August 6, 2025

Disparition de Medhi Narjissi : rapport accablant, Florian Grill pointé du doigt… la Fédération française de rugby au cœur de la tempête

l’essentiel
Après la disparition en mer de Medhi Narjissi (17 ans) le 7 août 2024, lors d’un stage de l’équipe de France U18, la Fédération française de rugby (FFR) et son président Florian Grill cristallisent les critiques concernant l’organisation de ce voyage.

Il y a un an, le 7 août 2024, l’Agenais Medhi Narjissi, joueur du Stade Toulousain âgé de 17 ans, était emporté par les flots à Dias Beach, en Afrique du Sud, lors d’un stage de l’équipe de France des moins de 18 ans. Le drame est survenu lors d’un bain de récupération à l’initiative du préparateur physique de la sélection, Robin Ladauge. Cet encadrant est depuis poursuivi en justice par la famille Narjissi – le père Jalil, la mère Valérie et la sœur Inès –, tout comme Stéphane Cambos, l’ancien manager du XV de France U18. Les deux hommes ont été mis en examen pour homicide involontaire.

“Nous estimons que la FFR a manqué à ses devoirs”

Mais ces poursuites à titre individuel ne sont pas suffisantes pour Valérie et Jalil Narjissi, ainsi que pour leurs avocats Mes Edouard Martial et Victor Casellas. Ils veulent que la procédure judiciaire soit élargie à la Fédération française de rugby (FFR) et à son président Florian Grill. Pour eux, la Fédération partage les responsabilités dans le décès de Medhi. En grande colère contre l’institution et contre son président, les parents de Medhi voudraient aussi que Florian Grill « assume ses responsabilités ».

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« C’est l’accumulation des graves fautes d’encadrement, de responsabilité, d’organisation. Au plus haut niveau, nous confiait Jalil Narjissi il y a quelques semaines. Vous découvrez le rapport du ministère des Sports, les erreurs accablantes, la gestion et l’organisation catastrophiques de la FFR, ainsi que les graves manquements des encadrants. Ce ne sont pas juste deux personnes mises en examen. Il y a des responsabilités au plus haut niveau qui doivent être mises en avant. »
« À la lecture des conclusions du rapport du ministère de la Jeunesse et des Sports, nous espérons que cette procédure s’étendra également à Florian Grill, le président de la Fédération française de rugby, a ajouté Me Edouard Martial. Nous estimons que la Fédération, en tant que personne morale, a manqué à ses devoirs lors de la constitution du groupe et de l’envoi de mineurs en Afrique du Sud dans des conditions déplorables. »

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L’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) a rendu, le 28 avril dernier, son rapport administratif sur la disparition de Medhi Narjissi. Les parents du jeune rugbyman l’ont découvert au ministère de la Jeunesse et des Sports, en présence de la ministre Marie Barsaq. Les conclusions, remises à la justice, s’avèrent particulièrement accablantes.
Rendues publiques par Le Parisien/Aujourd’hui en France, elles accablent la Fédération française de rugby en pointant du doigt des fautes graves des encadrants et une gestion chaotique de la crise.

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Dans ce rapport de 121 pages, les inspecteurs exposent une série de dysfonctionnements majeurs qui ont conduit à la disparition en mer de Medhi Narjissi, le 7 août 2024.
La responsabilité principale repose sur Robin Ladauge, à l’initiative de la séance de récupération dans l’océan. Il est également reproché à Stéphane Cambos son incapacité à s’opposer fermement à l’initiative dangereuse du préparateur physique. Il se serait rendu tardivement sur la plage et n’aurait ainsi ni empêché la baignade ni interrompu l’activité à temps.

Rapatriement bâclé, soutien psychologique insuffisant…

L’organisation de la Fédération française de rugby (FFR) est présentée comme défaillante, avec un rapatriement bâclé des jeunes joueurs, un soutien psychologique insuffisant et une communication désastreuse avec les familles. « Les conditions du rapatriement des jeunes, leur accompagnement par la suite et la relation avec les familles ne sont pas à la hauteur de ce qu’appelle le traumatisme vécu. Cette déficience est durement ressentie et jugée par les intéressés. Le père d’un joueur estime ainsi que la fédération a été complètement dépassée par l’événement, cela manquait de professionnalisme et traduisait de l’incompétence. »

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Les parents entendus par les inspecteurs « se disent désemparés et inquiets pour leur enfant. Plusieurs joueurs se blessent à leur retour en club. « La fédération a fait de ces enfants des bombes à retardement », affirme le père d’un d’entre eux », selon Le Parisien/Aujourd’hui en France.
Autre élément dans le viseur de l’enquête administrative : l’enquête interne de la FFR, qui a abouti à la mise à pied du staff du XV de France des moins de 18 ans. Cette enquête interne aurait été précipitée, bâclée et dépourvue de toute méthodologie rigoureuse. Elle aurait été réalisée par une personne proche du manager Stéphane Cambos, sans réelle indépendance. Selon le rapport de l’IGESR, elle a abouti à un rapport biaisé minimisant la responsabilité fédérale et privilégiant la thèse de l’accident. Stéphane Cambos a d’ailleurs déposé, de son côté, une plainte visant la FFR pour dénonciation calomnieuse à la suite des conclusions de l’enquête interne.

“Des évolutions pour l’encadrement des jeunes”

Enfin, l’attitude du président de la FFR, Florian Grill, est mise en lumière. Refusant toute responsabilité hiérarchique sur la direction technique nationale (DTN), il aurait cherché à se protéger d’éventuelles poursuites pénales. Les inspecteurs y voient un réflexe de sauvegarde de l’institution plutôt qu’une réelle volonté d’assumer les erreurs tragiques commises. « Aux yeux de la mission, il s’agit d’une forme de déni collectif. »

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Interrogé sur ce rapport, Me Mathias Chichportich, l’avocat de la FFR, a déclaré que la Fédération avait déjà mis en œuvre « des évolutions pour l’encadrement des jeunes notamment, avant même la publication du rapport de l’IGESR ». Il ajoute : « il s’agit de la systématisation de la déclaration d’accueil collectif de mineurs sur la plateforme TAM (ministère) ; la création d’un livret type de déplacement pour les familles et les joueurs ; la mise en place d’un dossier administratif structuré pour recueillir les infos auprès des familles ».

La FFR “assume” mais “n’accepte pas que des contrevérités circulent”

Attaquée de toute part depuis une année, la Fédération française de rugby est restée plutôt silencieuse sur le plan médiatique ces derniers mois.

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Récemment dans L’Équipe, Sylvain Deroeux, secrétaire général de la FFR, a reconnu « des défaillances organisationnelles et administratives, et parfois certaines maladresses dans la communication. Mais nous avons récupéré une Fédération en déshérence financière, organisationnelle et même morale. Le chantier de redressement que nous avons entamé est immense […] Ce qu’on souhaite dire, c’est que Florian Grill n’est pas responsable de ce drame. La Fédération l’est et l’assume. »

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Contacté par nos soins, Me Mathias Chichportich affirme que « la Fédération a reconnu des défaillances organisationnelles mais aucune n’a le moindre lien avec les causes de l’accident. Cette baignade n’était pas prévue, elle n’aurait jamais dû avoir lieu et c’est donc une faute d’avoir laissé les joueurs aller à l’eau. Cette faute n’est pas imputable à des personnels relevant de la FFR et encore moins à Florian Grill, son président, qui n’a jamais été informé de cette initiative. La Fédération n’est pas mise en examen et se tient à la disposition de la justice pour continuer d’apporter toute sa contribution à la manifestation de la vérité. »

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Le conseil de la Fédération ajoute : « Nous ne souhaitons entretenir aucune polémique avec la famille Narjissi dont nous comprenons et respectons la colère. Perdre un enfant dans ces circonstances est une souffrance absolue et leur besoin d’établir les responsabilités de ce drame est plus que légitime. La justice est saisie et c’est à elle seule de statuer, sans pression ni instrumentalisation. La FFR ne souhaite donc pas alimenter un procès médiatique ni commenter la position des personnes mises en examen. En revanche, elle n’accepte pas que des contrevérités circulent, leur seul objectif étant de nuire à la réputation de son président et de ses équipes. La volonté de la FFR est claire : respecter la douleur de la famille, assumer ses responsabilités par le travail de la justice et tirer les enseignements de ce drame. »

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