July 30, 2025

Nouvelles inquiétudes sur le financement de la LGV Toulouse-Bordeaux : l’État peut-il renier sa parole ?

l’essentiel
Après une note de Bercy préconisant en mai de faire des économies en réexaminant la LGV du Sud-Ouest, des participants à la dernière conférence de financement des infrastructures ont souligné la « fragilité » financière du projet, alors même que la justice administrative a validé le plan de financement. L’État peut-il renier la parole donnée ?

Décidément, le chaud et le froid ne cessent de souffler sur la future Ligne à grande vitesse (LGV) du Sud-Ouest devant relier Bordeaux à Toulouse et Dax, et particulièrement attendue par les Toulousains, qui espèrent pouvoir enfin relier Paris en 3 h 10 à l’horizon 2032, soit un gain d’une heure par rapport au meilleur temps actuel.

Le chaud, pour les partisans de la LGV désormais intitulée « Ligne nouvelle du Sud-Ouest (LNSO) », c’est la décision rendue vendredi 25 juin par le tribunal administratif de Toulouse. Ce dernier a rejeté les recours d’associations de défense de l’environnement et d’élus opposés au projet, en validant le plan de financement de la ligne. Un soulagement, notamment pour les deux régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine, et la vingtaine de collectivités locales qui ont bataillé pendant plusieurs années pour bâtir et sécuriser ce plan de 14,3 milliards d’euros auquel elles concourent à hauteur de 40 % – l’État s’étant engagé à prendre en charge 40 %, soit 5,7 milliards d’euros et l’Europe 20 %.

Une note de Bercy plaide pour « réexaminer » la LGV

Mais, depuis quelques semaines, le froid souffle aussi sur ce méga-projet ferroviaire, suscitant dans le Grand Sud une vive inquiétude. L’État, qui cherche à faire 40 milliards d’euros d’économies dans le Budget 2026 pour combler un déficit public abyssal et une dette colossale, est-il tenté de revoir son engagement financier vis-à-vis de la LGV ?

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Une première alerte est survenue le 11 juin dernier avec la révélation par L’Humanité d’une note de Bercy. Rédigé par le Conseil général économique et financier (CGefi) le 13 mai et adressé aux directeurs de cabinet des ministres de l’Économie Eric Lombard et des Comptes publics Amélie de Montchalin, ce document égrène une multitude de préconisations de coupes budgétaires. Le document mentionne qu’il « peut être envisageable de réexaminer » des projets de lignes annoncés comme les nouvelles liaisons Provence-Côte d’Azur Nice-Marseille et le Grand Projet Sud-Ouest (GPSO), qui comprend donc les LGV Bordeaux-Dax et Toulouse-Bordeaux.

La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin.
La ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin.
AFP

Cette note a été minutieusement lue et annotée par des « oui » approbateurs de Mme de Montchalin. « Excellentes reco… Commencer à tout prendre dans le PLF + refondation de l’action publique » écrit en conclusion la ministre, le 14 mai, en évoquant le projet de loi de finance (PLF) 2026. Sollicité par La Dépêche le 29 juin, le cabinet d’Amélie de Montchalin n’a pas nié l’existence de la note mais souligné qu’il ne s’agissait que de « pistes de travail ». De quoi apaiser la consternation des élus locaux… jusqu’au nouveau coup de froid cette semaine.

Selon Les Échos, dans la foulée d’une conférence dédiée au financement des infrastructures, appelée « Ambition France Transports » et lancée par François Bayrou le 5 mai, le prochain Conseil d’orientation des infrastructures (COI) va réévaluer en profondeur d’ici décembre les grands projets déjà lancés, dont les LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, qui seraient « l’un des projets les plus fragiles », selon un participant à la réunion cité par le journal économique. Celui-ci estime que « le sujet a déjà beaucoup vieilli, la déclaration d’utilité publique remonte presque à dix ans ».

« Pour moi, le projet est condamné »

« Pour moi, le projet est condamné. L’État a promis de contribuer à hauteur de 40 %, mais cet argent, il n’est plus là ! », ose une autre source. Un expert assure que le plan de financement de 14,3 milliards d’euros ne tiendrait plus : « Tout le monde sait déjà que cette estimation remonte bien avant l’inflation ukrainienne et qu’elle est déjà très en deçà du coût réel ».

Nouvelles inquiétudes sur le financement de la LGV Toulouse-Bordeaux
Nouvelles inquiétudes sur le financement de la LGV Toulouse-Bordeaux
DDM – Philippe Rioux

Le COI – à qui l’on doit le plan de 100 milliards d’euros pour le ferroviaire présenté par Elisabeth Borne en 2023 et désormais caduque – doit plancher jusqu’à fin novembre pour soumettre à Bercy des propositions de « réévaluation » et de « priorisation » entre le financement de lignes nouvelles ou l’entretien du réseau ferré (hors TGV) existant, vieillissant et qui souffre d’un énorme sous-investissement… D’aucuns glissent déjà l’idée de recourir à un partenariat public-privé (PPP) pour financer la LGV du Sud-Ouest, comme cela fut le cas pour la nouvelle ligne Nîmes-Montpellier au risque de tomber dans le système de loyers exorbitants…

L’État peut-il décemment revenir sur sa parole alors que les travaux d’aménagement au sud de Bordeaux et au nord de Toulouse ont déjà bien commencé ? Peut-il réellement sacrifier, pour des économies de court terme, la troisième ville de France en l’excluant du réseau à grande vitesse, à l’heure où le train participe de la transition écologique ?

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