August 2, 2025

ENTRETIEN. Ce Lot-et-Garonnais est le nouvel entraîneur des trois-quarts du Portugal : "C’est plus une opportunité qu’un rêve"

l’essentiel
Depuis début juin, le Lot-et-Garonnais Anthony Tesquet, passé comme joueur au SUA ou à Valence-d’Agen, et dont le petit frère évolue actuellement à Layrac, est le nouvel entraîneur des trois-quarts du Portugal. Rencontre avec le jeune technicien, âgé de 39 ans seulement.

Anthony, tout d’abord, pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Je suis originaire d’Agen. J’ai même commencé le rugby à Layrac. Je suis passé ensuite à Valence-d’Agen, Agen, Montauban, Béziers, puis encore Valence-d’Agen, et le Bassin d’Arcachon. Comme coach, j’ai commencé à entraîner au Bassin en Fédérale 1, puis en Nationale 2. Après, j’ai participé à la création d’un centre d’entraînement là-bas. J’ai toujours été passionné. J’ai commencé à entraîner à 32 ans, c’est joli. J’ai même fait quasiment deux saisons d’entraîneur-joueur, même si ce n’était pas le plus simple.

“Le Portugal a de belles ambitions”

Comment vous retrouvez-vous avec la sélection du Portugal ?

Simon Mannix est le sélectionneur de l’équipe. J’ai bossé pendant deux ans et demi avec lui à Arcachon. En septembre, je suis allé faire une intervention au Portugal pour une équipe qui s’appelle Lusitanos. Ils font des matchs, ils appellent cela une Super Cup. En fait, c’est une sélection de Portugais qui sont sur place, et jouent contre des sélections roumaine, belge, espagnole… C’est un petit championnat européen. Je suis intervenu sur de la technique au poste, et avec les buteurs durant une semaine. Après, j’ai continué un peu à distance, et, de fil en aiguille, il y a eu un petit remaniement dans le staff de la sélection, et voilà comment cela s’est fait.

Sans faire injure à Arcachon, passer du Bassin au Portugal en seulement quelques mois a dû vous faire bizarre…

Oui… Je fonctionnais un peu par étapes. Je comptais progresser au fur et à mesure, puis atteindre le plus haut niveau que je puisse atteindre.

Qu’est-ce que cela représente pour vous le fait d’en arriver là aussi jeune ?

C’est plus une opportunité qu’un rêve. L’opportunité est plutôt belle et sympa, mais ce n’est pas quelque chose sur lequel je m’étais projeté. Surtout que le Portugal a de belles ambitions et un pays qui se structure bien en termes de rugby. Il y a eu ce très gros coup de projecteur sur la dernière Coupe du monde, où ils se sont qualifiés à la dernière seconde. Ils ont fait une belle Coupe du monde en plus. Il y a l’équipe nationale, qui est la tête d’affiche bien sûr, mais il y a tout un boulot de fond à continuer de développer et à mettre en place.

“Il y a un gros travail de fond à effectuer”

Que faut-il mettre en place justement ?

Il y a du court terme et du long terme. Le fait que l’équipe soit déjà qualifiée pour la prochaine Coupe du monde enlève une épine du pied. Cela permet d’enlever un peu de pression, et de bosser plus en profondeur. Après, il y a du court terme avec des test-matches en novembre, et le Tournoi B en février-mars. Si on bosse plus en profondeur, il y a un autre objectif. C’est de mettre en place un plan de développement des jeunes joueurs. Cela commence par une belle génération des moins de 20. Il faut appuyer sur ces joueurs qui sont encore au Portugal, et les faire progresser au fur et à mesure, en mettant un plan de développement sur ces joueurs-là. Ce n’est pas que l’équipe nationale. C’est vraiment du travail en profondeur, et aussi aller voir les clubs qui sont basés à Lisbonne. C’est bouger un peu dans le pays pour intervenir un peu partout. On l’a déjà fait en juin, et on va continuer à le mettre en place.

Est-ce qu’il y a un besoin de développer encore le rugby au Portugal ?

Oui. Ce n’est pas un sport confidentiel, mais ce n’est pas non plus le sport numéro un. Il y a le football qui écrase tout. Cela se développe petit à petit, mais il y a un gros travail de fond à effectuer pour faire monter le niveau général, et assurer un plan de succession.

Votre contrat court jusqu’à la Coupe du monde 2027 en Australie. Est-ce que vous y pensez déjà ?

Non, on ne se projette pas encore sur la Coupe du monde. On va se servir des deux années à venir pour essayer de développer, et amener un maximum de joueurs à un certain niveau, pour étoffer un peu tout le groupe qui pourrait partir à la Coupe du monde. Pour l’instant, il y a des étapes à gravir et à franchir. Avant de déclarer ou faire quoi que ce soit, on reste quand même une petite nation. On aura sûrement une très grosse poule, comme la dernière fois, donc on ne se projette pas encore sur cela. Il faut d’abord gagner un maximum de confiance, d’expérience, et faire monter le niveau de jeu.

“On ne fera pas du jeu à une passe”

On imagine que vos premiers entraînements et vos premiers matchs cet été ont été spéciaux d’un point de vue personnel…

C’est assez extraordinaire d’être sur une nation comme celle-là, qui est de haut niveau, car je ne me suis pas projeté aussi haut. Mon rêve à la base, quand j’étais joueur, c’était de faire un match en première. J’ai eu la chance de le faire, et puis après voilà… Maintenant, dans nos carrières, il faut se fixer des objectifs. Mais, à mon avis, il faut y aller aussi étape par étape, et voir jusqu’où on est capables d’aller.

Le Portugal a une ligne de trois-quarts assez folle, avec beaucoup de joueurs évoluant en France (Martins, Bento, Pinto, Marta, Costa Storti…). Quelle sera votre philosophie à la tête de cette équipe ?

La plupart des joueurs portugais évoluent en France. Même s’il y en a de plus en plus devant, ce sont beaucoup de trois-quarts qui ont commencé à se faire un trou, que ce soit en Pro D2 ou en Top 14. Ce sont des joueurs qui sont beaucoup passés par le 7, avec une belle technique individuelle, et des grosses qualités de vitesse. Ce qui est intéressant, et ce qui me plaît, c’est que cela rejoint un peu ma philosophie. Notre philosophie à tout le staff est de mettre un maximum de vitesse, et jouer au ballon. C’est d’avoir un jeu plus complet. C’est sûr que la densité fera toujours un peu défaut, donc il faut trouver, surprendre, proposer des choses que les autres équipes ne font pas, et baser sur cela. Il faudra être très bon aussi sur tout ce qui est contre-attaques et turn-overs, où ces joueurs-là excellent et apprécient ce style de jeu. Il faut tendre sur cela. On ne pourra pas les changer. On ne fera pas du jeu à une passe. Cela, c’est sûr et certain en tout cas.

De manière plus générale, le Portugal est une nation en plein développement. Peut-on les imaginer régulièrement affronter la France ou l’Angleterre ?

Je ne pense pas que ce soit opportun. Par exemple, si on compare à la Géorgie, cela fait quand même quelques années qu’elle survole les équipes du tiers deux. Elle matche de plus en plus contre les équipes du tiers un. Ce n’est pas pour autant qu’ils ont gagné. Ils ont gagné une ou deux fois, c’est très bien, mais je pense qu’il faut déjà être excellent, et très bon sur les équipes du tiers deux pour espérer avoir des matchs contre ces tiers un. Il faut de la constance, et monter le niveau. Il faut que cela continue à perdurer pour espérer rencontrer de plus en plus ces équipes-là. À l’heure actuelle, je ne pense pas que ce soit le sujet. Pour l’instant en tout cas, ce n’est pas l’objectif.

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