Alors que les installations illicites de gens du voyage se multiplient cet été en dehors des aires d’accueil obligatoires, le gouvernement tente de durcir le ton sans aggraver les tensions. Une circulaire de fermeté a été adressée aux préfets en attendant qu’arrive une proposition de loi prenant en compte les recommandations du groupe de travail Alloncle.
Du bassin d’Arcachon à Toulouse, de Mellac à Callais, les installations illicites des gens du voyage en dehors des aires d’accueil ont suscité ces dernières semaines tensions et polémiques. Le sujet, il est vrai, est récurrent en dépit d’un cadre législatif pourtant clair. Depuis la loi du 31 mai 1990, dite « loi Besson I », les villes de plus de 5 000 habitants sont, en effet, tenues de prévoir des « conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur [leur] territoire, par la réservation de terrains aménagés à cet effet ».
Et la loi du 18 mars 2003 a créé un délit d’installation illicite sur une propriété privée ou publique en vue d’y établir une habitation, même temporaire. Mais la loi est régulièrement mise à l’épreuve de situations complexes, soit par manque d’aires, soit par des installations sauvages qui exaspèrent élus et riverains.
Une proposition de loi retirée
En avril dernier, dans le cadre de sa niche parlementaire, le groupe « Horizons & indépendants » à l’Assemblée nationale, a présenté une proposition de loi visant à « réformer l’accueil des gens du voyage ». Parmi ses mesures principales, le projet prévoyait le doublement de l’amende applicable en cas d’installation illicite (de 500 € à 1 000 €, avec une majoration possible à 1 500 €), l’extension de la possibilité de saisir les véhicules (sauf ceux servant effectivement d’habitation) ou encore le renforcement des pouvoirs du préfet pour permettre des évacuations accélérées des sites occupés indûment. Il visait aussi à « créer une incitation » pour les communes à instaurer des aires d’accueil alors que seuls 26 départements en France ont totalement rempli leurs obligations…
Mais le côté très répressif du texte a suscité un tollé à gauche. Et la Défenseure des droits, Claire Hédon, a alerté sur le risque d’atteinte aux droits et libertés fondamentaux des voyageurs, soulignant que le texte ne proposait aucune amélioration des conditions d’accueil, en dépit du manque d’aires adaptées. En séance le 3 avril dans l’hémicycle, le député Xavier Albertini a toutefois retiré sa proposition de loi. C’est qu’un mois auparavant, le ministère de l’Intérieur s’est saisi du dossier.
Un groupe de travail a fait des recommandations
Le 13 mars, François-Noël Buffet, ministre délégué, avait lancé un groupe de travail relatif à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illégales sur le terrain d’autrui. Sous la conduite du préfet Philip Alloncle, seize parlementaires – 9 sénateurs et 7 députés, aucun d’Occitanie – ont alors planché sur « des propositions pour diminuer le nombre des installations illicites de gens du voyage sur les terrains publics ou privés. » « Les conclusions du groupe de travail doivent permettre d’aboutir, dans les meilleurs délais, à un texte de loi qui permettra l’application de mesures concrètes et efficaces » annonçait alors le ministre.
Le groupe de travail Alloncle a rendu ses préconisations le 7 juillet, mais François-Noël Buffet a étrangement décidé… de ne pas les rendre publiques. Il s’est contenté d’indiquer que les recommandations des parlementaires tournaient autour de « quatre axes prioritaires : renforcer l’efficacité des sanctions et leur application ; accroître les pouvoirs du préfet en matière d’évacuation de terrains occupés illégalement ; renforcer les obligations d’utilisation des aires d’accueil existantes ; encourager la création d’aires d’accueil et mieux anticiper les grands passages ».
« Au terme de nouvelles consultations, notamment interministérielles et en lien avec les élus locaux, leurs conclusions aboutiront au dépôt d’une proposition de loi dès la rentrée, pour faire évoluer le droit, ajuster le cadre applicable à l’accueil des gens du voyage et renforcer les réponses juridiques », a indiqué le ministère de l’Intérieur.
Une proposition de loi – et non un projet de loi venant du gouvernement – qui devrait remplacer celle déposée par la députée Nathalie Colin-Oesterlé en octobre et celle adoptée en première lecture par le Sénat… le 19 janvier 2021 !
Une circulaire pour cet été avec des task forces par département
En attendant, Bruno Retailleau et François-Noël Buffet ont présenté le 8 juillet l’instruction annuelle relative à la préparation des stationnements des grands groupes de gens du voyage pour l’année 2025 : « des instructions de fermeté aux préfets, afin de garantir la préservation de l’ordre public, le maintien de la tranquillité et la sécurité des élus et des riverains. » « Pour garantir l’efficacité de ces mesures, des task forces seront mises en place dans chaque département, qui réuniront les services de l’État, les élus locaux et le Procureur de la République », notamment pour « s’assurer de la remise en état des terrains. »
« Il a par ailleurs été demandé aux préfets, dès lors que les collectivités ont respecté leurs obligations en matière de schéma départemental d’accueil des gens du voyage, de procéder systématiquement à l’évacuation des terrains occupés de manière illicite », ont expliqué les deux ministres.