L’Autorité de la concurrence a infligé à Doctolib une amende de 4,66 millions d’euros pour abus de position dominante sur la prise de rendez-vous en ligne et la téléconsultation. Derrière ce géant devenu réflexe pour des millions de patients, quelques concurrents tentent encore d’exister sur un marché très verrouillé.
Mardi 6 novembre, la décision de l’Autorité tombe : Doctolib a profité de sa position ultra-dominante, notamment lors du rachat de MonDocteur en 2018, pour réduire la concurrence. Sept ans plus tard, la plateforme reste le passage quasi obligé, pendant que ses rivaux tentent de survivre dans des niches très limitées.
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Des concurrents très minoritaires
Sur la prise de rendez-vous médicaux, Doctolib est devenu la porte d’entrée quasi unique pour le grand public. En face, ne subsistent qu’une poignée d’acteurs, bien moins visibles et souvent fragilisés.
Parmi eux, Maiia (groupe Cegedim), ClickDoc (groupe CompuGroup Medical) ou Vitodoc continuent d’opérer, mais avec une notoriété sans commune mesure. D’autres ont disparu ou changé de mains, notent Les Echos : KelDoc a cessé son activité fin 2019, et June30 (marque Maddie) est passée par une procédure collective avant d’être reprise à l’été 2025 par Hellosanté (Medicalib).
Le paradoxe, c’est que cette activité qui fait la notoriété de Doctolib ne représente presque rien dans ses comptes : 99 % de ses revenus viennent de la vente de sa suite logicielle professionnelle aux soignants.
Sur ce segment des logiciels métiers, en revanche, Doctolib n’est pas seul. Il affronte des mastodontes comme CompuGroup (éditeur de HelloDoc, 1,19 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2023), Dedalus (très présent à l’hôpital), Cegedim Santé ou la coopérative Equasens. Tous se disputent un marché lui-même fragmenté entre cabinets libéraux et établissements de santé.
Téléconsultation : un marché plus encadré
C’est le troisième terrain de jeu de Doctolib : la téléconsultation. Là encore, la plateforme propose ce service à ses utilisateurs, mais la donne est différente. Après des abus constatés durant la crise du Covid-19, l’État a instauré un agrément préalable pour les plateformes qui veulent travailler avec l’Assurance maladie.
Résultat : en 2024, 13,9 millions de téléconsultations ont été remboursées, mais seulement via sept plateformes agréées… parmi lesquelles Doctolib ne figure pas. Sont certifiées Medadom (cabines de téléconsultation en pharmacie ou chez l’opticien), Tessan Med, Qare, Medaviz, Livi, MedecinDirect et EOS Care.
Ce n’est donc pas sa domination directe sur la téléconsultation qui vaut à Doctolib une sanction, mais une pratique jugée anticoncurrentielle : l’Autorité reproche à l’entreprise de conditionner l’accès à sa téléconsultation au fait d’utiliser aussi son logiciel de gestion de patientèle. Une pratique dite de “ventes liées”, qui verrouille encore un peu plus les soignants dans son écosystème.
Une amende qui envoie un signal
Avec l’amende qu’elle a infligée au leader du marché, l’Autorité de la concurrence pose noir sur blanc ce que beaucoup d’acteurs du secteur dénonçaient en coulisses : une stratégie de croissance qui a transformé un service pratique en quasi-monopole sur la prise de rendez-vous médicaux en ligne.
Reste à voir si cette sanction permettra à ses concurrents de regagner un peu de terrain, et si les règles encadrant les ventes liées seront réellement appliquées. En attendant, pour la plupart des patients, un réflexe demeure solidement installé : pour voir un médecin, on commence toujours par ouvrir Doctolib.

