Jean-Michel Dossat a fait installer l’an dernier une unité de méthanisation sur son exploitation familiale, à Belloc-Saint-Clamens. Un modèle unique à l’échelle du département.
La dernière fois que nous nous étions rendus sur son exploitation, à Belloc-Saint-Clamens, c’était il y a deux ans, suite à un incendie déclaré dans un silo à maïs. Un feu rapidement maîtrisé par les sapeurs-pompiers. À cette époque, point de méthaniseur à l’horizon : Jean-Michel Dossat venait de lancer les travaux quelques mois auparavant.
Aujourd’hui, les choses ont bien changé. Accolée à un bâtiment d’élevage utilisé pour l’engraissement de 400 taurillons de race blonde d’Aquitaine, l’unité de méthanisation de Jean-Michel Dossat (Bovigaz 32) produit du gaz pour l’équivalent des besoins énergétiques de la commune de Mirande, soit un potentiel annuel de 18 gigawattheures (GWh). “En période estivale, comme il y a moins de consommation, on réinjecte le volume produit sur le réseau de transport de Terega avec un système de rebours”, précise l’intéressé.

L’idée de se lancer dans la production de gaz vert est partie d’une discussion avec sa banque. Les choses se sont enchaînées rapidement par la suite, Jean-Michel Dossat profitant d’un emplacement idoine, son exploitation étant située à 200 mètres des premiers riverains. “On est bien intégré au niveau du paysage puisqu’on est en contrebas, cela ne se voit pas depuis la route. On avait un peu tous les voyants au vert pour faire ça. Et on avait aussi les enfants qui étaient désireux de diversifier et pérenniser l’exploitation”, précise-t-il.
Encore fallait-il s’assurer des débouchés en matière de distribution. Là aussi, Jean-Michel Dossat peut remercier la providence. “En contactant GRDF, j’avais la possibilité d’injecter sur Mirande parce qu’une ligne avait été votée de Mirande à Auch. C’est tombé à point nommé. Ça a été assez rapide au final. Entre la réflexion et la mise en service, il s’est écoulé deux ans”, indique l’agriculteur, qui gère, outre son élevage, 250 hectares de cultures (orge, triticale, maïs et sorgho).

Le moteur de cette énergie verte se trouve donc sur place : Jean-Michel Dossat collecte tous les 20 jours une centaine de tonnes de fumier, à laquelle est ajouté du lisier de canard provenant de quatre exploitations voisines. Le tout est stocké sur place et permet d’alimenter le méthaniseur en permanence, à raison de 30 tonnes par jour. “On a environ 12 000 tonnes de matière. Cela représente un an de stock d’avance”, précise Jean-Michel Dossat.
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Malgré l’ampleur de l’installation, l’exploitant réfute toute nuisance, sonore ou olfactive. “Ici, il n’y a pas de bruit, il n’y a pas d’odeur. C’est un site qu’on tient propre. Je n’ai eu aucun opposant”, atteste Jean-Michel Dossat. Le résultat selon lui d’un chantier exemplaire, “ancré dans le développement local”. L’exploitant détaille : “Entre le terrassement, le réseau, la voirie, l’électricité, la maçonnerie et la clôture, j’ai fait travailler quatre entreprises à moins de 10 kilomètres de l’exploitation”.

Pompé dans la cloche, refroidi puis passé dans les filtres (à charbon et à membrane), le gaz est ensuite injecté dans le réseau GRDF, la distribution étant assurée par l’entreprise Gaz de Bordeaux. “On a signé un contrat, avec un prix déterminé pendant 15 ans”, indique Jean-Michel Dossat. Résidu du processus de méthanisation, le digestat, totalement neutre, sert quant à lui d’engrais. Un produit entièrement vert, comme le gaz. “On sort le gaz mais on ne perd aucune valeur fertilisante. Il n’y a aucune acidification des sols. Au contraire, on les enrichit”, souligne l’agriculteur. La boucle est bouclée.
“En 2028, 70 % de la consommation de gaz du Gers sera produite en gaz vert”
Unité de méthanisation ultramoderne, Bovigaz 32 a demandé un an de travaux et coûté 7 M€, Jean-Michel Dossat ayant reçu une subvention régionale de 500 000 euros. Le gaz vert produit est ensuite injecté dans le réseau GRDF, qui alimente 40 communes et plus de 15 000 clients dans le département.
Pour Fabien Noirot, directeur territorial Occitanie Pyrénées-Sud chez GRDF, cette unité de méthanisation, unique dans le monde agricole gersois, fait figure d’exemple. “La Région a intérêt à ce qu’on fasse du gaz vert, lance-t-il. Dans le Plan climat-air-énergie territorial, il y a 22 % de gaz vert qui doit être produit dans la Région Occitanie en 2030. Si on n’a que deux sites dans le Gers alors qu’on sait qu’on a ici un potentiel de 2 térawattheures, on sera passé à côté de l’objectif du mix énergétique pour le département. Ici, il n’y a pas de vent ni de pétrole. En revanche, le Gers est un des départements en France et en Occitanie où le potentiel en biomasse est le plus élevé.”

Au-delà des objectifs énergétiques, Fabien Noirot salue l’impact de l’unité de méthanisation de Jean-Michel Dossat sur le tissu économique et agricole local : “Quand il fait un site, il crée de l’économie circulaire autour. Il maintient également ses enfants sur l’exploitation. Ce n’est pas neutre.”
D’après les projections de l’ADEME, rapportées par GRDF, “70 % de la consommation de gaz du Gers sera produite en gaz vert” en 2028. De quoi encourager d’autres agriculteurs à suivre l’exemple de Bovigaz 32, à condition d’intégrer au mieux leur projet dans leur environnement. “Que quelqu’un ne veuille pas d’un méthaniseur à 100 mètres de chez lui, ça s’entend. C’est à l’agriculteur de trouver le site qui va bien. Il y a presque 50 % des sites où ça se passe bien, à condition qu’on écoute les gens localement et qu’on construise avec eux la solution”, conclut Fabien Noirot.

