SÉRIE 3/6. Au pied de la cathédrale d’Albi, le musée Toulouse-Lautrec a ouvert en 1922. Aujourd’hui quelque 800 tableaux, lithographies, dessins et affiches de l’artiste sont exposés à l’intérieur du palais de la Berbie… Un lieu majestueux qui a été pendant quelques années un petit musée municipal. Reportage.
Le cadre est tout aussi exceptionnel que les œuvres qui s’y trouvent. Au cœur de la cité épiscopale d’Albi, inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO, le palais de la Berbie abrite de nombreux chefs-d’œuvre d’Henri de Toulouse-Lautrec. Situé au pied de la cathédrale Sainte-Cécile, le long de la rivière Tarn, l’édifice qu’occupaient jadis des évêques est aujourd’hui consacré aux œuvres du peintre albigeois. Avec 200 tableaux, autant de lithographies, 350 dessins et 31 affiches, le musée Toulouse-Lautrec s’est fait un nom et une place, ce qui n’était pas joué d’avance…

À la recherche d’un lieu d’exposition
Après la mort d’Henri de Toulouse-Lautrec en 1901, à l’âge de 36 ans, les œuvres présentes dans son atelier sont inventoriées par sa famille et proposées en don à la Bibliothèque nationale de France et au musée du Luxembourg à Paris. Si la première accepte un riche ensemble de lithographies, le second refuse.
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La mère de l’artiste, son cousin Gabriel Tapié de Céleyran, et son ami d’enfance et galeriste Maurice Joyant cherchent alors une autre institution susceptible d’être intéressée. Ils se tournent alors logiquement vers Albi, sa ville natale où il a passé son enfance. Et le maire de l’époque accepte. Il faut en effet rappeler que depuis 1907, le département du Tarn, propriétaire du palais de la Berbie, a concédé la jouissance à la Ville à condition qu’il accueille un musée public. Le musée d’Albi était alors constitué de spécimens d’histoire naturelle, d’objets archéologiques, et de tableaux retraçant l’histoire locale. La donation de la famille Toulouse-Lautrec va tout changer.

Le 30 juillet 1922, le musée municipal devient donc officiellement la Galerie Henri de Toulouse-Lautrec. Entre ainsi au palais de la Berbie la plus importante collection publique au monde consacrée au peintre albigeois. Mais le musée est étriqué. Il n’occupe alors que trois petites salles au 1er étage, soit 200 m2 de superficie et la muséographie de l’époque ne met pas vraiment les œuvres en valeur… Dans la galerie d’Amboise, au plafond en carène de bateau, les lithographies et les affiches sont exposées sur les murs, serrées les unes à côté des autres. Quant aux peintures et aux dessins, ils sont présentés de la même manière dans la rotonde et la salle Stainville. Difficile de savoir si, à l’époque, le public vient les admirer.

200 tableaux retracent la carrière de Lautrec
Aujourd’hui, c’est le cas. Avec plus de 132 000 visiteurs l’an dernier, dont un tiers d’étrangers, le musée Toulouse-Lautrec est passé maître dans l’art de présenter et d’expliquer les œuvres de l’artiste. Il faut dire qu’il a depuis pris ses aises et occupe désormais les trois étages du palais. Les œuvres de Toulouse-Lautrec s’étendent sur 1 200 m2 et un peu plus de 1 000 m2 sont dédiés à ses contemporains. Après plus de dix ans de travaux de modernisation entamés au début des années 2000, le palais de la Berbie est métamorphosé.

À l’intérieur, les jeux d’éclairage subliment les tableaux qui retracent toute la carrière de Lautrec. “On démarre de ses toutes premières œuvres, quand il n’a que 14 ans, autour du thème des chevaux”, explique Fanny Girard, la directrice du musée. “Il y a ensuite le panorama d’œuvres et de thématiques qu’il a traité tout au long de sa vie : les cafés-concerts, les cabarets, les danseurs, les chanteurs, le théâtre, les modèles féminins… Et on termine le parcours avec son dernier tableau qu’il a réalisé juste avant de mourir, qui représente le moment où son cousin Gabriel Tapier de Séléran reçoit le titre de docteur à la faculté de médecine.”
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Les célèbres affiches bientôt retirées
Depuis le printemps, une exposition temporaire située dans une salle creusée sous l’une des terrasses du palais, met aussi en avant les célèbres affiches de Toulouse-Lautrec. Elles y sont toutes, les 31 qui ont fait sa renommée. “C’est relativement peu par rapport à d’autres, mais ce sont des affiches tellement novatrices et fortes qu’elles lui ont suffi pour s’imposer comme l’un des plus grands affichistes de son temps”, raconte Fanny Girard. “Il en a fait pour faire la promotion d’artistes et de vedettes qui se produisaient dans certains lieux, comme Aristide Bruand ou La Goulue. Il a réalisé des affiches pour promouvoir des cabarets comme le Moulin Rouge ou pour annoncer la parution de romans-feuilletons dans des journaux comme La Dépêche du Midi. Il a enfin aussi fait des affiches publicitaires pour des produits comme pour une chaîne de vélo par exemple.”

Les passionnés ont jusqu’au 31 août prochain pour les découvrir. Ensuite, afin de les conserver le plus longtemps possible, elles seront toutes rangées, plongées dans le noir obscur, pendant quatre longues années. Mais rassurez-vous, les 200 tableaux de la collection permanente, eux, resteront bien accrochés.