Coupe du monde J-4. Dimanche prochain 7 décembre, Ruka, près du cercle arctique, sera le théâtre de la première étape du circuit. La station marquera le départ d’une saison olympique avec les Jeux de Milan Cortina, du 6 au 22 février 2026. En Finlande depuis mardi dernier 25 novembre, l’Ariégeoise Perrine Laffont, du haut de ses 27 ans, tenait conférence de presse hier midi par visio. Une prise de parole de la championne médaillée d’or en 2018 à laquelle La Dépêche participait. Verbatim.
Perrine, l’équipe de France est sur place depuis une bonne semaine maintenant, quelles sont les conditions de ski. Et quelles sensations avez-vous personnellement ?
On a des conditions assez changeantes. On a eu un peu de tout : de la pluie, de la neige ; on a même pris de la glace il y a cinq jours… À la rigueur, ce n’est pas plus mal car, comme ça, on a pu skier dans tous les cas de figure qui pourraient potentiellement survenir sur la piste et ainsi en course. Après, on a l’habitude de s’adapter. Même si, naturellement, c’est moins agréable pour la pratique.

Par rapport aux précédentes saisons olympiques, êtes-vous plus sereine ?
Tu ne sais pas comment les autres vont être et comment va se dérouler la course. Mais oui, je suis hyper-confiante dans tout ce qui a été instauré et dans la préparation que j’ai eue. Avec le staff de l’équipe de France, on a vraiment fait une intersaison adaptée à mon niveau, mes envies, mes besoins et sur quoi j’avais besoin d’évoluer aussi. Je ne regrette rien dans ma prépa. Je pense qu’on a vraiment fait tout ce qu’on a pu pour me faire évoluer au mieux. D’ailleurs, sur les premiers jours de ski ici à Ruka, ça se ressent, j’ai des bonnes sensations, les runs ont été vite mis en place.
Justement, sur cette préparation, vous vous entraînez
pleinement avec l’équipe de France, et plus avec un coach à part. Qu’est-ce que ça change ?
Je crois que j’arrive à un stade de ma carrière où j’ai besoin de changements souvent, pour ne pas tomber dans la routine, pour que ce soit des petits défis qui s’ajoutent à chaque fois. Le choix avait été de revenir dans le groupe et ça s’est passé nickel. Albert Bedouet (entraîneur en chef de l’équipe de France de bosses) a été hyper à l’écoute de mes besoins. Il m’a réintégrée dans le groupe avec l’émulation qui va avec et, en même temps, m’a laissé la liberté de faire des choses différentes. Il a été souple et malléable.
Au fait, pour quelle raison avoir travaillé avec une danseuse étoile ?
C’est une idée qu’avait en tête ma prépa mentale, en vrai. Et aux Championnats du monde au mois de mars à Saint-Moritz – où j’avais un peu de mal avec la posture du corps, mon ouverture du haut, je me rappelle très bien, j’étais sur la table, en pleine séance ostéo, on discutait et j’ai dit que ce serait bien que je fasse de la danse – je m’y étais essayée petite. Ça aide à se grandir, être élégante et, mine de rien, c’est ce dont on a besoin dans les bosses, vu qu’on est un sport à jugement. J’ai suivi deux stages et ça m’a bien aidée, ça rend super bien en vidéo et les coachs sont satisfaits.
Deux manches (Suède et Géorgie) ont été annulées ; il n’y aura finalement avant Noël que la Finlande. N’est-ce pas gênant dans votre tableau de marche ?
Oui et non. Parce que, forcément, ça fait des courses en moins sur le calendrier pour s’adapter, pour régler les petits détails. D’un autre côté, ça fait des voyages en moins. Idre Fjäll, encore, ça va parce que ce n’est pas très loin. Mais pour Bakuriani, il s’agit d’un gros déplacement. Donc ça fait beaucoup de fatigue à accumuler, surtout qu’on repart tout de suite début janvier (Val Saint-Côme, Canada, 10 et 11/01). Bref, dans ma construction jusqu’aux JO, on peut même parler d’un mal pour un bien. Puis le staff a déjà trouvé une solution de repli avec Tignes qui nous accueillera avec une belle piste pour qu’on puisse s’entraîner. Nous allons pouvoir bosser un peu plus les duels, c’est bien.
Après plus de dix années au plus haut niveau, tant de titres, comment décririez-vous votre relation avec les bosses ?
C’est difficile à dire, en fait. C’est un ensemble que j’aime : m’entraîner, savoir que je continue de progresser. Comme je l’ai dit tout à l’heure aussi, j’arrive à dénicher des petits challenges. Et j’ai la chance d’être accompagnée par des sponsors géniaux qui me font faire des choses totalement différentes de ce que j’ai l’habitude de faire dans le ski. J’ai réussi à trouver un équilibre, en somme. L’entraînement reste très dur et assez redondant, c’est certain, mais en marge du ski j’ai des passe-temps, des passions qui font que je peux me vider la tête à côté. C’est pourquoi j’arrive à durer. Mon cadre de vie est privilégié, les séances peuvent être éprouvantes. Or, quand tu es sportive de haut niveau, tu es un peu sadique parce que tu aimes bien te faire mal au quotidien. Ce qu’on recherche également, c’est repousser nos limites, aller chercher ce détail.
Quelle est votre gestion émotionnelle de la compétition aujourd’hui ?
Là, à l’approche de la Coupe du monde, je dirais que c’est tenter de se rassurer, d’être le plus en confiance possible. On a mis en place des runs stratégiques afin de me permettre mentalement de dire : “Les runs que je vais faire en compétition, c’est bon, je les ai déjà à l’entraînement.” Et après, c’est switcher le jour J en acceptant le fait qu’il y aura plus de stress et d’adrénaline et que ça bouillonnera un petit peu plus intérieurement. Une descente, c’est 30 secondes où tu dois montrer le meilleur de toi-même, histoire de valider tout ce que tu as fait pendant huit mois auparavant. J’ai ma préparatrice mentale (Isabelle Inchauspé) qui est là aussi avec moi. On a travaillé là-dessus ces derniers jours. Et on continuera durant la compét.
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Quels sont les éventuels changements techniques que vous avez effectués ?
On a changé la stratégie de mes sauts. Avec un nouveau grab (saisie du ski avec la main), précisément. Résultat : je pourrais autant réaliser mon “D-spin” (2 tours désaxé) sur le saut du haut que sur celui du bas. Je vais pouvoir encore plus m’adapter aux difficultés des pistes. Ça me laisse une plus grande marge de manœuvre.
Reparlons de Milan : l’épreuve parallèle fait son entrée aux Jeux. Chouette pour le public, non ?
Show, ambiance… C’est sûr que c’est l’épreuve qui passe le mieux à la caméra et pour les spectateurs qui sont en bas de la piste. Impressionnant : tu vois vraiment les deux skieurs qui se tirent la bourre ; dans les runs, ça pousse plus à la faute. Il y a un peu plus de fight, cela va plaire aux gens !

