La présence grandissante des vautours dans le Gers et les Pyrénées alimente une controverse vive entre éleveurs et naturalistes. Deux visions du vivant qui s’affrontent, entre inquiétudes rurales et impératifs de protection.
Depuis plusieurs mois, la présence des vautours dans le Gers et les Pyrénées suscite des débats passionnés. Entre éleveurs inquiets et défenseurs de la biodiversité, les positions semblent irréconciliables. D’un côté, des agriculteurs dénoncent des attaques sur le bétail et réclament le droit de se défendre ; de l’autre, des experts rappellent le rôle écologique indispensable de ces charognards. Qui dit vrai ?
Pour éclairer ce débat, les témoignages du président de la Chambre d’agriculture du Gers, Lionel Candelon, et du Dr Didier Villate, vétérinaire rural pendant 45 ans et membre de la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux) gersoise.
“Trois attaques, c’est trois de trop !”
Pour le président de la Chambre d’agriculture du Gers, la situation est claire : “Il y a eu trois attaques de vautours dans le Gers, mais c’est trois de trop.” Ces attaques visent principalement des vaches en train de vêler ou des animaux affaiblis. “Les vautours attaquent des vaches qui viennent de mettre bas ou des veaux qui ne savent pas encore se relever.”

Lionel Candelon en veut pour preuve les témoignages d’éleveurs, qui décrivent des scènes impressionnantes : “Ils voient des vols de 30 à 80 rapaces tourner autour des troupeaux.” Des vidéos, abondamment relayées sur les réseaux sociaux, montrent un veau et une vache assaillis par ces rapaces, ou un veau suivi par un vautour.
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La Chambre d’agriculture, qui pointe une surpopulation des vautours dans les Pyrénées, demande donc la possibilité de tirs de défense pour les éleveurs, afin de protéger leurs animaux lors des vêlages. “On ne critique pas le vautour parce qu’il a faim, mais parce qu’il est dangereux. Il faut pouvoir agir, sinon un jour, il y aura un accident grave.”
Le président insiste aussi sur la nécessité d’un système d’alerte : “Si un éleveur voit des vautours s’approcher, il doit pouvoir prévenir ses voisins et agir rapidement.” Car comme tous les rapaces, le charognard est protégé, et sa chasse est totalement interdite.
“Ceux qui en parlent le plus sont ceux qui connaissent le moins le sujet”
Didier Villate conteste ces accusations et réclame des preuves. “Ces vidéos ne disent rien : le veau a-t-il été finalement attaqué ? On ne le voit pas. La vache et son petit étaient-ils valides ? On n’en sait rien.”

Pour l’ancien vétérinaire rural et membre de la LPO, les craintes autour des vautours relèvent souvent du fantasme. “Ce sont des nécrophages. Ils ne s’attaquent qu’à des animaux déjà mourants ou morts.” Et les charognards jouent un rôle écologique majeur : “Sans eux, les carcasses s’accumuleraient, avec des risques sanitaires et des coûts d’équarrissage exorbitants.”
Pas de surpopulation non plus : les vautours s’autorégulent en fonction de la disponibilité alimentaire. “Leur présence en plaine a toujours existé, elle est due à l’erratisme, surtout en période de chaleur.” L’ancien vétérinaire dénonce des croyances qui ont la vie dure : jadis, on accusait les vautours de dévorer les enfants…
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Au sein des défenseurs de la biodiversité, parmi lesquels beaucoup de scientifiques spécialistes de la faune aviaire, on appelle à renforcer la surveillance des troupeaux lors des vêlages, avec des chiens de protection et des bergers. “La polémique autour des vautours dans le Gers, elle reflète un débat plus large sur la cohabitation entre l’homme et la nature, résume le Dr Villate. C’est à nous, aujourd’hui, de trouver notre place dans cet équilibre. Est-ce que dire “la nature est mal faite, on doit tout changer”, c’est la solution ?”