Des débrits de voiture lors d’un attentat à la bombe à Pomezia, au sud de Rome, en Italie, le 17 octobre 2025. FABIANO/LAPRESSE/SHUTTERSTOCK/SIPA
Dans la nuit de jeudi à ce vendredi 17 octobre, une bombe a fait exploser la voiture d’un célèbre journaliste d’enquête italien, Sigfrido Ranucci, devant son domicile à Pomezia, à une vingtaine de kilomètres au sud de Rome.
• « Un kilogramme d’explosif »
Dans l’explosion, qui n’a pas fait de victime, la voiture de Sigfrido Ranucci a été détruite, tandis que celle de sa fille et la façade d’une maison à proximité ont été endommagées par l’explosion.
« Il y a eu un énorme bruit, un grondement. Nous avons eu peur », témoigne un habitant du quartier auprès du quotidien italien « La Reppublica ». « J’habite à 500 mètres et le bruit était très puissant, raconte Angelo. J’ai compris qu’il s’agissait de quelque chose de grave, pas d’un simple pétard. » Certains, inquiets, sont venus voir par eux-mêmes ce matin. « C’était très fort, ajoute Roberta. Mon fils s’est réveillé et n’a plus réussi à se rendormir. »
« La puissance de l’explosion a été telle qu’elle aurait pu tuer si quelqu’un était passé à ce moment précis à côté », assure Sigfrido Ranucci dans son émission « Report », programme d’investigation de la télévision publique Rai. « Au moins un kilogramme d’explosif a été utilisé » précise-t-il au quotidien « Corriere della Sera ».
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Selon les enquêteurs, l’engin explosif n’a pas été déclenché à distance ou à l’aide de minuterie mais via une mèche, entre deux pots de fleurs à proximité de la voiture. Les enquêteurs recherchent d’éventuelles caméras qui auraient filmé le moment où l’engin explosif a été déposé.
• Un journaliste régulièrement visé
Sigfrido Ranucci vit sous escorte policière depuis 2014 et est un habitué des menaces. Il avait notamment trouvé deux cartouches devant sa maison. « J’ai reçu une liste infinie de menaces diverses, dont j’ai toujours informé la justice, et sur lesquelles les membres de ma garde rapprochée ont toujours fait des rapports », a souligné Sigfrido Ranucci à l’agence Ansa après avoir porté plainte à Rome vendredi matin. Le parquet anti-mafia de Rome s’est saisi de l’enquête.
« Ce qui s’est passé cette nuit représente une escalade inquiétante », a poursuivi le journaliste. « Je me sens néanmoins tranquille dans le sens où l’Etat et les institutions m’ont toujours soutenu ces derniers mois. »
Sigfrido Ranucci, 64 ans, travaille pour la Rai depuis 1989. Il a réalisé de nombreuses enquêtes sur la mafia et le trafic illégal de déchets et a remplacé en 2017 à la tête de « Report » la créatrice de l’émission, Milena Gabanelli.
Cette dernière a commenté que « Ça ne signifie qu’une chose : cher Sigfrido, chez “Report” vous ne devez plus vous occuper de nos affaires. » Mais ceux qui ont posé cette bombe « se sont trompés de cible », a-t-elle poursuivi. Et d’ajouter : « Cette équipe ne se laisse pas intimider. »
Il avait récemment annoncé la nouvelle saison de « Report », prévue pour débuter le dimanche 26 octobre et qui parlera, entre autres, de la’Ndrangheta, la puissante mafia calabraise et de Cosa Nostra.
Les journalistes qui enquêtent sur le crime organisé et la corruption sont systématiquement menacés et parfois victimes de violences physiques en raison de leur travail d’investigation, ajoute RSF. Une vingtaine de journalistes vivent actuellement sous protection policière permanente après avoir été la cible d’intimidations et d’agressions.
• Avalanche de condamnations
Cette explosion nocturne a suscité un déluge de condamnations vendredi. La cheffe du gouvernement ultraconservateur Giorgia Meloni a exprimé dans un communiqué sa « pleine solidarité » au journaliste et a « fermement condamné le grave acte d’intimidation ». Le président de la République, Sergio Mattarella, a lui exprimé à Sigfrido Ranucci sa solidarité et sa « condamnation sévère » de l’attentat.
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« Nous condamnons fermement l’acte d’intimidation qui a visé le journaliste d’investigation Sigfrido Ranucci, l’attaque la plus grave contre un reporter italien ces dernières années », a déclaré RSF à l’AFP.
« Un attentat contre un journaliste est un attentat contre l’Etat », a commenté de son côté le ministre de la Justice Carlo Nordio sur la chaîne SkyTG24.
Sur Instagram, le journaliste Roberto Saviano, auteur de livres-enquêtes sur la mafia et qui vit lui aussi en Italie sous escorte a apporté son soutien à son collègue : « Continuer à dire les faits, aujourd’hui, est un acte de résistance civile. » Les enfants Sigfrido Ranucci ont eu réagit par un message à leur père : « Nous n’avons pas peur, nous sommes fiers de papa. »