November 5, 2025

Budget 2026 imposé par ordonnances ? Pourquoi il est probable qu’elles servent à faire passer le texte

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Alors que le vote du projet de loi de finances semble de plus en plus compromis à l’Assemblée nationale, l’exécutif pourrait activer un mécanisme exceptionnel : faire passer le budget 2026 par ordonnances. Une hypothèse inédite sous la Ve République.

Le compte à rebours est serré. À l’Assemblée nationale, plus de 2 400 amendements restaient à discuter à l’ouverture des débats ce lundi 3 novembre. À ce rythme, les députés ne pourront pas voter la partie recettes du budget dans les délais constitutionnels. Ce blocage rend de plus en plus probable le recours à la procédure des ordonnances, prévue à l’article 47 de la Constitution

Que sont ces ordonnances appliquées au budget ?

Les ordonnances sont des actes pris par le gouvernement, permettant de légiférer sans passer par le vote du Parlement, à condition d’y être autorisé. Un dispositif prévu par l’article 38 de la Constitution pour les lois ordinaires, et par l’article 47 dans le cas spécifique du budget.

Dans le cadre d’une loi de finances, l’article 47 est très clair : si le Parlement ne parvient pas à se prononcer sous 70 jours – soit avant le 23 décembre – le gouvernement peut appliquer le texte par ordonnance. Et c’est la version initiale du budget, déposée par l’exécutif, qui prévaut alors, sans aucun des amendements adoptés par les députés ou sénateurs lors des débats.

Pourquoi ce scénario est de plus en plus probable ?

La lenteur des débats, la multiplication des amendements et l’absence de majorité absolue font peser un risque réel d’échec de la procédure parlementaire. Dimanche 2 novembre, le constitutionnaliste Benjamin Morel alertait sur le réseau social X : “L’enlisement des débats budgétaires risque de nous mener tout droit vers l’usage des ordonnances”.

Du côté des élus, plusieurs voix de gauche, du centre et d’extrême droite se disent persuadées que le gouvernement joue la montre. “On part tout droit vers les ordonnances”, a affirmé Marine Le Pen. Le président de la commission des finances, Éric Coquerel (LFI), accuse sur Public Sénat l’exécutif de “vouloir feindre le débat pour garder la main”.
Même diagnostic au centre-droit, où le sénateur UDI Hervé Marseille a parlé, toujours sur Public Sénat, de “cinéma parlementaire” destiné à brouiller les pistes avant un passage en force.

Le précédent de 2024… et ses limites

Si le recours aux ordonnances pour un budget n’a jamais été mis en œuvre sous la Ve République, l’État a déjà dû improviser face à un contexte politique instable. Fin 2024, après la censure du gouvernement Barnier, une loi spéciale avait été adoptée pour permettre la continuité des dépenses publiques, en attendant l’adoption d’un vrai budget début 2025.

Mais la situation présente est différente : la loi spéciale ne peut être utilisée que si le budget a été rejeté. Ici, l’absence de vote dans les délais crée un vide que les ordonnances comblent. Une prérogative grave, mais légale.

Que resterait-il du débat parlementaire ?

Le risque, pour les oppositions, est que leurs victoires en commission ou dans l’hémicycle soient entièrement effacées. Si les ordonnances sont activées, la version du budget appliquée serait, sauf décision contraire du gouvernement, celle déposée le 25 septembre : pas de transformation de l’IFI en impôt sur la fortune “improductive”, pas de gel du barème de l’impôt sur le revenu, etc. Toutefois, la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin a assuré lundi 3 novembre que le gouvernement s’engageait à “transmettre” au Sénat “tous les amendements” au projet de budget 2026 “votés” par l’Assemblée nationale.

“Voir un tel texte promulgué par ordonnances, c’est la négation de la démocratie”, a dénoncé Charles de Courson (LIOT) sur France Inter. Le constitutionnaliste Benjamin Morel est tout aussi sévère : “Nous n’avons jamais connu un tel précédent depuis 1816”.

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