L’un des drones abattus en Pologne en milieu de semaine. ANITA WALCZEWSKA/EAST NEW/SIPA
« C’est dans le besoin qu’on reconnaît ses vrais amis… » Molle réaction de Donald Trump, réponse de la Pologne, soutien des alliés européens : deux jours après l’intrusion sans précédent dans le ciel de la Pologne de 19 drones présumés russes, « le Nouvel Obs » fait le point sur la situation.
• « Erreur » ou pas ? La Pologne répond à Trump
Réagissant à cette intrusion sur le territoire polonais, le président américain, Donald Trump, a estimé jeudi que l’intrusion de drones présumés russes sur le territoire de la Pologne était peut-être le résultat d’une erreur de la part de la Russie, mais s’est dit mécontent de la situation. « Cela a pu être une erreur », a-t-il répondu aux journalistes qui l’interrogeaient sur le sujet. « Mais quoi qu’il en soit, je ne suis pas content de quoi que ce soit dans cette situation ». Varsovie a fermement récusé ce vendredi les déclarations du président américain.
Donald Tusk lors d’une réunion extraordinaire de son cabinet, en présence de l’Etat major de son armée, ce mercredi 10 septembre. ALEKSANDER KALKA / NURPHOTO VIA AFP
« Nous aussi préférerions que l’attaque de drones contre la Pologne soit une erreur. Mais ce n’en est pas une. Et nous le savons », a écrit sur son compte Bluesky, en anglais, le Premier ministre Donald Tusk.
Dans un message vidéo également publié sur le réseau social vendredi matin depuis Kiev, le chef de la diplomatie polonaise Radek Sikorski a repris les termes de Donald Trump pour les démentir : « L’incident des drones n’était pas une erreur. »
Les autorités polonaises ont indiqué avoir récupéré 17 drones ou débris de drones de facture russe, tombés sans faire de blessés ni dégâts matériels majeurs dans l’est de ce pays membre de l’Otan, frontalier de l’Ukraine et du Bélarus.
La police et l’armée polonaises inspectent les dommages d’une maison sur laquelle sont tombés les débris d’un drone. WOJTEK RADWANSKI / AFP
A lire aussi
Récap
La Pologne intercepte des drones, les Occidentaux accusent la Russie… Ce que l’on sait
Tandis que Varsovie, Kiev et leurs alliés européens dénoncent un acte délibéré destiné à tester les défenses de l’Otan et de l’Union européenne, Moscou nie toute responsabilité.
La Pologne rejette l’hypothèse d’une déviation accidentelle des drones qui aurait pu être provoquée par le brouillage électronique de la défense antiaérienne ukrainienne.
« Un ou deux drones, on pourrait envisager une erreur – mais 19 lancés de territoires sous contrôle russe, c’est une attaque intentionelle écontre la Pologne et le flanc est de l’Otan », a insisté sur X le vice-ministre de la Défense, Cezary Tomczyk, dans un message adressé au compte officiel du président américain. « C’est dans le besoin qu’on reconnaît ses vrais amis. »
La Pologne, qui a appelé à un renforcement drastique des capacités militaires de l’UE et de l’Otan sur son sol, a aussi saisi le Conseil de sécurité de l’ONU, qui doit se réunir en urgence ce vendredi.
• La patience de Trump « s’épuise rapidement »
Interrogé pendant l’émission en direct « Fox and Friends » sur les intrusions de drones russes en Pologne cette semaine, Donald Trump a ajouté, énigmatique, ce vendredi : « Je ne veux prendre la défense de personne mais ils (les drones, ndlr) ont en fait été abattus. »
Donald Trump a toutefois ajouté ce vendredi que sa patience envers le président russe Vladimir Poutine « s’épuisait rapidement » et évoqué la possibilité de sanctions contre les banques et le secteur pétrolier russes, sans s’y engager fermement.
Le président américain a ajouté, pendant un entretien en direct sur la chaîne Fox News à New York, qu’il fallait aussi convaincre le président ukrainien Volodymyr Zelensky de mettre fin au conflit en Ukraine, déclenché en 2022 par l’invasion russe de ce pays, en déclarant :
« Il faut être deux pour danser le tango. Quand Poutine voulait le faire, Zelensky ne voulait pas. Quand Zelensky voulait, Poutine ne voulait pas », a-t-il affirmé à propos d’éventuelles négociations de paix.
Interrogé sur la forme que prendraient de nouvelles mesures contre la Russie, Donald Trump a expliqué : « Cela consistera à les frapper durement avec des sanctions contre les banques et concernant aussi le pétrole et les droits de douane. Mais je l’ai déjà fait, j’ai fait beaucoup. »
• Les ministres des Affaires étrangères polonais et britannique à Kiev
Le chef de la diplomatie polonaise, Radoslaw Sikorski, est arrivé à Kiev ce vendredi pour des discussions sur la sécurité, quelques jours après l’intrusion sans précédent d’une vingtaine de drones présumés russes sur le territoire polonais. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Andriï Sybiga, a publié une photo le montrant en train d’accueillir son homologue polonais dans une gare de Kiev.
« Face à l’escalade du terrorisme de la Russie contre l’Ukraine et aux provocations contre la Pologne, nous sommes fermement unis », a écrit Andriï Sybiga sur les réseaux sociaux. « Nous tiendrons aujourd’hui des discussions substantielles sur notre sécurité commune, l’adhésion de l’Ukraine à l’UE et à l’Otan, ainsi que sur la pression à exercer sur Moscou. »
La ministre britannique des Affaires étrangères, Yvette Cooper, est aussi arrivée en Ukraine vendredi, a annoncé son ministère. Elle doit rencontrer le président Volodymyr Zelensky.
A lire aussi
Entretien
Josep Borrell : « Nous avons dormi trop longtemps sous le parapluie américain »
• La France mobilise trois Rafale et convoque l’ambassadeur russe
La France a pour sa part décidé de mobiliser trois avions de chasse Rafale « pour contribuer à la protection de l’espace aérien polonais » ainsi que de l’Europe de l’Est avec l’Otan, après les « incursions de drones russes en Pologne », a annoncé jeudi Emmanuel Macron.
« Je m’y étais engagé hier auprès du Premier ministre polonais » Donald Tusk, a dit le président français sur le réseau X, précisant s’être aussi entretenu avec le secrétaire général de l’Otan Mark Rutte et le Premier ministre britannique Keir Starmer. Ils auront « pour mission la détection et, le cas échéant, la destruction de vecteurs de drones qui menaceraient le territoire polonais. Et d’autres pays suivront », a-t-il ajouté. « Nous ne céderons pas face aux intimidations croissantes de la Russie. »
De son côté, le ministre français des Affaires étrangères démissionnaire, Jean-Noël Barrot, a indiqué que son ministère avait convoqué l’ambassadeur de Russie en France pour évoquer l’intrusion des drones en Pologne.
« Il sera convoqué ce matin. Nous allons lui dire (…) que nous ne nous laisserons pas intimider », a déclaré Jean-Noël Barrot sur la radio France Inter. « Intentionnelle ou non, accidentelle ou non, tout cela est très grave. Tout cela est absolument inacceptable. Tout cela vient s’ajouter aux innombrables provocations de Vladimir Poutine. »
Ces incursions ne sont pas nouvelles, a déploré le ministre démissionnaire. « C’est une stratégie délibérée de la Russie pour nous intimider, pour nous tester », a-t-il réagi.
La Pologne, la Suède, les Pays-Bas, la République tchèque, la Roumanie, la Belgique et l’Espagne ont eux aussi convoqué ces derniers jours les ambassadeurs de Russie ou les chargés d’affaires des représentations diplomatiques russes. L’Union européenne a de son côté convoqué les chargés d’affaires russe et belarusse à Bruxelles.
A lire aussi
Reportage
En Ukraine, de plus en plus de mères porteuses malgré la guerre et les bombes : « On vient du monde entier, ici, même de Chine ! »
« Les violations russes sont inacceptables et constituent une menace pour la sécurité de l’Europe », a déclaré la ministre suédoise des Affaires étrangères, Maria Malmer Stenergard, dans un communiqué, soulignant que durant la rencontre avec le diplomate « le droit de la Pologne à faire valoir son intégrité territoriale et à défendre son espace aérien a été souligné ».
• L’Allemagne « renforce son engagement »
L’Allemagne n’est pas en reste. Elle a annoncé renforcer sa contribution à la protection de l’espace aérien polonais, dans le cadre de la « police du ciel » de l’Otan, en raison de l’intrusion de drones attribuée à la Russie, a annoncé jeudi la chancellerie.
Berlin « renforcera son engagement à la frontière orientale de l’Otan en réaction aux récentes violations de l’espace aérien polonais par la Russie », a annoncé dans un communiqué le porte-parole du gouvernement Stefan Kornelius.
Le ministère de la Défense a précisé que la mission va être prolongée de trois mois – de fin septembre à fin décembre – et que le nombre d’avions de combat – des Eurofighter – va passer de deux à quatre.
Depuis l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, l’Alliance a renforcé sa « police du ciel », mission collective visant à préserver la sécurité de l’espace aérien de ses membres, sur son flanc oriental, notamment dans les Etats baltes et en Pologne.
Le gouvernement allemand a également annoncé qu’il « intensifiera son soutien à l’Ukraine », notamment via « l’adoption rapide d’un 19e paquet de sanctions » au sein de l’Union européenne.