Une borne de recharge de voitures électriques, à Paris, le 30 novembre 2021. MAGALI COHEN / HANS LUCAS VIA AFP
Face à la crise que traverse le secteur automobile en Europe, l’Union européenne a renoncé ce mardi 16 décembre à imposer aux constructeurs de véhicules de passer au tout-électrique à partir de 2035, qui était une mesure environnementale phare.
A la place de l’interdiction des voitures neuves à moteur thermique qui était prévue, les constructeurs devront réduire de 90 % les émissions de CO2 de leurs ventes par rapport aux niveaux de 2021, et compenser les 10 % d’émissions restantes. Bruxelles assure ainsi que le secteur sera bien décarboné à 100 % à cet horizon.
• Une série de mesures de soutien à l’électrique en complément
La Commission a en outre dévoilé ce mardi une série de mesures de soutien à l’électrification du secteur, passant par l’encouragement au « verdissement » des flottes d’entreprises (qui va soutenir la demande de véhicules électriques) et des prêts à taux zéro pour la production de batteries. Le commissaire européen, Stéphane Séjourné, a également confirmé l’instauration d’une « préférence européenne » dans l’automobile, c’est-à-dire l’obligation pour les industriels bénéficiant de financements publics de se fournir en composants « made in Europe ».
Une façon très concrète de soutenir toute la chaîne des équipementiers, fournisseurs et sous-traitants. Pour la France, cette mesure sur la préférence européenne « est une énorme victoire », a estimé la ministre de la Transition écologique, Monique Barbut. Enfin, la Commission veut encourager le développement de petits véhicules électriques aux tarifs « abordables », un projet annoncé en septembre par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen « pour ne pas laisser la Chine et d’autres conquérir ce marché ».
• L’Elysée salue « l’équilibre » du plan
L’Elysée a « salué » l’« équilibre » du plan de Bruxelles pour l’automobile, même si Monique Barbut a « regretté » les « flexibilités » pour les véhicules thermiques. « Nous prenons acte et nous saluons les annonces de la Commission européenne sur l’automobile avec à notre sens un équilibre entre les flexibilités qui ont pu être demandées par certains » et les demandes françaises « de contreparties sur la préférence européenne et la production en Europe », a dit un conseiller d’Emmanuel Macron à des journalistes.
• Séjourné défend une approche « pragmatique »
En assouplissant l’objectif pour 2035, l’UE ne renonce pas à ses ambitions climatiques, mais adopte une approche « pragmatique » face aux difficultés rencontrées par l’industrie automobile, a de son côté défendu Stéphane Séjourné, qui a piloté ce plan, dans un entretien à l’AFP. « L’objectif reste le même, les flexibilités sont des réalités pragmatiques au vu de l’adhésion des consommateurs, de la difficulté des constructeurs à proposer sur le marché du 100 % électrique pour 2035 », a-t-il affirmé. Avec cette mesure, l’UE est sur le « bon chemin », a salué le chancelier allemand Friedrich Merz.
• Un ajustement justifié par la concurrence de la Chine et les tensions commerciales avec les Etats-Unis
L’interdiction de vendre des voitures à moteur thermique à partir de 2035 était une mesure emblématique du grand « Pacte vert européen », pour aider l’UE à tenir son engagement d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Mais l’Europe, face à la concurrence de la Chine et aux tensions commerciales avec les États-Unis, a déjà repoussé ou élagué ces derniers mois plusieurs mesures environnementales, dans un virage pro-business assumé. Les constructeurs du Vieux Continent réclamaient des « flexibilités » depuis des mois, alors qu’ils sont plombés par des ventes durablement atones, tandis que leurs rivaux chinois, dont BYD, voient leurs parts de marché s’envoler avec leurs modèles électriques aux prix attractifs.
Ces assouplissements ont fait l’objet d’intenses tractations entre la Commission et les Etats membres, qui cherchaient à défendre au mieux les intérêts de leurs industries respectives, jusqu’au dernier moment. D’un côté, un bloc de pays dont l’Allemagne et l’Italie défendait à cor et à cri la « neutralité technologique », c’est-à-dire le maintien à partir de 2035 des moteurs thermiques, en mettant en avant des technologies plus économes en CO2 (hybrides rechargeables, véhicules électriques équipés de prolongateurs d’autonomie…) et le recours aux carburants alternatifs. A l’inverse, France et Espagne appelaient l’UE à dévier le moins possible de l’objectif 2035, afin de ne pas saper les efforts déjà consentis par certains constructeurs pour se convertir au tout-électrique, et ne pas détruire la filière en pleine éclosion des batteries de voitures électriques.
• Les ONG dénoncent une « mauvaise nouvelle pour le climat »
L’ONG Greenpeace a au contraire dénoncé une « mauvaise nouvelle pour le climat » et l’emploi en Europe, estimant qu’en continuant de miser sur les moteurs à combustion, les constructeurs européens allaient prendre encore plus de retard sur la Chine. « Il s’agit d’un recul aussi symbolique que mortifère pour l’industrie automobile européenne, ses emplois et le climat », a fustigé de son côté le Réseau action climat, dans un communiqué transmis à la presse. « En faisant le mauvais diagnostic, la Commission européenne se trompe de remède. Les flexibilités accordées aux constructeurs automobiles vont accentuer notre retard sur le véhicule électrique et renforcer l’incertitude pour les consommateurs et les équipementiers. Une stratégie industrielle cohérente réclame de la constance, une vision de long terme et de la solidarité entre les acteurs », y affirme Pierre Leflaive, responsable transports au sein de l’ONG.

