Des agriculteurs se rassemblent autour d’un feu alors qu’ils bloquent l’autoroute près d’Urt, dans le sud-ouest de la France, le 15 décembre 2025. NICOLAS MOLLO/AP/SIPA
Les agriculteurs continuent de se mobiliser et menacent de maintenir leurs blocages pendant les fêtes face à un gouvernement qui garde le cap dans sa gestion de la dermatose bovine, catalyseur d’une colère agricole qui s’étend ce jeudi 18 décembre, notamment à Bruxelles contre l’accord UE-Mercosur.
• 80 blocages en France ce jeudi
La mobilisation s’est durcie il y a une semaine pour s’opposer à l’abattage d’un troupeau contaminé par la dermatose nodulaire contagieuse (DNC) en Ariège. Fer de lance de l’opposition à cette stratégie qui a conduit à l’euthanasie de plus de 3 300 bêtes depuis juin, la Coordination rurale et la Confédération paysanne ont été ralliées par des branches locales des Jeunes Agriculteurs (JA) et parfois de la FNSEA, premier syndicat agricole.
« Tant qu’on n’a pas une réponse de l’Etat, une réponse concrète, on ne bougera pas », a déclaré Alexandre Garcia membre des JA de l’Aude sur le blocage de l’A61 qui relie Toulouse à la Méditerranée et à l’Espagne, avant qu’un manifestant ne scande « stop à l’abattage et non au Mercosur », entouré de tracteurs.
Les actions sont variées : brasiers sur des routes, blocage des trains, mur de paille devant la préfecture de Limoges et même un chef étoilé dans une manifestation de Haute-Loire. Le ministère de l’Intérieur a relevé mercredi 80 actions sur le territoire mobilisant 3 600 personnes, après 75 mardi, 45 lundi et 27 dimanche.
• La FNSEA rencontre Lecornu vendredi
Mercredi matin, la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, a appelé à « l’apaisement à l’approche de Noël », mais les agriculteurs ont dit leur intention de continuer de manifester et bloquer des axes routiers au-delà des fêtes « s’il le faut ». La Confédération paysanne a indiqué mercredi soir prévoir une quinzaine d’actions dans presque autant de départements sur les prochains jours.
Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a en revanche défendu le protocole mis en place par le ministère de l’Agriculture. « Je ne voudrais pas que la dermatose cache le reste des difficultés agricoles », a-t-il déclaré ce jeudi matin au micro de BFMTV. Notamment l’accord UE-Mercosur, contre lequel le syndicaliste est vent debout.
« Cette colère, c’est une surprise pour personne », a-t-il rappelé, soulignant toutefois que l’objectif n’est pas « d’emmerder les Français » et qu’il « souhaite que Noël soit le plus protégé possible ». Reste qu’il dit attendre des « réponses » du gouvernement et de Bruxelles sur l’accord UE-Mercosur : il demande notamment à Emmanuel Macron de dire « non » pour la France.
Après avoir rencontré le président de la République fin novembre, Arnaud Rousseau a annoncé « avoir rendez-vous » avec le Premier ministre Sébastien Lecornu, à son invitation, « demain matin à Matignon ».
• Des milliers d’agriculteurs à Bruxelles contre le Mercosur
Des milliers d’agriculteurs européens convergent ce jeudi avec des centaines de tracteurs vers Bruxelles pour protester contre la politique agricole de l’UE, ciblant notamment l’accord de libre-échange avec le Mercosur, accusé de mettre en danger de nombreuses filières. La manifestation, qui doit aboutir à la mi-journée dans le quartier européen, est organisée le jour où les chefs d’Etat et de gouvernement des 27 se réunissent en sommet.
Les inquiétudes provoquées par la perspective d’un afflux de produits sud-américains en Europe (viande bovine, sucre, soja, etc.) s’ajoutent à celles sur la réforme des subventions de la PAC, que la Commission européenne est accusée de vouloir « diluer » dans le budget européen.
« L’Union européenne propose une réduction de plus de 20 % du budget de la prochaine PAC [sur la période 2028-2034, NDLR], tout en poursuivant la ratification de l’accord commercial avec le Mercosur. C’est purement inacceptable », a protesté la Fédération wallonne de l’Agriculture (FWA). Cette organisation belge sera présente dans le cortège avec plusieurs dizaines d’autres syndicats affiliés au Copa-Cogeca, principal lobby agricole européen.
La FNSEA, autre affiliée, a prévu une forte mobilisation, avec « plus de 10 000 agriculteurs » attendus, dont un gros contingent venu de France. Il s’agit d’« exiger des chefs d’Etat et de la Commission européenne des choix clairs pour l’avenir de l’agriculture européenne », a fait valoir le premier syndicat français.
• Création d’une cellule de « dialogue scientifique »
Après deux réunions de crise à Matignon mardi, le gouvernement a annoncé l’extension de la vaccination à 750 000 bovins dans 10 départements du Sud-Ouest, au-delà des seules zones où la maladie a été détectée. Plus d’un million de bêtes ont déjà été vaccinées, principalement en Savoie où l’épizootie a été maîtrisée cet été, mais aussi dans les Pyrénées-Orientales où plus de 80 % des bovins ont été vaccinés dans la zone réglementée établie après l’apparition des premiers cas à la mi-octobre, a indiqué mercredi le ministère de l’Agriculture.
Une première réunion d’une cellule de « dialogue scientifique » devait avoir lieu mercredi soir à Toulouse et réunir plusieurs présidents de chambres d’agriculture départementales, des scientifiques, des vétérinaires et des représentants locaux. Le but est d’étudier les protocoles alternatifs, mais la directrice générale de l’alimentation, Maud Faipoux, a répété mercredi devant une commission de députés que l’objectif n’était « pas de dire oui si ça protège moins bien » mais bien de réfléchir. Un « parlement du sanitaire », réunion au ministère de tous les acteurs concernés, aura lieu en janvier, a-t-elle ajouté, rendant peu probable un changement majeur de stratégie d’ici-là.

