August 13, 2025

Passion trail : "C’est sûr qu’en restant à regarder le sol, on ne vit aucune émotion !" Qu’est-ce qui fait vibrer Aurélien Sanchez, star de la discipline

l’essentiel
SÉRIE. 2/6. De la SwissPeaks, immense défi de 700 km dans les montagnes du Valais, à la mythique Barkley, qu’il est le seul Français à avoir terminé, le Toulousain Aurélien Sanchez (34 ans) s’accomplit dans ces challenges où il se retrouve face à lui-même. Il raconte ce qui l’anime dans l’ultra-endurance.

Vous vous définissez plus volontiers comme un ultra-explorateur que comme un ultratrailer. Pourquoi ?

Je suis arrivé à l’ultratrail par la randonnée, que je pratiquais beaucoup lorsque je vivais aux États-Unis. Je découvrais de nouveaux lieux, de nouveaux paysages, c’était chouette. Quand j’ai voulu monter en performance, je suis repassé à la course à pied – je faisais du foot quand j’étais jeune – mais ce n’est pas ma base. Il y a aussi des différences entre les ultras multijours que je pratique, au-delà de 160 kilomètres, et les ultratrails classiques : la gestion de la nourriture – nous sommes souvent en autosuffisance, l’orientation, la gestion du sommeil. Sur une course “classique” comme l’UTMB, organisée avec les balisages, les ravitaillements, où tu n’as pas besoin de dormir, ça t’enlève déjà trois variables que tu n’as pas à gérer.

Lesquelles de ces courses sont les plus exigeantes ?

Ce n’est pas le même genre d’effort. Pour moi, les courses type UTMB, c’est du sprint. C’est très cardio, beaucoup plus porté sur la capacité physique, sportive, il n’y a pas de temps de répit. C’est de la course à pied pure, alors que moi, je suis beaucoup en gestion. Je cours moins que je marche. Je ne me considère pas comme un sportif de haut niveau, contrairement à des athlètes comme Blandine L’Hirondel ou Mathieu Blanchard, par exemple. Ce ne sont pas les mêmes communautés, on ne recherche pas exactement la même chose.

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Vous avez longtemps été obsédé par la Barkley – course américaine de 160 km et près de 20 000 m de dénivelé positif, que seules vingt personnes ont réussi à terminer depuis sa création en 1986 – avant de la remporter en 2023. Qu’est ce qui vous fascinait dans cette épreuve ?

C’était l’aspect introspection, émotion, repoussement de soi. Ça représentait vraiment le défi ultime qui rassemblait la plupart des variables qu’on rencontre dans l’ultratrail : l’autosuffisance, l’orientation, le sommeil, la nutrition, le dénivelé. La Barkley, c’est comme une énigme à résoudre, une course quasiment impossible à finir, sauf si on s’en donne vraiment les moyens et qu’on a aussi un peu de chance. Avec la Barkley, je savais que j’allais me remettre en question et apprendre énormément sur moi-même, ou alors réussir un truc que seuls les privilégiés réussissent.

Les échecs vous apportent plus que les réussites ?

Oui. Ce qui m’a le plus marqué avant de faire la Barkley, ce ne sont pas les rapports de course des finisseurs, des gagnants, mais ceux des perdants, ceux qui ont eu plein d’anecdotes, qui se sont perdus en forêt, qui ont eu du mal à se nourrir, des hallucinations à cause du manque de sommeil. Je me disais ‘‘là, ils se sont retrouvés face à eux-mêmes, face à leurs limites.’’ C’est ce que je voulais vivre, et j’ai eu la chance de le vivre à plusieurs reprises. Ce sont ces souvenirs qui sont le plus importants pour moi ; des moments où je suis vraiment en difficulté. Parfois ça ne se passe pas bien, mais d’autres fois j’arrive à rebondir, et ça, ce sont des émotions de transcendance que j’ai rarement vécues autrement que dans ce sport.

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La finalité, ce sont les émotions plus que la performance ?

Je pense que c’est vrai pour tout ce qu’on vit. Que ce soit dans notre métier ou dans notre passion, tout est lié à l’émotion. Et pour moi, le plaisir, il est là quand il y a des contrastes d’émotions, quand on vit des choses et positives et négatives, quand il y a de la fierté, de l’émerveillement, de la découverte. Tout ça, ça répond aussi à une certaine curiosité, au désir de se sentir vivant et de profiter de sa vie. Parce que c’est sûr que si on ne fait rien, si on reste assis à juste regarder le sol, on ne vit aucune émotion. Moi, ce que j’adore, c’est passer du temps en montagne et sortir de ma zone de confort, parce que ça me permet de vivre des émotions contrastées, que ce soit de douleur et d’épuisement ou de fierté et de reconnaissance personnelle et de découverte. Dans l’ultra, il y a aussi un aspect de partage, une communauté.

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Comment surmonter la douleur, presque inévitable sur ce genre de courses ?

Mon truc, c’est de faire de la visualisation. Quand je me projette sur mes courses, naturellement, je pense à ce qui peut se passer. Je me dis ‘‘ah, peut-être que dans cette côte, je vais souffrir. Et si je souffre, si j’ai le cardio à fond et mal aux jambes, je me dis que c’est normal, c’est naturel d’avoir mal aux jambes après 15 000 mètres de dénivelé. Du coup, quand je suis vraiment dans ces situations, ce n’est pas une surprise. Je suis beaucoup plus dans un sentiment d’acceptation que dans un sentiment de défaite. Même si ça, bien sûr, c’est la théorie… J’ai abandonné plein de courses à cause de moments de grande souffrance.

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