée comme la ligne la plus rentable sur le plan socio-économique. Tout d’abord par sa capacité à relier l’Espagne au reste de l’Europe, puis Toulouse à Bordeaux, et enfin grâce à sa décongestion des nœuds de Toulouse et de Bordeaux permettant aux TER de circuler sans saturation de la voie existante. Comme l’indique Carole Delga, les outils financiers sont déjà en place et l’Etat peut étaler les sommes lui incombant sur 40 ans. La mise en place d’un PPP (partenariat public privé, NDLR) coûterait de 100 à 200 millions d’euros supplémentaires par an.

Selon certains experts, le coût de 14 milliards d’euros pour les lignes Toulouse-Bordeaux et Bordeaux-Dax est sous-évalué. Quelle est votre réponse ?

Alain Rousset : Non, le coût n’est pas sous-évalué, c’est même une somme assez importante au regard des près de 358 km que cette nouvelle ligne de train comprend. Ajoutons que la valeur générée par les péages de la LGV après sa mise en service permettra d’absorber une part de ces 100 à 150 millions d’euros par an. LISEA (concessionnaire de la ligne Bordeaux-Tours, NDLR) génère 350 millions d’euros de péage par an dont 50 servent à amortir l’investissement. Nous sommes vigilants sur le coût qui devrait suivre le coût de la vie.

Le dossier est désormais entre les mains du Conseil d’orientation des infrastructures (COI). Comptez-vous l’interpeller pour faire entendre vos voix ?

Alain Rousset : Encore une fois, le COI a déjà priorisé GPSO il y a 6 ans. Y aurait-il un manquement à la parole de l’État ? Ajoutons qu’il y a un lien démontré entre la LGV et les TER, nous en avons l’expérience sur le nord de Bordeaux. Et puis au sud de Bordeaux et au nord de Toulouse, il y a un bouchon ferroviaire, c’est-à-dire l’impossibilité de desservir la fréquentation en hausse considérable du TER. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation.

source

TAGS: