Alors que la dermatose nodulaire gagne du terrain dans les Pyrénées, les éleveurs vivent au rythme des notifications du réseau sanitaire, redoutant le cas de trop. À la tête d’une exploitation sur la commune du Pla (Ariège), Mélanie Dupin voit son quotidien basculer sous une pression psychologique et économique sans précédent.
“C’est comme une épée de Damoclès, au-dessus de nos têtes”. Elle scrute son téléphone, le regard inquiet… Mélanie Dupin redoute le prochain message du groupement de défense sanitaire (GDS). Cette éleveuse ariégeoise de bovins, installée sur la commune du Pla depuis 2018 avec deux associés, reçoit régulièrement les messages du réseau régional et national d’alerte. La trentenaire est informée en temps et en heure sur les nouveaux cas de dermatose nodulaire (DNC), détectés dans la région. Mais ce mardi 9 décembre, en début de soirée, le téléphone n’avait pas encore sonné que la nouvelle circulait déjà comme une traînée de poudre : un nouveau cas de DNC a été détecté dans une exploitation ariégeoise, à Bordes-sur-Arize, non loin de Saint-Girons. Loin de son berceau de Savoie, la maladie semble aujourd’hui se faire une place dans les Pyrénées.
Si la nouvelle terrifie les éleveurs, c’est avant tout à cause des mesures drastiques qui sont aujourd’hui appliquées par les autorités sanitaires : dès qu’un cas est détecté, l’ensemble du cheptel est abattu. “C’est psychologiquement extrême, commente l’éleveuse ariégeoise. En fait, on nous dit très clairement qu’il faut savoir se sacrifier pour sauver les autres”. Cette réalité brutale, Jeff Bobé y est confronté. À la fin du mois d’octobre, une quinzaine de bovins appartenant à ce jeune éleveur de 22 ans, installé à Souanyas (Pyrénées-Orientales), ont dû être euthanasiés. L’une d’entre elles avait été testée positive : “Ça a été extrêmement douloureux”, évoque le jeune homme, aujourd’hui aux petits soins avec ses 47 bovins. Jeff Bobé soupire : “Chaque jour, nous nous allons les voir avec la boule au ventre, en craignant de découvrir un cas”.
Des pertes financières colossales
La procédure est aussi catastrophique pour les affaires. Jeff Bobé estime avoir perdu près de 70 000 euros dans l’immédiat. L’éleveur catalan percevra une indemnisation… “Pas à hauteur de ce qu’il faudrait, regrette l’intéressé. On perd des animaux à haute valeur génétique”. Et donc à haute valeur financière : ces dernières années, les prix des broutards ont atteint des sommets, près de 2 000 euros par tête en moyenne. “En 45 ans de carrière, mon beau-père, n’avait jamais vendu les broutards à ce prix-là, commente pour sa part Mélanie. À l’époque, on les vendait entre 600 et 1 000 euros”.
Dans ce contexte, l’éleveuse ariégeoise craint que la maladie ne provoque un effondrement des prix pour un bétail qui, tout juste vacciné, peine aujourd’hui à trouver preneur sur le marché européen. “Les Italiens et les Espagnols sont nos principaux acheteurs, pousse la jeune femme qui a dû vacciner son bétail après la découverte récente d’un cas de dermatose, à quelques dizaines de kilomètres de son exploitation. Si eux ne veulent plus de nos bovins, les éleveurs de la région vont se retrouver coincés”.
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Heureusement, l’activité de Mélanie et de ses deux associés repose en très grande partie sur la clientèle locale : sur les 40 bovins qu’elle vend chaque année, une dizaine seulement est exportée vers l’Espagne et vers l’Italie. Mais là encore, la jeune femme fait face à quelques difficultés. “Localement, on a des clients qui refusent de commercer avec nous parce que notre bétail est vacciné”, regrette cette dernière. Certains acheteurs semblent aussi s’émouvoir de la situation : “Certains d’entre eux dépensent parfois un peu plus, pour nous soutenir”. En vue des fêtes de fin d’année, le money-time s’est joué au début du mois de décembre pour l’éleveuse ariégeoise. Pour les éleveurs qui dépendent des exportations, les prochaines semaines s’annoncent quant à elles déterminantes.

