December 10, 2025

ENTRETIEN. "Donald Trump déteste l’Europe, il la voit l’Europe comme une association de malfaiteurs qu’il voudrait casser"

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L’administration américaine a récemment dévoilé sa nouvelle stratégie de sécurité nationale. Cette doctrine, portée par l’idéologie de Donald Trump, marque une rupture géopolitique majeure avec ses alliés historiques, notamment l’Europe. Décryptage avec Dominique Simonnet, spécialiste des États-Unis, auteur du livre “Requiem pour le monde libre”, avec Nicole Bacharan, aux éditions de l’Observatoire

La Dépêche du Midi : La Maison-Blanche a présenté sa stratégie de sécurité nationale, comment en résumer l’esprit ?

Dominique Simonnet : C’est une rupture à la fois géopolitique, idéologique et historique, entre les États-Unis et l’Europe. Il y a une volonté évidente américaine de se dégager le plus possible des engagements hérités de l’après-guerre. Les États-Unis prennent leur distance avec l’idée du “monde libre”, comme on le disait alors, qui était une alliance à la fois militaire, politique et idéologique, fondée sur l’identité et la démocratie. C’est donc une rupture importante.

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C’est en quelque sorte le retour du “America First” ?

Le document met d’abord en avant les intérêts vitaux et fondamentaux de l’Amérique en effet. On pourrait dire que toutes les nations font la même chose, mais là, c’est réaffirmé d’une manière très forte. Cela porte sur tous les domaines : l’intelligence artificielle, l’économie militaire, toutes les technologies de pointe, comme les futures technologies telles que l’informatique quantique.

On sent aussi une volonté de se désengager sur la scène internationale, non ?

Il y a cette idée de non-interventionnisme, en effet, sauf dans ce qu’ils appellent – et c’est un vieux terme – “l’hémisphère occidental”, c’est-à-dire le continent américain. Donald Trump a toujours eu cette vision qui correspond grosso modo à la doctrine Monroe de 1823. Cette doctrine disait : les États-Unis sont souverains sur le continent américain (tout le continent) et stipulait que l’Europe ne doit pas s’intéresser à ce qui se passe sur notre continent et inversement.

Trump est particulièrement dur avec le Vieux Continent, comment l’expliquer ?

Il déteste l’Europe. Pour lui, c’est une espèce d’assemblée hétéroclite qui ne fonctionne pas, avec des règles, des régulations, des restrictions. Il voit l’Europe comme une “association de malfaiteurs” qu’il voudrait casser. Il veut voir des nations qui soient dirigées par des hommes forts comme lui ou comme Viktor Orbán.

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Le président américain a évoqué une menace “d’effacement civilisationnel” en Europe, comment cela se traduit-il dans la stratégie de sécurité des États-Unis ?

Il considère l’Europe comme un continent à la dérive. Cela va loin, car dans le document, il parle de “cultiver la résistance” à l’intérieur de l’Europe et donc de soutenir les mouvements qu’il appelle “patriotiques”. Or, ces mouvements sont ceux de l’ultra-droite. Il y a donc une vraie déclaration d’ingérence idéologique en Europe.

Et ailleurs dans le monde ?

Pour le reste, les États-Unis interviennent uniquement pour des raisons commerciales. Trump veut la paix pour pouvoir commercer. L’Europe, par exemple, est un marché colossal pour les États-Unis. Pour l’instant, il n’est pas sorti de l’Otan, mais les Européens peuvent s’interroger. L’Ukraine a des raisons de s’inquiéter…

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Quelles conséquences en Ukraine, justement ?

Là, c’est la maison qui brûle, la seule question qui compte, c’est : Est-ce que les États-Unis vont continuer à assurer le minimum militaire ? C’est-à-dire la coordination sur le renseignement, qui est vitale et indispensable pour la défense du pays. Les Européens doivent jouer aux équilibristes, ils ont bien compris que l’Amérique est en train de les lâcher, en tout cas sur l’Ukraine, mais ils sont obligés de la garder avec eux…

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