August 8, 2025

"Les élevages paysans sont en train de crever": elle alerte sur l’étau des normes de biosécurité dans les élevages plein air

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Les élevages plein air se disent menacés par des normes de biosécurité qu’ils considèrent comme inadaptées. Face à une réglementation jugée irréalisable, 90 % des fermes auditées seraient, dans le futur, non conformes. Reportage.

“L’étau est en train de se resserrer.” Elle fait partie des 1 % d’éleveurs français pratiquant l’élevage de porcs en plein air. Et pourtant, aujourd’hui, Noémie Calais pousse un cri d’alarme. Voix à la fois dépitée et déterminée, cette éleveuse de porcs bio installée dans le Gers se dit très préoccupée.

Depuis novembre, Noémie s’investit au niveau national aux côtés de la Confédération paysanne sur la question des normes de biosécurité. “Depuis janvier, les éleveurs qui commercialisent moins de 1 000 porcs par an reçoivent des injonctions à réaliser, sur une base volontaire, un audit de biosécurité PigConnect sur leur ferme”, explique-t-elle. Une mesure qui inquiète la profession.

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Dans un communiqué, la Confédération paysanne alerte. “Les obligations de moyens imposées par la réglementation française reflètent la volonté de mettre l’élevage sous cloche, d’isoler nos animaux de leur milieu de vie. Cette réglementation n’est tout simplement pas réalisable concrètement dans les élevages plein air et impossible à supporter financièrement pour nombre d’entre eux. 90 % des élevages plein air audités jusqu’à présent sont non conformes.”

Des normes qui seraient inadaptées aux réalités de terrain

Tout commence en 2018, année de l’installation de Noémie Calais. À cette époque, la France agricole redoute l’arrivée de la peste porcine africaine, une maladie virale touchant uniquement les porcs domestiques et les sangliers. “Elle a entraîné un corpus réglementaire complètement délirant, dont les décrets d’application ont été publiés en 2019, et qui sont impossibles à respecter en plein air”, déplore Noémie Calais.

Noémie Calais gère un élevage de porcs en plein nord sur la commune de Montégut.
Noémie Calais gère un élevage de porcs en plein nord sur la commune de Montégut.
DDM – SEBASTIEN LAPEYRERE

À ses débuts, la jeune éleveuse n’avait pas anticipé de telles contraintes. “À peine installée, j’ai passé mon temps à essayer de m’adapter, à comprendre ce système. Autour de moi, je voyais des collègues réduire leur cheptel, voire abandonner complètement.”

 

Depuis sa colline de 4,5 hectares à Montégut, dans le Gers, Noémie rappelle que la biosécurité est censée protéger les élevages contre les maladies. “Quand on est éleveur, c’est notre priorité numéro un. Mais aujourd’hui, les normes sont devenues intenables. On nous impose des critères sur la présence d’oiseaux, l’interdiction d’accès pour les animaux domestiques dans les parcs… Les élevages paysans sont en train de crever à cause de ça.”

Une mobilisation syndicale pour défendre l’élevage plein air

Face à cette situation, la Confédération paysanne se mobilise. “Il y a un vrai travail que nous menons sur le terrain, affirme Sylvie Colas, porte-parole gersoise du syndicat. Une expérimentation spécifique au plein air a été lancée il y a plus de trois ans, notamment sur les filières porc et volaille.”

Selon elle, les normes de biosécurité actuelles ne tiennent pas compte de la diversité des modèles agricoles. “C’est clair : elles ne sont pas adaptées à nos élevages. Nos producteurs fonctionnent souvent en autarcie, avec un circuit fermé de l’élevage jusqu’à l’abattage, sans transport d’animaux.”

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L’expérimentation menée aurait permis de bâtir une grille d’analyse des risques adaptée au plein air. “La grille d’analyse de risque élaborée dans le cadre de l’expérimentation apporte une espérance aux éleveurs de plein air en volailles comme en porcs. C’est au ministère de s’en saisir pour l’intégrer au cadre réglementaire et ainsi reconnaître notre modèle de production. Mais une chose est sûre : si on applique le référentiel PigConnect tel quel, aucun élevage plein air ne pourra être conforme.”

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