Donald Trump a été proche du financier jusqu’au milieu des années 2000 mais a depuis toujours démenti avoir eu connaissance de son comportement criminel. JOHN WHITNEY / NURPHOTO VIA AFP
L’affaire Epstein connaît un nouveau rebondissement qui pourrait créer une déflagration à Washington. Plusieurs e-mails attribués à Jeffrey Epstein, financier new-yorkais mort en prison en 2019 avant son procès pour crimes sexuels, ont été dévoilés ce mercredi 12 novembre par des parlementaires démocrates. Dans l’un d’eux, il affirme que le président américain Donald Trump, qui a toujours nié toute implication dans l’affaire, « savait à propos des filles ».
• Trump « savait à propos des filles »
L’un de ces mails a été adressé en janvier 2019 à l’auteur Michael Wolff, qui avait écrit un livre sur Trump l’année auparavant. Epstein y explique que « Trump [lui] a demandé de [renoncer à son statut de membre] » de son club de Floride, Mar-a-Lago, qui est également sa résidence. « Bien sûr, qu’il savait à propos des filles, puisqu’il a demandé à Ghislaine d’arrêter ». Ghislaine Maxwell, complice et ancienne compagne de Jeffrey Epstein, purge actuellement une peine de vingt ans de prison pour exploitation sexuelle. Plus haut dans le mail, le nom d’une victime d’Epstein a été flouté.
Des parlementaires démocrates ont affirmé plus tôt dans la semaine, en citant un lanceur d’alerte, que Ghislaine Maxwell s’apprêtait à demander officiellement au président américain de commuer sa peine, souligne le « New York Times ». En d’août dernier, alors que l’affaire Epstein agitant la Maison-Blanche, elle avait volé au secours de Trump en affirmant dans un entretien rendu public n’avoir « jamais » observé de comportement inapproprié de sa part.
• Trump aurait passé « des heures » chez Epstein avec une victime
Dans un autre mail daté de février 2011 et adressé à sa complice Ghislaine Maxwell, Epstein s’étonne que Trump « n’a pas été mentionné une seule fois », supposément dans l’affaire qui l’entoure, alors qu’« [une victime] a passé des heures chez moi avec lui ». « Oui, j’y pensais aussi », lui répond Ghislaine Maxwell.
• Epstein propose de trouver une excuse pour expliquer sa relation avec Trump avant un débat télévisé
Dans un troisième et dernier mail daté du 15 décembre 2015, la nuit du débat télévisé de la primaire républicaine dans la course à la présidentielle de 2016, l’auteur Michael Wolff prévient Epstein que « CNN prévoit d’interroger Trump sur sa relation avec [lui] – soit en direct, soit après ».
« Si nous pouvions lui élaborer une réponse, que pensez-vous qu’elle devrait être ? », lui répond le financier qui, depuis le début de l’année 2015, est visé par une nouvelle vague d’accusations de crimes sexuelles.
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« Vous devriez le laisser se discréditer, dit Wolff. S’il dit qu’il n’a jamais été dans l’avion ou dans la maison, cela vous offrira un avantage considérable en termes de relations publiques et de pouvoir politique. Vous pouvez le discréditer de manière à potentiellement vous être bénéfique, ou, s’il semble vraiment capable de gagner, vous pourriez le sauver, générant une dette [envers vous]. Bien sûr, il est possible que, s’il est interrogé, il affirme que Jeffrey est un type formidable, qui a [fait face à une injustice] et est victime du politiquement correct victime d’une injustice et du politiquement correct, ce qui être proscrit sous une présidence Trump. »
Trump n’a finalement pas été interrogé à l’antenne ce soir-là, rappelle notamment le « New York Times ».
• Trump accuse les démocrates
En réponse, Donald Trump a accusé les démocrates de chercher à « détourner l’attention » en diffusant ces emails. « Les démocrates essaient de relancer la supercherie autour de Jeffrey Epstein parce qu’ils feraient n’importe quoi pour détourner l’attention des erreurs qu’ils ont faites sur la paralysie budgétaire », a écrit le président américain sur son réseau Truth Social. « Seul un républicain très mauvais ou stupide tomberait dans ce piège », a-t-il ajouté
• Trump empêtré dans l’affaire Epstein
Pendant toute sa campagne présidentielle, Donald Trump n’avait cessé de promettre des révélations sur l’affaire Epstein, très scrutée par la base de son électorat. Mais les choses ne se sont pas passées comme prévu : début juillet, le gouvernement a finalement affirmé n’avoir découvert aucun élément nouveau justifiant la publication de documents supplémentaires dans ce dossier. De nombreux soutiens du président américain ont exprimé leur colère et leur incompréhension face à l’absence de ces révélations.
Depuis, Trump tente d’éteindre la polémique, qu’il a qualifiée à plusieurs reprises de « canular » monté par l’opposition démocrate. Ses opposants, eux, inondent quotidiennement les réseaux sociaux de messages appelant à « rendre public le dossier Epstein ».
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Le mort par suicide, en prison, de Jeffrey Epstein a alimenté d’innombrables théories du complot, selon lesquelles il aurait été assassiné pour l’empêcher d’impliquer des personnalités de premier plan. Figure comme Jeffrey Epstein de la jet-set new-yorkaise des années 1990-2000, Donald Trump a été proche du financier jusqu’au milieu des années 2000. Il a depuis toujours démenti avoir eu connaissance de son comportement criminel.
Une lettre attribuée au milliardaire républicain à l’attention de Jeffrey Epstein pour son anniversaire en 2003 a été rendue publique début septembre par les mêmes parlementaires démocrates. La lettre aux tonalités lubriques, montre une esquisse de buste féminin avec des déclarations attribuées à tour de rôle à Jeffrey Epstein et à Donald Trump. La signature du futur président américain figure au pied de la note, à la place du pubis de la femme dessinée. La Maison-Blanche avait démenti que Donald Trump en ait été l’auteur.
En 2024, le quotidien britannique « The Guardian » a par ailleurs révélé le témoignage d’une mannequin qui accusait le président américain de l’avoir agressée sexuellement en 1993 après l’avoir rencontrée par l’intermédiaire de Jeffrey Epstein.
• De nouveaux rebondissements attendus dans les jours à venir
Ces e-mails, obtenus par le biais des légataires de Jeffrey Epstein, ont été sélectionnés parmi des milliers de pages de documents reçues par le comité de surveillance de la Chambre des Représentants. Cette commission enquête depuis plusieurs semaines sur la manière dont l’Etat fédéral a conduit l’enquête et les poursuites contre Jeffrey Epstein. Les échanges « soulèvent de graves questions sur Donald Trump et ce qu’il connaissait des crimes horribles d’Epstein », affirment les élus démocrates qui les ont publiés.
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Leur divulgation intervient alors que la démocrate Adelita Grijalva doit être investie mercredi au Congrès américain. Le chef républicain Mike Johnson est accusé par l’opposition d’avoir retardé pendant plus d’un mois et demi cette prestation de serment afin d’éviter un vote sur l’affaire Epstein. Adelita Grijalva devrait devenir la dernière signature nécessaire d’une pétition qui, en vertu des règles de la Chambre, forcerait un vote sur un texte visant à contraindre l’administration Trump de publier les dossiers en sa possession sur l’affaire.

