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Le Nouvel Obs
L’ancien président brésilien Jair Bolsonaro lors d’une conférence, dans l’Etat de Santa Catarina, au Brésil, le 6 juillet 2024. EVARISTO SA/AFP
Le verdict est tombé. L’ancien chef de l’Etat brésilien d’extrême droite Jair Bolsonaro a été condamné jeudi 11 septembre à 27 ans de prison pour tentative de coup d’Etat à l’issue d’un procès historique, malgré les intenses pressions du président américain Donald Trump en sa faveur.
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Le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio a aussitôt promis des représailles : les Etats-Unis vont « répondre en conséquence » à cette condamnation « injuste », a-t-il dit. Le Brésil a répliqué qu’il ne se laisserait pas « intimider » par des « menaces ».
Par quatre voix contre une, le Tribunal suprême fédéral a déclaré coupable l’ex-président brésilien (2019-2022), 70 ans, le condamnant à 27 ans et trois mois de prison. Un séisme à un peu plus d’un an de la présidentielle de 2026.
L’ancien dirigeant d’extrême droite, absent des audiences finales, était accusé par le parquet d’être le chef d’une « organisation criminelle » ayant conspiré pour assurer son « maintien autoritaire au pouvoir », en dépit de sa défaite face au président actuel de gauche Luiz Inacio Lula da Silva lors du scrutin de 2022.
Le 8 janvier 2023, les partisans de Jair Bolsonaro avaient envahi le palais présidentiel, le Congrès et le Tribunal suprême fédéral, pour protester contre la victoire de Lula, actuel président brésilien. Alors aux Etats-Unis, Jair Bolsonaro est accusé par le parquet d’avoir été l’instigateur des émeutes. Selon l’accusation, le projet prévoyait notamment l’assassinat de Lula et ne s’est pas concrétisé faute de soutien de la hiérarchie militaire.
« Tête haute » et projet d’amnistie
Assigné à résidence depuis début août et inéligible jusqu’en 2030, Jair Bolsonaro clame son innocence et se dit victime d’une « persécution politique », à un peu plus d’un an de l’élection présidentielle de 2026. Il n’était pas présent à l’audience, pour motif de santé selon sa défense.
L’ancien chef de l’Etat garde « la tête haute pour affronter cette persécution », a réagi le sénateur Flavio Bolsonaro, son fils aîné. Le camp conservateur va mettre « toutes ses forces » pour « unir le Parlement » autour d’un projet d’amnistie incluant son leader, a-t-il affirmé.
C’est la première fois qu’un ancien chef de l’Etat est condamné pour de tels faits, dans un pays encore hanté par le souvenir de la dictature militaire (1964-1985). Déplorant des peines « incroyablement excessives », ses avocats ont promis de déposer « les recours appropriés, y compris au niveau international ».
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Selon une source du Tribunal suprême fédéral, la défense aura cinq jours pour faire appel, une fois le jugement publié. Jair Bolsonaro ne pourrait être envoyé en prison qu’une fois tous ses recours épuisés, a expliqué à l’Agence France-Presse (AFP) Thiago Bottino, professeur de droit pénal à la Fondation Getulio-Vargas.
Le procès déchire une opinion ultra-polarisée, y compris dans la capitale. Dans un bar de Brasilia où l’audience de jeudi était retransmise sur un écran géant, applaudissements et cris de joie ont salué la condamnation. « Après tant d’attente, cet individu exécrable se fait envoyer en prison », a dit à l’AFP Virgilio Soares, traducteur.
Dans un tout autre climat, quelques dizaines de sympathisants bolsonaristes se sont retrouvés près de son domicile pour témoigner leur soutien à leur champion lors d’une « veillée de prière ». « Avec l’âge qu’il a, nous savons tous qu’il finira par mourir en prison », lâche Vantuir Batista, pasteur évangélique.
« Les Etats-Unis réagiront à cette chasse aux sorcières »
L’affaire Bolsonaro est aussi à l’origine d’une crise sans précédent entre la première puissance d’Amérique latine et les Etats-Unis. Dénonçant une « chasse aux sorcières » contre Jair Bolsonaro, Donald Trump a imposé depuis début août une surtaxe punitive de 50 % sur une part importante des exportations brésiliennes. « C’est très surprenant que ça puisse arriver », a réagi le président américain après la condamnation de son allié, la comparant à ses propres déboires judiciaires passés.
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« Les persécutions politiques perpétrées par Alexandre de Moraes, un homme condamné pour violation des droits de l’homme, se poursuivent », a dénoncé le secrétaire d’Etat américain Marco Rubio, qui estime que ce juge du Tribunal suprême fédéral, ancien ministre de la Justice d’un gouvernement de droite, et « d’autres membres du Tribunal suprême fédéral du Brésil ont injustement décidé d’emprisonner l’ancien président Jair Bolsonaro ». « Les Etats-Unis réagiront en conséquence à cette chasse aux sorcières », a ajouté le chef de la diplomatie américaine.