Plusieurs détenus toulousains viennent de recevoir leurs “convocations” pour un probable transfert vers Vendin-le-Vieil, la prison “spécialisée” réservée aux trafiquants de drogue. Ce qui suscite incompréhension et colère chez leurs défenseurs.
“Les recours sont strictement formels. Comment un responsable de l’administration pénitentiaire pourrait aller contre l’avis de son ministre de tutelle. C’est ridicule.” Me Sarah Nabet-Claverie ne décolère pas. “Nous allons déposer des recours devant les juridictions administratives avec les autres avocats concernés et une plainte à l’encontre de Gérald Darmanin mais…”
Cette avocate toulousaine défend un homme soupçonné dans plusieurs affaires liées au trafic de drogue du quartier des Izards, à Toulouse. Il est mis en examen dans quatre dossiers, trois concernent des assassinats sur fond de règlements de compte liés aux stupéfiants en 2020. “Bien sûr il conteste son implication”, précise son conseil.
“Farce terrible”
Cet homme saura ce samedi si son transfert vers le centre de détention de Vendin-le-Vieil, dans le Nord entre Lens et Lille, est acté. “Il se trouvait en détention à Montauban, sans incident. Il a été transféré voilà quelques semaines à Béziers, soudainement classé DPS, détenu particulièrement surveillé, avant d’être placé à l’isolement. En réalité, on a fabriqué un détenu à problème”, dénonce Me Nabet-Claverie.
L’isolement, un autre détenu risque d’y être soumis également ce samedi. “Nous avons en effet une première audience. J’ai refusé d’évoquer le même jour son possible transfert. Tout ça constitue une farce terrible avec une incroyable régression de l’État de droit”, estime son défenseur, le bâtonnier Pierre Dunac.
Son client âgé de 43 ans, est, lui aussi, concerné par les quatre dossiers criminels ouverts autour du trafic de drogue, puis les assassinats qui ont endeuillé le quartier du nord de Toulouse en 2020. “Des accusations qu’il conteste. Que fait-on de sa présomption d’innocence ? Elle existe quand des ministres “amis” sont poursuivis pour de la criminalité en col blanc mais on la bafoue pour les autres sous fond des visées populistes du garde des Sceaux. C’est honteux, digne des décisions des années 30″, reproche Me Dunac.
“On va priver les familles, et les détenus, de tout contact avec leurs proches”
Au-delà de l’intérêt toujours contestable de réunir dans un seul lieu des individus qui seraient les figures les plus impliquées dans le trafic de drogue en France, la localisation de cette prison, qui se trouve à plus de 880 kilomètres de Toulouse, pose d’autres difficultés.
“D’abord on va priver les familles, et les détenus, de tout contact avec leurs proches, notamment leurs enfants, dénonce Me Dunac. Et pour la défense ? Un procès est programmé à l’automne devant la cour d’assises de la Haute-Garonne. Comment prépare-t-on une audience où les enjeux sont importants ? Comment je fais pour visiter mon client ? Comment je peux le joindre avec des lignes téléphoniques bloquées à partir de 18 heures ? Sans parler du risque d’écoute de conservation privée entre un client et son avocat.”
Les trois instructions toujours en cours au palais de justice de Toulouse vont aussi devoir se poursuivre à distance. En visioconférence ? “Remarquable respect des droits de la défense”, s’exaspère le bâtonnier bien décidé “à lever tous les recours possibles”. Et cette fin de semaine, trois autres détenus toulousains sont également concernés par ce déplacement probable. Les avocats, Mes Alexandre Parra-Bruguière et Sébastien Delorge comptent, eux aussi, s’opposer à cette volonté de l’administration pénitentiaire.