Geert Wilders, au centre de l’image, lors du dernier débat télévisé au Pays-Bas, le 25 octobre 2025. ROBIN UTRECHT / ANP VIA AFP
C’est un scrutin très scruté, dans une Europe où les partis d’extrême droite ont le vent en poupe. Les Néerlandais se rendent aux urnes ce mercredi 29 octobre pour des élections anticipées, après la chute de la fragile coalition en raison d’un différend sur l’immigration. L’extrême droite menée par Geert Wilders apparaissait encore favorite à la veille du vote. On fait le point.
• Pourquoi des législatives anticipées ?
Les Néerlandais sont appelés aux urnes pour la deuxième fois en seulement onze mois. En cause, le retrait soudain du Parti pour la liberté (PVV) d’extrême droite de la coalition au pouvoir, annoncé le 3 juin par son chef Geert Wilders. Il avait dit son agacement face à ce qu’il voyait comme une lenteur de la mise en œuvre d’une politique d’immigration stricte. « J’ai signé pour une politique d’asile la plus stricte, pas pour la chute des Pays-Bas », avait-il fulminé.
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Il avait lancé un ultimatum : si le gouvernement n’appliquait pas immédiatement son plan en dix points pour lutter contre l’immigration, il le torpillerait. Il a rapidement mis sa menace à exécution, malgré les négociations de crise entamées par les trois autres partis de la coalition, s’attirant les foudres de ses anciens partenaires : « Comment pouvez-vous faire ça aux Pays-Bas ? » a lâché, furieuse, Dilan Yesilgoz, leader du parti libéral VVD, en qualifiant son attitude de « super irresponsable ».
• Wilders en tête mais sûrement pas Premier ministre
Le sabotage en règle du gouvernement par Geert Wilders n’a semble-t-il pas ébranlé ses électeurs. Selon les sondages, lui et le Parti pour la liberté (PVV) restent favoris pour finir en tête des suffrages – bien que l’écart avec les deux partis suivants se soit réduit ces derniers jours. Une « victoire en trompe-l’œil », comme le décrit l’historien Marijn Kruk auprès du « Parisien » ? S’il termine premier, le PVV pourrait bien perdre un tiers des sièges remportés il y a deux ans.
Populiste, anti-islam et anti-UE, décrit comme un « Trump néerlandais » Geers Wilders a peu de chances de devenir Premier ministre – tout comme après sa victoire en 2023 : après qu’il a provoqué la chute du gouvernement formé sous sa Dilan Yesilgoz du parti a juré de ne plus faire coalition avec lui, tous comme les autres grands partis.
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Raison pour laquelle dans ce scrutin, la course à la deuxième place est aussi cruciale, car elle donnera sans doute les clés pour tenter de former une coalition. L’actuel deuxième dans les sondages est l’alliance Verts-Gauche, menée par l’ancien vice-président de la Commission européenne Frans Timmermans. Cet homme de 64 ans est perçu comme une valeur sûre et doté d’une solide réputation en matière de climat, ambitieux et érudit, même si certains pointent un manque de dynamisme et de charisme pour atteindre le sommet.
Tout près derrière lui il y a Henri Bontenbal et son parti de centre-droite CDA. A 42 ans, il est vu comme l’étoile montante de la politique néerlandaise, se donnant l’image d’un Néerlandais ordinaire qui cherche à faire bouger les choses en politique et à restaurer la stabilité. Son message « Il est temps de revenir à la normale en politique » a trouvé un écho auprès des électeurs lassés des crises politiques.
L’abstention pourrait être une autre gagnante de ce scrutin, puisqu’une importante partie des électeurs déclare ne pas pouvoir se décider pour qui voter.
• L’immigration et le logement au cœur de la campagne
Aux Pays-Bas, où la densité de population est l’une des plus élevées d’Europe, c’est la crise du logement qui est arrivée régulièrement en tête des préoccupations des électeurs.
Mais comme dans beaucoup de pays en Europe, l’immigration a électrisé la campagne, certains y voyant un lien avec la crise du logement. Le sujet continue de dominer le discours politique néerlandais – au point de faire et défaire le dernier gouvernement.
Derrière ces sujets de préoccupations viennent ensuite la santé, de la criminalité et du coût de la vie, selon un sondage de EenVandaag. Le climat est l’un des sujets les moins importants pour les électeurs néerlandais. En matière de politique internationale, la défense est la principale préoccupation des électeurs, suivie par la guerre en Ukraine, puis par la guerre à Gaza.
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La campagne a par ailleurs été marquée dernièrement par un scandale qui a poussé Geert Wilders à présenter ses excuses lundi : Selon le quotidien néerlandais « De Volkskrant », des images générées par intelligence artificielle discréditant Frans Timmermans, l’un de ses principaux rivaux dans la course, ont été publiées sur un compte Facebook tenu anonymement par deux députés du PVV. Elles montraient, entre autres, Frans Timmermans menotté par deux policiers, et une autre où il prend de l’argent à un homme blanc pour le donner à un couple habillé avec vêtements portés par les musulmans. « Un niveau de médiocrité honteux », s’est indigné Timmermans. « Inapproprié et inacceptable. Je m’en distancie », a de son côté déclaré Geert Wilders sur X en présentant ses excuses à son « collègue ».
• 27 partis pour 150 sièges au Parlement
Les électeurs ont le choix entre pas moins de 27 partis, chacun présentant une liste de candidats se disputant 150 sièges au Parlement, au scrutin proportionnel. En pratique, les Néerlandais devront donc se dépatouiller d’un énorme bulletin de vote de la taille d’une feuille A3 contenant tous les noms des candidats.
Le nombre total de voix est divisé par 150 et tout parti atteignant le seuil minimal (aux dernières élections, il était légèrement inférieur à 71 000) remporte un siège au Parlement.
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Aux Pays-Bas, rois du compromis, aucun parti n’est assez dominant pour remporter une majorité absolue de 76 sièges. Les Néerlandais sont donc habitués aux coalitions multipartites complexes. Les négociations pour former une coalition commencent immédiatement après les sondages de sortie des urnes et durent souvent plusieurs mois. La formation du dernier gouvernement a pris 223 jours.
Le chef du parti qui remporte le plus de sièges est généralement le premier à tenter de former un gouvernement. Jusqu’à ce qu’un accord soit conclu, le Premier ministre démissionnaire Dick Schoof restera au pouvoir.

