December 15, 2025

"C’est comme si c’était un loup qui criait" : un enfant de six ans dénonce les violences subies par sa mère, son géniteur perd l’autorité parentale

l’essentiel
Après que son fils de six ans a alerté l’école sur les violences que subissait sa mère à la maison, Philippe*, quadragénaire, comparaissait devant le tribunal de Foix, vendredi 5 décembre 2025. Derrière le silence du foyer, se révèle un engrenage de coups, de menaces et d’emprise, laissant redouter un drame annoncé.

“C’est comme si c’était un loup qui criait avec la voix un peu cassée”. Au cours de l’année 2025, du haut de ses six ans, Alexis* se confie à l’infirmière scolaire : il craint que son père ne tue sa mère.

Depuis sa chambre, le soir, il entend ses cris sous les coups au domicile familial de Perles-et-Castelet, en Ariège. À la suite de ses confidences, les services de la Crip, la Cellule de recueil des informations préoccupantes du département, déclenchent immédiatement une procédure.

Pour la procureure, ce dossier réunit tous les facteurs annonciateurs d’un possible homicide conjugal.
Pour la procureure, ce dossier réunit tous les facteurs annonciateurs d’un possible homicide conjugal.
DDM Illustrations – OULES

Un père de famille qui minimise les faits en parlant de “bêtises”

Ce vendredi 5 décembre 2025, Philippe*, entrepreneur dans le bâtiment d’une quarantaine d’années, foulard bleu autour du cou, comparait donc devant le tribunal de Foix pour violences et harcèlement envers la mère de son fils. Pour se défendre, il invoque l’alcool : “Ce sont surtout des excès d’alcool qui, sur un petit sujet, peuvent transformer un détail en montagnes ”, affirme-t-il. La présidente, Pauline Chaulet, le reprend aussitôt : “ Ça veut dire quoi, des montagnes ? “, l’incitant à préciser sa pensée.

“Une petite dispute peut se transformer en grosse dispute”, bredouille-t-il. Face à un père de famille qui minimise les faits en parlant de “bêtises”, d’un comportement “idiot”, et contient difficilement son agacement face aux questions, la présidente tient à souligner que c’est la première fois qu’elle observe dans un dossier une telle mobilisation de personnes inquiètes pour sa conjointe.

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Dans le village, élus et habitants mais aussi famille de la victime remarquent les nombreux hématomes et son nez souvent ensanglanté. À plusieurs reprises, ils la voient fuir le domicile pour se mettre en sécurité, trouvant refuge chez des voisins ou à l’hôtel. Il y a aussi cet épisode : lors de vacances au ski, Philippe aurait soulevé la barre du télésiège et demandé à sa femme de prendre une bonne décision : avorter de leur deuxième enfant, déjà qu’il ne voulait pas d’Alexis.

“Ça fait au moins trois ans que je n’ai pas fui de la maison”

Lorsqu’elle est ensuite convoquée devant les services de la Crip, en septembre 2025, elle reçoit pas moins de 75 appels de son compagnon durant cet entretien. “Il y a des pages et des pages de messages que vous lui envoyez, vous lui dites que c’est une pute, qu’elle a des relations sexuelles avec le monde entier, on a juste l’impression que vous voulez lui faire du mal”, tance la présidente. Tandis que le mis en cause rejette encore une fois la faute sur la boisson, Pauline Chaulet précise que les textos ne comportent aucune faute d’orthographe.

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Mais elle n’est pas au bout de ses surprises. Lorsque la mère d’Alexis, en sanglots, s’avance à la barre, c’est pour soutenir son bourreau. “ Ça fait au moins trois ans que je n’ai pas fui la maison. C’est sûr que ce qui se passe n’est pas normal, mais je sais qu’{Alexis} a besoin de nous, il a besoin de son père ”, affirme la victime, qui travaille elle aussi à la Crip. Si elle a porté plainte début décembre 2025, c’est sous la menace de se voir retirer son fils. Tout en se confondant en excuses, elle insiste : elle ne souhaite pas que son compagnon aille en prison ni qu’il se voie retirer l’autorité parentale. Pour elle, il a besoin de soins.

“Je m’inquiète pour cet enfant”

Face à l’emprise qu’exerce encore le mis en cause sur sa conjointe, lui envoyant d’ailleurs quelques baisers volés depuis le box, Maître Meyer, avocate de la partie civile, n’est pas rassurée. “Je m’inquiète pour cet enfant mais aussi pour l’avenir, dans cinq ans, quand il sera capable de s’interposer, comment son père va-t-il réagir ?”, se questionne-t-elle. “Je pense que personne ne peut s’imaginer les films qu’{Alexis} doit se faire avant de dormir, s’il y arrive…” Un enfant sans doute rongé par la culpabilité d’avoir pris la lourde décision de “sauver sa mère”.

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Selon la procureure, ce dossier réunit tous les facteurs annonciateurs d’un possible homicide conjugal. “Des violences psychologiques qui débouchent sur des violences physiques, la naissance d’un enfant qui dérange, le fantasme d’une relation extraconjugale qui fait dégoupiller l’auteur, le contrôle coercitif, et la présence d’armes au domicile, en quantité incroyable”. La magistrate se souvient parfaitement de l’agressivité dans le regard de Philippe lors de son défèrement et de ce qui semblait l’intéresser le plus : prévenir ses clients.

Le tribunal suit ses réquisitions et le condamne à quatre ans de prison, dont deux avec sursis probatoire pendant deux ans, et deux avec maintien en détention, ainsi qu’au retrait de l’autorité parentale.

*Le prénom a été modifié

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