Ces deux anciens de Barral ont créé leur entreprise il y a 6 ans. Elle vient d’être vendue à un géant de la tech. Récit d’une improbable success-story orchestrée depuis la campagne tarnaise.
Ces deux Tarnais à l’allure tranquille viennent de placer le Tarn sur la carte mondiale de la tech. Pierre de Wulf et Kevin Sahin, 33 ans, anciens élèves de Barral à Castres, ont fondé en 2019 ScrapingBee, une start-up spécialisée dans la collecte automatisée de données. Leur société vient d’être rachetée par Oxylabs, un mastodonte lituanien du secteur, numéro un européen. Une reconnaissance internationale pour une aventure entrepreneuriale partie… d’un compte en banque à 300 euros.

L’histoire commence pourtant avec un demi-échec. Après des études supérieures et un détour professionnel chacun de leur côté, Pierre et Kevin se retrouvent pour lancer en 2018 leur première entreprise : une solution de monitoring de prix pour le e-commerce. “Ça a été un demi-échec, confient-ils. Nous n’avions pas d’expérience. Mais ça a été un tremplin pour nous !” La petite société est finalement revendue pour 30 000 dollars à une entreprise serbe. C’est avec cet apport qu’ils lancent ScrapingBee. Une idée simple en apparence, mais diablement technique. Kevin Sahin résume : “Pour un humain, collecter des informations sur Internet est simple : on ouvre son navigateur. Mais si on veut automatiser cette démarche, c’est plus difficile. C’est là qu’on a développé cette technologie, en se posant la question : comment déployer une multitude de navigateurs dans le cloud ?” À cette époque, ils bricolent, testent, codent. Et comptent les centimes. “Ça se lance assez vite, même si les premiers temps, ça ne payait pas encore. Pierre travaillait à côté pour payer les factures ! À ce moment-là, on a 300 € sur le compte en banque !”
Le vent tourne pourtant rapidement. Le bouche-à-oreille dans le microcosme du web scraping fait son effet. ScrapingBee se positionne sur un créneau en plein essor. “On travaille pour le e-commerce, pour des associations, mais également pour des autorités de marché financier, pour des actes de contrôle.” En deux ans, leur chiffre d’affaires est multiplié par sept. Dès 2021, la croissance devient vertigineuse : 100 % par an.
Une start-up rurale et mondiale
Et ne leur parlez pas de bureaux branchés en open space, à Paris ou à Berlin. Juste la campagne tarnaise, les champs et une connexion Internet. “On n’a jamais eu de bureaux !” s’amuse Kevin. “On était ‘les deux Français qui ont monté leur truc’, se souvient Pierre.” Et leur “truc”, aujourd’hui, fait tourner 2 500 clients à travers le monde, avec une équipe de six personnes. De quoi attirer bien des convoitises. “Tous les mois, des fonds d’investissement venaient toquer à notre porte pour nous racheter.” Mais les deux amis refusent les sirènes de la finance. Jusqu’à ce qu’Oxylabs entre dans la danse. Cette entreprise lituanienne, leader dans le secteur du web scraping, leur propose un pont d’or pour un rachat… qu’ils acceptent. “Ça avait du sens de vendre à eux, bien plus qu’à un fonds d’investissement.”
L’aventure ScrapingBee ne s’arrête pas là. Pierre de Wulf et Kevin Sahin resteront aux commandes jusqu’en 2026. Ensuite ? “Je sais que je referai quelque chose”, assure Pierre. Kevin acquiesce : “Les idées, ce n’est pas ce qui manque !”