Des personnes déplacées après des combats à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, dans la privince de Sa Kaeo, en Thaïlande, le 10 décembre 2025. LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP
Plus d’un demi-million de personnes ont évacué les régions frontalières de la Thaïlande et du Cambodge, où les combats qui se poursuivent ce mercredi 10 décembre ont fait au moins 11 morts depuis le début de la semaine, amenant le président Donald Trump à annoncer son intervention pour « arrêter » les hostilités.
• Une frontière issue de la colonisation contestée
La Thaïlande et le Cambodge ont repris les hostilités après quelques semaines d’arrêt. Les deux pays se disputent le tracé de certaines parties de leur frontière, longue de 800 kilomètres, principalement dans la région du temple de Preah Vihear. Ce tracé contesté date de la colonisation française.
Les deux pays d’Asie du Sud-Est s’étaient déjà affrontés en juillet. Les deux voisins ont signé le 26 octobre, sous l’égide de Donald Trump, un accord de cessez-le-feu qui a été suspendu quelques semaines plus tard par la Thaïlande après l’explosion d’une mine terrestre ayant blessé plusieurs de ses soldats. Les deux parties s’étaient engagées à retirer leurs armes lourdes, à déminer les zones frontalières et à poursuivre le dialogue, mais rien n’a été réglé sur le fond.
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Les deux voisins d’Asie du Sud-Est s’accusent mutuellement d’avoir déclenché la reprise des hostilités. Mardi soir, le ministère thaïlandais de la Défense a affirmé que la Thaïlande poursuivra ses opérations militaires jusqu’à ce que le Cambodge « change de position ».
• Plus de 500 000 personnes évacuées à la frontière
« Les civils ont dû évacuer massivement en raison de ce que nous avons évalué comme une menace imminente pour leur sécurité », a expliqué le porte-parole du ministère thaïlandais de la Défense, Surasant Kongsiri, après avoir annoncé l’évacuation de plus de 400 000 de ses ressortissants.
L’armée cambodgienne a fait savoir de son côté que plus de 100 000 personnes avaient été contraintes de quitter leurs maisons dans cinq provinces bordant la frontière contestée. « Au total, 20 105 familles, soit 101 229 personnes, ont été évacuées vers des abris et chez des proches dans cinq provinces », a déclaré la porte-parole du ministère cambodgien de la Défense, Maly Socheata.
Le nombre de déplacés dépasse celui du mois de juillet, lorsque 300 000 personnes avaient fui les combats, au sol et dans les airs, qui avaient fait 43 morts de part et d’autre en cinq jours.
• Sept civils cambodgiens et quatre soldats thaïlandais tués
Au total, sept civils cambodgiens et quatre soldats thaïlandais ont été tués, selon les derniers bilans des autorités. Des tirs d’artillerie résonnaient mercredi matin dans le village cambodgien quasiment désert de Samraong, à quelques kilomètres de la frontière et de plusieurs temples historiques revendiqués par la Thaïlande.
« Les combats sont plus intenses cette fois [qu’en juillet], les Thaïlandais larguent des bombes depuis des avions de chasse », a dit à l’Agence France presse (AFP) Lay Non, qui a trouvé refuge dans une pagode de la province de Siem Reap. « Je me sens apaisé ici », a poursuivi l’agent de sécurité de 55 ans, assis près d’une grande statue de Bouddha.
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De l’autre côté de la frontière, Niam Poda faisait sa lessive lundi chez elle, dans la province thaïlandaise de Sa Kaeo, lorsqu’une forte explosion a retenti. « J’ai dû courir pour sauver ma vie dès que j’ai pu », a témoigné l’agricultrice de 62 ans, qui a laissé derrière dans la précipitation ses médicaments contre le diabète et l’hypertension. « J’espère que la paix reviendra rapidement pour que je puisse retourner m’occuper de mes cannes à sucre », a-t-elle ajouté devant sa tente installée sous un abri de fortune.
• Trump veut « passer un coup de fil »
Mardi, au cours d’un rassemblement devant ses partisans en Pennsylvanie, le président américain a affirmé qu’il comptait appeler les dirigeants des deux pays pour leur demander de cesser les combats. « Demain, je dois passer un coup de fil et je pense qu’ils vont comprendre », a lancé Donald Trump. « Qui d’autre pourrait dire “je vais passer un coup de fil et arrêter une guerre entre deux pays très puissants” ? »
Un peu plus tôt, le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio appelait dans un communiqué à « une cessation immédiate » des affrontements. « Nous demandons instamment la cessation immédiate des hostilités, la protection des civils et le retour des deux parties » à l’accord de paix de Kuala Lumpur du 26 octobre, signé par les deux pays sous les auspices du président Trump et du Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim.
• L’Union européenne appelle à « la plus grande retenue »
Lundi, l’Union européenne a appelé la Thaïlande et le Cambodge à « la plus grande retenue ». « Les récents échanges de tirs entre le Cambodge et la Thaïlande représentent une escalade dans les hostilités », a écrit une porte-parole du service diplomatique de l’UE, Anitta Hipper, dans un communiqué.
« L’UE appelle les deux pays à exercer la plus grande retenue et à revenir à la déclaration signée le 26 octobre », est-il également écrit dans le texte.
• Le Cambodge se retire des Jeux d’Asie du Sud-Est
Le Cambodge s’est retiré mercredi des Jeux d’Asie du Sud-Est organisés en Thaïlande. « Il est confirmé que le Cambodge s’est retiré », a déclaré à l’AFP Akarin Hiranprueck, un haut responsable des Jeux.
Le Comité national olympique cambodgien (NOCC) avait déjà annoncé fin novembre que ses athlètes ne participeraient pas aux épreuves concernant huit disciplines « en raison d’importants problèmes de sécurité ».
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Des membres de la délégation cambodgienne ont participé mardi au défilé des athlètes, lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux d’Asie du Sud-est à Bangkok, ville hôte au même titre que la province côtière de Chonburi. La cérémonie a eu lieu sous haute sécurité, en présence de membres de la famille royale thaïlandaise.

