December 15, 2025

"La vie de Nicolas vaut 650 euros pour eux"… Diagnostic erroné, mort de son fils : la proposition de l’hôpital estomaque cette mère

l’essentiel
Nicolas, 40 ans, est-il mort sur les chemins de Saint-Jacques à cause d’une succession d’erreurs médicales ? Indignée après avoir reçu une proposition d’indemnisation de 650 euros, sa mère veut faire fermer un hôpital. L’histoire.

Nicolas avait tout pour lui. La jeunesse. Une situation professionnelle enviable. “Ostéopathe aux Saintes-Maries-de-la-Mer”, glisse Michèle, fière sans doute que son fils ait perpétué l’héritage familial. Maman infirmière, papa, chirurgien. La santé et les patients en cathéter.

Le quadra profitait de ce balcon sur la Grande Bleue pour enchaîner natation, pêche sous-marine et kitesurf. Un sportif dans l’âme. Et quand à l’automne 2021, son mariage s’est mis à tanguer, Nicolas s’est lancé dans ce que nombre d’âmes tourmentées entreprennent : le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle.

“Maman, j’ai très mal à la tête”

“Il n’était pas très randonnée, mais il voulait se ressourcer. Il est parti du Puy-en-Velay (Haute-Loire) en direction de Conques (Aveyron). Il avait posé dix jours de congés spécialement pour ça”, se remémore Michèle, domptant son émotion. Car ce voyage sera malheureusement le dernier.

“Nico dormait dans des gîtes [au fil des étapes]. Un soir, il ne s’est pas senti bien. Il ne m’a pas appelée comme il en avait l’habitude. J’ai attendu le lendemain pour le joindre par téléphone. Il m’a dit : maman, j’ai très mal à la tête”. Depuis Toulouse, où elle vit, Michèle contacte le gîte pour qu’un médecin se déplace. “Mais aucun ne le fait dans ce secteur… Alors j’ai dit qu’il lui fallait une ambulance. J’étais folle d’inquiétude”.

Un empoisonnement aux champignons ?

Il est 9 h 30. L’hôte appelle l’ambulance. Le néant, pendant quatre longues heures. “Elle est arrivée à 13 h 30. L’hôpital le plus proche se situe à Decazeville (Aveyron), à 30 km du gîte”. Une heure de route plus tard, Nicolas est pris en charge au sein de l’établissement. “La veille, il était content d’avoir trouvé des cèpes. Un restaurateur lui en avait même acheté… J’ai pensé qu’il s’était empoisonné avec des champignons”.

Le patient se plaint sans cesse de violentes céphalées. “Sa tension était élevée, à 19, il titubait, précise l’ancienne infirmière. Le médecin a pensé que c’était du stress”. Vers 18 heures, un scanner est pratiqué. “La radiologue a vu quelque chose et insisté pour qu’il soit transféré dans un centre de neurochirurgie”.

Un choc immense

À 19 h 30, Michèle appelle l’hôpital. “On me dit qu’ils préfèrent envoyer l’image à Purpan pour connaître la gravité du problème. Et deux heures plus tard, on m’apprend que Nico a une tumeur au cerveau. Le médecin dit qu’il va être emmené le lendemain à Rodez pour passer une IRM, avant d’être transféré à Purpan d’ici trois jours”. Un choc immense pour cette maman qui avait déjà perdu un fils.

Mais Nicolas ne va pas mieux. Il se met à vomir. Sombre dans l’inconscience. “Vers 1 heure du matin, ils ont transmis à nouveau le scanner à Purpan. Le premier interne avait cru déceler une tumeur. Le second discerne une thrombose vasculaire”. Trop tard. Le coma est entré dans une phase irréversible. “À 4 heures, ils ont appelé son épouse et mon ex-mari pour dire que c’était fini. J’étais en Corse à ce moment-là. Personne ne m’a attendue avant de le débrancher…”, soupire-t-elle.

Successions d’erreurs médicales ?

Michèle en est persuadée : Nicolas n’aurait pas dû mourir ce jour-là, à 40 ans, sans cette “succession d’erreurs médicales”, la déshérence dans laquelle le système de santé patauge et l’isolement géographique de certains établissements de soins en France. Son combat, c’est de faire reconnaître cette série de fautes.

Michèle Loubeyre conserve toujours à portée de main une photo de son fils, Nicolas.
Michèle Loubeyre conserve toujours à portée de main une photo de son fils, Nicolas.
DDM – L.-D.

Une procédure amiable a été lancée par Me Pierre Debuisson, l’avocat qui l’épaule depuis quatre ans dans cette affaire. “L’hôpital de Decazeville se défausse sur Purpan. Nous allons entamer une action judiciaire à son encontre”. Purpan, lui, reconnaît une part de responsabilité (minime) dans ce décès. “Une perte de chance de survie à hauteur de 10 %”.

Un crachat au visage

C’est le courrier qu’elle a reçu début novembre qui a incité Michèle à médiatiser son histoire. “Une lettre d’une indignité absolue”, enrage Me Debuisson. “On me propose 650 euros en réparation. La vie de Nicolas vaut 650 euros pour eux. Je me moque de l’argent, mais je suis restée sans voix. C’était ridicule, honteux”. Elle l’a ressenti comme un crachat au visage.

Touchée en plein cœur par la réception de ce “papier infâme”, la maman courage y puise la force pour poursuivre la bataille. “Mon fils vit toujours avec moi. C’est un combat que je porte pour lui”. Avant d’asséner, péremptoire : “Il faut que l’hôpital de Decazeville soit fermé. Il est trop dangereux”.

Ce qu’en disent les hôpitaux concernés

Contactée, la direction du Centre Hospitalier de Decazeville – qui compte 339 lits ou places – tient à réaffirmer qu’elle “comprend pleinement la douleur de la famille face à ce drame. La perte d’un proche constitue une épreuve particulièrement difficile, et nous exprimons une nouvelle fois toute notre compassion à la famille”.

Concernant la mort de Nicolas, le 7 octobre 2021 aux urgences, l’hôpital aveyronnais rappelle que “l’ensemble des faits ayant entouré cette prise en charge a fait l’objet d’examens approfondis par plusieurs instances indépendantes. À ce titre, la Commission de Conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux (CCI) de Midi-Pyrénées, a rendu [en juin 2025] un avis mettant le Centre Hospitalier de Decazeville hors de cause, tant au regard des pratiques médicales que de la sécurité de la prise en charge. Il s’agit là d’un avis extérieur et indépendant, établi par un collège d’experts de la commission nationale des accidents médicaux”.

Selon la directrice déléguée de site, Christelle Dumoulin, “le Centre Hospitalier de Decazeville a pleinement coopéré à l’ensemble des investigations approfondies menées depuis 2021, dans un esprit de transparence totale. Il continuera, comme il l’a toujours fait, à s’inscrire dans cette démarche constructive, au service de l’amélioration continue de la qualité et de la sécurité des soins”.

Il réaffirme également “son attachement constant au respect du droit des usagers, tels que garantis par le code de la santé publique, notamment s’agissant du droit à l’information, de la transparence des procédures et des voies de recours”. L’établissement souhaite enfin rappeler qu’il “reste mobilisé au quotidien pour assurer à la population du bassin Decazevillois un accès permanent à des soins urgents, de qualité et sécurisés, dans le respect des recommandations nationales et en lien étroit avec les partenaires du territoire de santé”.

De son côté, le CHU de Toulouse dit comprendre “la peine de la famille”.
Toutefois, “l’hôpital est tenu par le secret médical, qui l’empêche de communiquer des informations personnelles.” Ce dossier a été examiné par la Commission de conciliation et d’indemnisation (CCI) rappelle aussi l’établissement toulousain, “pour ces raisons, le CHU de Toulouse ne peut pas faire de commentaire supplémentaire sur cette situation”.

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