Le président américain Donald Trump entouré de ses homologues du Rwanda Paul Kagame, et de la République démocratique du Congo Félix Tshisekedi, pour la signature d’un accord de paix entre les deux pays africains, le 4 décembre 2025 à Washington. EVAN VUCCI/AP/SIPA
La paix est-elle enfin à portée de main entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda ? C’est ce que pense en tout cas Donald Trump, qui a orchestré jeudi la cérémonie de signature d’un accord de paix entre Félix Tshisekedi et Paul Kagamé, respectivement présidents de la RDC et du Rwanda.
Un accord en demi-teinte, présenté comme un « miracle » pour Donald Trump alors qu’au même moment, les combats continuent de faire rage entre l’armée congolaise et le « Mouvement du 23 mars » (M23), soupçonné d’être soutenu par le Rwanda. Depuis le début du conflit il y a une trentaine d’années, des tentatives de résolution ont été entamées, sans réelle perspective de paix. Cet accord peut-il enfin symboliser la fin des combats ?
• Que contient l’accord signé à Washington ?
Présidée par Donald Trump jeudi à Washington, la cérémonie de signature s’est faite en présence du président de la République démocratique du Congo Félix Tshisekedi et du Rwanda Paul Kagamé.
« Cela va être un grand miracle », a dit le président américain, vantant un accord « puissant et détaillé », tandis que Félix Tshisekedi et son homologue Paul Kagamé ont eu une tonalité plus prudente.
« Tout le monde allait gagner beaucoup d’argent », a lancé Donald Trump, grâce à ces « accords de Washington », qui comportent une dimension économique. Il a notamment promis l’envoi « de grandes entreprises américaines » dans les deux pays africains voisins.
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Analyse
Pourquoi les Etats-Unis tiennent-ils tant à la paix entre le Rwanda et la RDC ?
Les accords signés jeudi comportent trois volets. Le premier sur la cessation des hostilités, avec l’instauration d’un cessez-le-feu, un programme de désarmement, un processus de retour des personnes déplacées et des mesures de « justice » contre les responsables d’exactions, selon Donald Trump.
Le second volet est un cadre d’intégration économique régionale. Le dernier pan porte sur la conclusion d’accords bilatéraux des Etats-Unis avec chacun des deux pays sur l’exploitation des minerais stratégiques, indispensables aux industries de pointe et donc la RDC en particulier regorge.
Une cérémonie résultant d’une « forte pression » exercée par les Etats-Unis, d’après Reagan Miviri, chercheur à l’institut congolais Ebuteli, pour l’AFP. « Pour eux, l’essentiel est peut-être moins le contenu de l’accord que l’événement lui-même ».
Paul Kagamé a salué sa médiation « pragmatique », tout en avertissant qu’il y aurait « des hauts et des bas » dans l’application de l’accord. De son côté, Félix Tshisekedi a lui aussi remercié le républicain pour avoir amené un « tournant », et a salué « le début d’un nouveau chemin », avertissant toutefois qu’il serait « exigeant » et « assez difficile ».
• Quel est le bilan de cette guerre ?
Dans sa quête de devenir faiseur de paix, Donald Trump a décidé de s’attaquer à l’épineux conflit qui oppose la République démocratique du Congo et le Rwanda et qui s’est ravivé en 2021. Les combats se sont intensifiés fin janvier, avec la prise des grandes villes de Goma, puis Bukavu, par le M23.
Ces affrontements ont causé la mort d’au moins six millions de personnes, déplacé des centaines de milliers d’autres et provoqué une vaste crise humanitaire, malgré des tentatives de cessez-le-feu, sans succès. Un conflit dont l’origine remonte à plus d’une trentaine d’années.
Au Rwanda, Tutsis et Hutus cohabitent. Après le génocide des Tutsis au Rwanda en 1994, les Hutus chassés fuient dans une province à l’ouest du pays appelée le Kivu. Une région appartenant à l’actuelle RDC. Craignant des représailles envers les Tutsis, Paul Kagamé, chef du Front patriotique rwandais devenu président, soutient d’autres populations du pays. A plusieurs reprises, le Rwanda est intervenu militairement pour sa sécurité. Dans le même temps, face à l’instabilité de la RDC, des mutins de l’armée se rebellent, forment des groupes armés et continuent de se battre.
Ces groupes armés convoitent le Kivu, région très riche en minerais rares. Parmi eux, le M23, d’ex-soldats de l’armée régulière de RDC, à majorité Tutsis. Ils sont soupçonnés d’être soutenus par le Rwanda, notamment de l’ONU. Kigali de son côté, nie fermement, entraînant de vives tensions entre les deux pays et aggravant l’instabilité dans la région.
• Est-ce vraiment la fin du conflit ?
Alors même que Donald Trump parle de l’accord négocié depuis juin comme d’un « miracle », d’intenses affrontements se déroulent encore dans l’est de la République du Congo.
Sur le terrain, les combats font rage depuis plusieurs jours entre le groupe armé M23 et l’armée congolaise appuyée par des milices, dans la province du Sud-Kivun, dans l’est de la RDC, selon des sources locales. Une soixantaine d’organisations de la société civile congolaise ont mis en garde dans une déclaration commune contre des accords qui « resteront des avancées sur le papier ».
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Décryptage
En République démocratique du Congo, la guerre de Paul Kagame
Des tirs d’armes lourdes et légères ont résonné en début de matinée aux abords de Kamanyola, une agglomération congolaise contrôlée par le M23, frontalière du Rwanda et du Burundi, a constaté un journaliste de l’AFP sur place. « Beaucoup de maisons ont été bombardées et il y a beaucoup de morts », avait déclaré mercredi 3 décembre à l’AFP René Chubaka Kalembire, un responsable administratif à Kaziba, localité sous contrôle du groupe armé. Un bilan fiable de ces affrontements n’a pour l’instant pas pu être déterminé.
Le M23 et les autorités de RDC s’accusent régulièrement de violer le cessez-le-feu qu’ils s’étaient engagés à respecter dans le cadre d’une médiation parallèle menée par le Qatar à Doha.

