Si le Tarn-et-Garonne est épargné par la maladie, l’épidémie de dermatose nodulaire contagieuse a des conséquences immédiates pour les éleveurs bovins : les veaux et broutards destinés à l’Italie, à l’Espagne ou à la Tunisie sont bloqués suite à la décision de la ministre de l’Agriculture de suspendre les exportations au moins 15 jours. Les acteurs de la filière sont en colère.
“J’avais prévu de vendre mes veaux lundi mais ils ne sont pas partis.” Gilles Vidal, éleveur de race Aubrac à Caylus (Tarn-et-Garonne) ne cache pas son dépit. Vendredi 17 octobre, il a appris que le gouvernement, par la voix de la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, suspendait pendant 15 jours les exportations de bovins. Ceci en raison de cas de dermatose nodulaire contagieuse détectés dans le Jura et, plus récemment, dans les Pyrénées-Orientales.
“Ce blocage des exports nous est imposé de façon péremptoire et sans concertation mais quelque part, elle a été prise sous la pression de l’Union européenne qui était prête à appliquer la clause de sauvegarde pour empêcher les animaux de sortir de France”, analyse Jean-Philippe Viguié, président de la Chambre d’agriculture et lui-même éleveur d’Aubrac à Lacapelle-Livron.
Pour lui, “il n’y a pas de raison de paniquer car on parle d’une centaine de cas dans l’hexagone. La maladie n’est pas hors de contrôle”. Jean-Philippe Viguié rentre justement des Pyrénées-Orientales, seul département d’Occitanie où des cas de DNC ont été confirmés. “J’avais une réunion de bureau de la chambre régionale d’agriculture et j’en ai profité pour me rendre dans la zone de surveillance, en Cerdagne. C’est quand même rude pour les éleveurs touchés mais ils ont bien compris l’importance de lutter contre la maladie et de faire vacciner leur cheptel. On voit que la stratégie mise en place en Savoie a bien marché.”
“Pour mes quinze veaux, le calcul est simple, ça va me faire perdre 6 000 euros. À cause de la bêtise de certains, c’est tout le monde qui trinque.”
Pour l’heure, son voisin de Caylus Gilles Vidal en est à constater les dégâts. “Les cours vont baisser, je le crains. Les Italiens et les Espagnols, ils ne sont pas fous, quand la cloche de verre sera levée sur la France, ils vont tout faire pour tirer les cours vers le bas.” Le président de l’ELVEA, principale association d’éleveurs du Tarn-et-Garonne, parie sur une baisse d’1 euro le kilo. “Pour mes quinze veaux, le calcul est simple, ça va me faire perdre 6 000 euros. À cause de la bêtise de certains, c’est tout le monde qui trinque.”
Les “certains” que pointe du doigt le Caylusien sont à chercher du côté du Jura avec des éleveurs qui “ont déplacé des animaux sans trop réfléchir à ce qui se passait”, contribuant à la propagation de la maladie. “C’est scandaleux. Il est hors de question que ces agissements-là pèsent sur le cours des veaux. Justement, il manque des veaux, le marché, il est là. On commençait à sortir la tête de l’eau et il nous arrive ça.”
“Pour le moment, ce sont nos chiffres d’affaires qui sont bloqués”
À Lapenche, les frères Larroque, éleveurs engraisseurs et exportateurs de veaux et broutards de la race Blonde d’Aquitaine, prennent leur mal en patience. “Tout est bloqué pour l’Italie. On attend, on ne peut que se plier à ce qui nous est demandé de faire. Heureusement, on venait de faire partir un bateau pour la Tunisie, le 10 octobre. Le prochain est prévu en décembre. On espère que la situation sera réglée d’ici là”, confie l’épouse de Mathieu. “Pour le moment, ce sont nos chiffres d’affaires qui sont bloqués.”
Après la fièvre catarrhale ovine et la maladie hémorragique épizootique (MHE), cette épidémie de dermatose nodulaire contagieuse, non transmissible à l’homme précisons-le, ne pouvait plus mal tomber. “Octobre et novembre, c’est le moment où on vend les veaux, le moment aussi où on rembourse les emprunts et où on paie les fermages”, rappelle Jean-Philippe Viguié.
“Nous, on ne peut pas faire une bonne année, on n’a pas le droit. Cette histoire, ça vient gâcher le renouveau, l’espoir que des jeunes s’installent”, regrette amèrement Gilles Vidal. Le président de l’ELVEA 82 évoque une autre conséquence pratique de ce marché à l’arrêt : “Il y a plein d’éleveurs qui n’ont pas de quoi rentrer les veaux, pas de bâtiments disponibles alors que l’hiver arrive”. Il pense aussi aux marchands de bestiaux : “Ils ne peuvent plus décharger les animaux sur les sites de rassemblement. Il ne leur reste plus comme options que de ramasser les vaches chez les éleveurs et de les conduire directement à l’abattoir ou bien d’aller au marché de Laissac ou de Baraqueville.” Si les marchés et foires aux bestiaux sont interdits jusqu’à nouvel ordre en Occitanie, les seuls animaux transportables sont ceux “annoncés” qui rejoignent les abattoirs.
Les jours passant, Gilles Vidal voit ses 15 veaux Aubrac prendre du poids… et ça ne fait pas ses affaires. “Mes clients italiens veulent des animaux entre 400 et 420 kg. Moi, mes veaux, je veux qu’ils partent le 5 novembre.” Pas sûr que le vœu du Caylusien puisse être exaucé.