September 9, 2025

ENTRETIEN. Vote de confiance : "C’est l’anatomie d’une chute programmée"… et maintenant, que va-t-il se passer ?

l’essentiel
Renversé à l’Assemblée, François Bayrou remettra sa démission au président de la République ce mardi 9 septembre. Gouvernement de gauche, dissolution, bloc central affaibli… Dorian Dreuil, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès et directeur d’études de l’institut Bona Fidé, décrypte les scénarios possibles et les rapports de force qui s’ouvrent.

C’était une issue inévitable depuis sa nomination ?

C’est l’anatomie d’une chute programmée. Il n’y a eu aucune surprise majeure dans les votes, ni dans les discours prononcés à la tribune. Les élus ont fait que confirmer les positions déjà annoncées. On a regardé un film dont on connaissait la fin. Ce vote est une première historique sous la Ve République.

Dorian Dreuil, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès.
Dorian Dreuil, expert associé à la Fondation Jean-Jaurès.
DDM – VALENTINE CHAPUIS

Et maintenant, que va-t-il se passer ?

Plusieurs hypothèses institutionnelles se dégagent. François Bayrou va démissionner dès mardi, avec un gouvernement démissionnaire qui gère les affaires courantes jusqu’à la nomination d’un nouveau Premier ministre. Deuxième option, la dissolution de l’Assemblée nationale, qui a peu de chance d’aboutir à une majorité nette en cas de nouveau vote. La nomination d’un nouveau Premier ministre nous ramène huit mois en arrière. C’est une option difficile car il n’y a pas de volonté réelle des élus de faire des compromis. C’est là que le bât blesse. Rien ne peut durer sans des négociations, des compromis et un véritable contrat gouvernemental. C’est le cœur de toute démocratie parlementaire. Cela suppose non seulement un constat partagé des partis mais aussi un accord de non-censure.

Peut-on imaginer un gouvernement de gauche ?

En réalité, je suis optimiste sur la capacité d’un gouvernement de gauche à tenir si, et seulement si, il démarre avec la bonne méthode. C’est-à-dire prendre le temps de réunir les groupes, discuter, travailler à la virgule près sur un accord au moins sur une première base de politique générale. Un tel gouvernement pourrait se construire autour du Parti socialiste, en ralliant les écologistes et en négociant avec d’autres groupes comme Liot. En revanche, il est impossible d’envisager une telle coalition avec La France insoumise. D’ailleurs, seul le PS appelle réellement à gouverner.

Le RN et LFI, les deux partis d’opposition radicale, sortent-ils renforcés de cette séquence ?

Pour les deux groupes, cette séquence médiatico-politique va nourrir leur discours. Le RN appuie sur la dissolution, et LFI sur la démission du président. Cela leur donnera du carburant et leur permettra d’occuper l’espace médiatique et de mobiliser leurs électeurs et militants.

Quel avenir pour le bloc central d’Emmanuel Macron ?

On voit deux limites avec ce vote pour le Modem/Ensemble. La première, c’est le refus d’entrer en cohabitation. La seconde, c’est le choix de gouverner comme s’ils étaient majoritaires, alors qu’ils sont minoritaires à l’hémicycle. Cette séquence montre l’incapacité à entrer dans le fonctionnement normal d’une démocratie parlementaire, qui suppose la recherche de compromis.

Doit-on s’attendre à la nomination rapide d’un nouveau Premier ministre ?

Côté opinion publique, il y a le sentiment que la démocratie ne fonctionne plus très bien. Tout ceci nourrit la méfiance vis-à-vis des institutions et alimente une lassitude face à ce spectacle. Une nomination rapide ou pas, c’est surtout l’enjeu du temps qui est primordial pour celui qui héritera de la tâche. Il est essentiel d’avoir le temps nécessaire pour discuter et mettre en place un accord parlementaire.

S’il y a un prochain gouvernement, peut-il tenir jusqu’à l’élection présidentielle ?

Le pays est paralysé par cette élection qui obnubile toute l’attention politique et empêche d’entrer pleinement dans un fonctionnement parlementaire. À l’approche du “money time”, plus rien ne compte. Cela nourrit un sentiment d’impasse.

Quelles conséquences pour Emmanuel Macron à la sortie de cette crise ?

On observe un président en retrait de ces enjeux, allant jusqu’à renvoyer la situation à une crise parlementaire. Ce qu’il faut espérer, c’est qu’il se pose en garant du fonctionnement des institutions. Il va revenir au premier plan.

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