December 24, 2025

ENTRETIEN. "On ne peut pas imposer la colère à tout le monde" : la Confédération Paysanne critique les opérations de "vide-déchets" dans le Gers

l’essentiel
Porte-parole gersoise et secrétaire nationale de la Confédération paysanne, Sylvie Colas revient sur la réunion préfectorale avortée de mardi sur la dermatose nodulaire contagieuse. La Lectouroise déplore les méthodes d’action choisies par la Coordination Rurale.

Au lendemain d’une action coup de poing menée par la Coordination Rurale du Gers devant les locaux de la DDT à Auch, Sylvie Colas, représentante de la Confédération Paysanne qui avait validé le protocole DNC 32 soumis au préfet du Gers le 12 décembre dernier (aux côtés des Jeunes agriculteurs et de la CR), critique l’attitude de la présidence de la chambre d’agriculture. Entretien.

Sylvie Colas lors d’un rassemblement d’agriculteurs ouvert au public le 14 décembre dernier place de la Libération à Auch.
Sylvie Colas lors d’un rassemblement d’agriculteurs ouvert au public le 14 décembre dernier place de la Libération à Auch.
DDM – SEBASTIEN LAPEYRERE

Pourquoi cette réunion à la préfecture de mardi a-t-elle échoué ?

Je n’ai jamais vu un président de chambre d’agriculture quitter une réunion ainsi ! On peut ne pas être d’accord, mais on reste pour discuter. Monsieur Candelon est-il président de la chambre ou de la Coordination Rurale ? Là, il s’agissait de répartir une enveloppe d’urgence de 500 000 € que le gouvernement a débloquée pour le Gers. La DDT l’a bien précisé : c’est une aide de trésorerie à utiliser avant le 31 janvier. Une aide modeste mais on devait définir ensemble les critères pour aider les éleveurs les plus touchés.

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Pourquoi le Gers reçoit-il une somme plus faible que d’autres départements ?

Parce que nous n’avons pas de foyer déclaré de dermatose nodulaire. Les zones réglementées sont ailleurs, notamment en Haute-Garonne et dans les Hautes-Pyrénées. Là-bas, les réunions se sont déroulées dans le calme, avec des discussions techniques. Ici, certains ont voulu en faire un affrontement politique. Pourtant, cette enveloppe est une première étape, demandée par tous les syndicats. La DDT nous a même dit qu’ils avaient déjà les fonds et pouvaient les verser dès que nous serions d’accord.

Remise du protocole DNC 32 à la préfecture du Gers après une réunion intersyndicale (Coordination Rurale, Jeunes agriculteurs, Confédération Paysanne) le 12 décembre dernier.
Remise du protocole DNC 32 à la préfecture du Gers après une réunion intersyndicale (Coordination Rurale, Jeunes agriculteurs, Confédération Paysanne) le 12 décembre dernier.
DDM – SEBASTIEN LAPEYRERE

Concrètement, à qui cette aide est-elle destinée ?

Elle ne vise pas à indemniser les pertes d’abattage, mais à soutenir les éleveurs qui doivent garder leurs animaux plus longtemps à cause des restrictions sanitaires. Ceux qui ne peuvent plus exporter leurs bêtes ont besoin de trésorerie pour acheter du fourrage. C’est une aide pour éviter que certains se retrouvent en difficulté. Les éleveurs qui vendent localement, à l’abattoir d’Auch par exemple, ne sont pas impactés. Les plus touchés sont ceux qui exportent des animaux vivants, surtout en cette période de fêtes.

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Vous êtes opposée, de longue date, à l’abattage massif, comme la Coordination rurale… mais vous critiquez désormais leurs méthodes. Pourquoi ?

Nous restons contre l’abattage total, mais pas d’accord avec leurs actions. À Lectoure, on m’a même interdit de distribuer des tracts de la Confédération paysanne. Pourtant, notre tract n’était pas polémique, il expliquait simplement nos propositions pour un abattage partiel et la recherche. La Coordination Rurale fait pression sur tout le monde et ne consulte personne. Nous, nous restons concentrés sur la dermatose nodulaire contagieuse. Sur d’autres sujets, comme le Mercosur, nous sommes aussi mobilisés, mais ce n’est pas le moment d’en faire un fourre-tout.

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Vous déplorez aussi les dégradations à Auch…

Oui, quand on voit ce qui est laissé sur place, c’est une honte. Les collectivités locales – et je suis bien placée pour le savoir en tant qu’élue municipale à Lectoure – et les commerçants paient les dégâts. Le 17 décembre, en haute ville, des tonnes de fumier et pneus bloquaient l’accès. Une fleuriste a perdu une partie de son chiffre d’affaires des fêtes. On parle de 500 000 € d’aides publiques alors que les dégâts coûtent sans doute déjà plus cher. Le conseil départemental évoque 20 000 € par jour de nettoyage. Il faut raison garder. Et il faut surtout ne pas mépriser nos administrations ni les personnels dont nous avons besoin tous les jours.

Action de dépôts de déchets devant les locaux de la DDT place de l’ancien foirail à Auch mardi soir.
Action de dépôts de déchets devant les locaux de la DDT place de l’ancien foirail à Auch mardi soir.
DDM – B.C.

Ces actions à répétition risquent-elles de faire perdre le soutien du public ?

Oui, c’est possible. Même si beaucoup de citoyens m’appellent encore pour exprimer leur solidarité. Moi, je leur dis : achetez local, soutenez les producteurs du Gers, évitez les produits du Mercosur. Mais la solidarité doit être réciproque. On ne peut pas imposer la colère à tout le monde. L’essentiel, c’est de respecter chacun et de garder le dialogue ouvert.

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