Une action choc de la Coordination rurale (CR 47, CR 33) a eu lieu ce jeudi matin à Bordeaux contre la MSA et le Crédit agricole. Elle a été menée un mois après le suicide d’un jeune viticulteur en Gironde, pour dénoncer la pression financière et le manque d’enquêtes sur les suicides des agriculteurs.
De la lie de vin, symbole du sang des agriculteurs, a été aspergée ce jeudi matin à Bordeaux sur les façades de la Mutualité sociale agricole (MSA) et du Crédit agricole. En jaune fluo, sur l’enseigne du bâtiment du siège de la MSA, le mot “mortalité” a été écrit à la place de “mutualité”. Une banderole a également été affichée devant l’entrée avec le message suivant : “La MSA doit nous aider et pas nous pousser au suicide”.
Plusieurs adhérents de la Coordination rurale de Lot-et-Garonne (CR 47) ont mené cette action de concert avec leurs camarades de la CR 33 (Gironde). “Il y a un mois, Jonathan, 37 ans, viticulteur en Gironde, se donnait la mort”, rappellent avec émotion Vincent Collineau, Fabrice Lagueyt et Ludovic Ducloux, coprésidents de la CR 33, Cédric Paladin, président de la Coordination rurale union régionale Nouvelle-Aquitaine (Crur-NA) et José Pérez, président de la CR 47.
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.”Soit on avance tous ensemble, soit on crève tous ensemble”
“Jonathan était l’un des nôtres, confie ce dernier. Il était présent à Agen, en soutien, lors de nos procès”. Le 23 septembre, le jeune viticulteur de Saint-Hilaire-du-Bois s’est donné la mort. Il appartenait à la CR 33 qu’il avait relancée avec une poignée d’amis. “Il travaillait en agriculture biologique et faisait son vin comme il vivait : avec exigence, droiture et amour, indique la CR en lui rendant hommage. Élu à la chambre de Gironde, il a siégé au comité Viticulture et au Vinopôle de Bordeaux. Il lisait chaque dossier, appelait les agriculteurs pour comprendre, toujours dans un esprit de justice et d’équité. Au-delà de toutes ses missions, il portait, aux côtés de la sénatrice de la Gironde Florence Lassarade, un projet qui lui tenait profondément à cœur : venir en aide aux agriculteurs en détresse.”
Un mois après son décès brutal, l’émotion était encore palpable ce jeudi matin à Bordeaux.”Soit on avance tous ensemble, soit on crève tous ensemble”, lance José Pérez. En se tournant vers la façade du Crédit agricole dégoulinante de lie de vin, le leader syndical a déclaré : “Il faut que la justice s’empare du sujet. Quand un gendarme se suicide, il y a des enquêtes et c’est tout à fait normal. Quand un agriculteur se suicide, il n’y a aucune enquête ouverte. C’est inadmissible.”
Et de s’agacer : “À 60 % du temps, le suicide d’un agriculteur est causé par un problème financier. Il y a une pression mise par les banques, par la MSA, par les créanciers. Ce n’est plus supportable. Aujourd’hui, c’est juste un avertissement, on ira voir tous les organismes de toute la France s’il faut.”
“Les créanciers se défilent trop souvent grâce à l’informatique et aux procédures automatisées
Dans un communiqué, les CR 47, 33 et NA s’étonnent du silence de l’État. “Aucun audit interne n’a été déclenché pour savoir ce qui a conduit Jonathan à l’irréparable. Des enquêtes ne sont-elles pas systématiques, à la suite de tels drames, dans les entreprises privées ?” Ils posent les questions suivantes : “Le Crédit agricole Aquitaine sera-t-il poursuivi pour harcèlement, pour manquement ? La MSA Gironde devra-t-elle rendre des comptes sur le harcèlement qu’ils font endurer à leurs affiliés ?”
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La CR estime que “les créanciers se défilent trop souvent grâce à l’informatique et aux procédures automatisées pour ne plus rencontrer personne, pour lancer des procédures comme les Avis à tiers détenteurs, les blocages de comptes bancaires ou autres procédures d’huissiers, sans même avoir épuisé tous les recours possibles.” Le syndicat demande que des enquêtes soient diligentées pour faire la lumière et poursuivre pénalement les responsables.”
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Selon un rapport de la MSA datant d’octobre 2022, 529 agriculteurs affiliés se sont donné la mort en 2016, soit environ 1,5 suicide par jour. Sorti en 2019, le film “Au nom de la terre” d’Édouard Bergeon, avec Guillaume Canet, avait brisé le tabou. L’ancien député du Lot-et-Garonne Olivier Damaisin avait, lui, été l’auteur du premier rapport parlementaire sur le suicide en agriculture en 2020. Il est aujourd’hui Coordinateur national interministériel du Plan prévention mal-être en agriculture. “Le décès de Jonathan est un drame terrible.