La librairie pyrénéenne de Bagnères fête ses 25 ans. Née de la passion pour les montagnes de Marc Besson un ancien photographe, elle résiste à l’ère numérique. Comment ce commerce spécialisé s’adapte-t-il face à l’évolution des habitudes de consommation ?
Depuis combien de temps êtes-vous libraire ?
Ça fait 25 ans maintenant que j’ai ouvert le magasin, dans les années 2000. Une librairie exclusivement consacrée aux Pyrénées.
Vous étiez du métier ?
Du tout, j’étais photographe industriel et passionné des Pyrénées, un peu la faune, la flore, les lacs et les sommets, l’histoire locale, les petites randonnées, le vtt. Tout ce qui attrait aux Pyrénées, et que ce soit côté aragonais ou côté catalan d’ailleurs. C’est suffisamment grand pour passer beaucoup, beaucoup de temps à les découvrir.
Comment êtes-vous arrivé à Bagnères ?
Je suis originaire de Toulouse, je passais toutes mes vacances dans les Pyrénées. Et le choix d’ouvrir la librairie s’est imposé à travers des exemples de librairie sur Marseille ou en Bretagne consacrées au territoire, sur les contes, la langue, la pêche, etc. Je me suis dit : “je vais faire la même chose ici”. Ça fait des tas de sujets : la langue, la géologie, l’architecture, la faune, la flore, le pastoralisme, l’histoire locale, la chasse, la pêche, les sports pyrénéens, etc.
Comment vous cherchez et trouvez les livres ?
Il y a les éditeurs pyrénéens, Cairn, Gypaète, etc. et en dehors de ça il faut chercher en permanence. Puis, on vient aussi vers moi. Je complète la librairie par des cadeaux français, que ce soit des pliages imaginés et fabriqués ici par l’imprimerie Péré, des bois découpés, des cadres de graphistes locaux. J’essaye de tout avoir de français. On a autant l’opinel qu’un modèle fabriqué sur place. Sinon, dans le commerce, il n’y a quasiment que des couteaux d’importation.
En ce moment, est-ce que vous avez un livre à conseiller ?
Oui, plusieurs, selon les sujets. Là je pense à une bande dessinée écrite par un berger, très graphique, ça s’appelle “Démontagner”. C’est un chouette bouquin, et édité par un éditeur national, donc une belle opportunité pour lui. C’est un berger qui raconte non pas sa vie mais une histoire, avec des parties où l’on est en dans le détail de la vie de berger.
Qu’est-ce que vous aimez dans le fait de tenir une librairie ?
La variété des rencontres avec le client. J’ai des passionnés qui viennent, des pêcheurs, des chasseurs, des montagnards, du randonneur au super-montagnard qui vont me raconter leur dernière sortie. Les gens qui font du trek très long et qui me racontent leur voyage. Les naturalistes, qui sont nombreux à Bagnères. Les retours de livres aussi, des livres que l’on a lu en commun. Rendre la monnaie c’est pas ce qui m’intéresse forcément vous voyez. Il y aussi la partie recherche de livres qui prend du temps et qui est très intéressante.
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la librairie ?
De continuer. Il y a internet, Google, l’intelligence artificielle… On ne sait pas ce que deviendra le livre dans quelques années. On a cru qu’Amazon tuerait le livre, c’est pas le cas. Là c’est pas dit, ça sera à chaque consommateur de voir ce qu’il veut faire. Même un secteur très spécialisé comme une librairie sur les Pyrénées, ça sera impacté. Parce qu’il faut encore avoir la démarche de se dire : “je peux trouver ça dans un point de vente matériel et existant, dans le vrai monde”. Si on finit par à croire qu’il n’y a que des boutiques qui vendent du H & M ou les grandes surfaces, on peut ne pas douter que certains titres n’existent que sur Amazon ou sur Google. Les gens sont surpris de toucher certaines choses, de les voir en vrai, à la taille réelle. Depuis 5-6 ans, je le vois arriver de plus en plus.
Et les cartes ?
On ne sait pas ce que va devenir, mais ça se maintient malgré les applications. Depuis la fin du covid, il y a ce grand phénomène d’aller dans la nature, et les Pyrénées en ont beaucoup bénéficié. Et les applications et cette virtualité permettent aussi d’accéder aux infos. C’est les vrais qui prennent et reprennent les cartes parce que ça s’abîme, et ceux aussi qui ont été échaudés par la trace gps.
Les gens en ont-ils marre du virtuel ?
Pour moi ils en ont pas marre du virtuel. C’est une forme de tourisme dans la réalité. C’est de se dire : “je vais passer 15-20 minutes dans le monde réel”. Ça devient une expérience sensitive.
Ce n’est plus un commerce du quotidien une librairie ?
Non, je crois pas. Le modèle économique de ce genre de boutique, c’est un modèle du XIXe, où il faut demander des choses. Et encore on est dans une petite ville, où les gens sont habitués à parler. Je pense que si je déplaçais la librairie à Toulouse ou à Bordeaux, ça serait une claque.

