Devenu en quelques mois l’un des visages de la colère agricole, l’éleveur haut-garonnais Jérôme Bayle apparaît désormais sur grand écran. Le film “Rural”, tourné plus d’un an et demi par le réalisateur Édouard Bergeon, sera présenté en avant-première ce lundi soir à Carbonne, le village où tout a commencé pour le leader des “Ultras de l’A64”.
Carbonne s’apprête à vivre une soirée particulière, ce lundi. C’est ici, dans sa ville, que Jérôme Bayle, porte-voix de la contestation agricole en Haute-Garonne, présentera Rural, le nouveau film d’Édouard Bergeon dont il est le personnage central. Tourné pendant plus d’un an et demi, le long-métrage retrace son quotidien d’éleveur, ses engagements et les moments charnières du mouvement des “Ultras de l’A64”, né sur les barrages qui ont bousculé le pays.
“Je n’étais pas prêt”, raconte aujourd’hui Jérôme Bayle, en se souvenant des premières sollicitations reçues après les blocages de janvier 2024. Des producteurs, des éditeurs, des projets de livres, de films… “Je ne voulais pas que les gens pensent que je profitais du malheur des autres pour me mettre en avant.”
“Je ne veux rien récupérer”
La rencontre avec le sociologue François Purseigle a tout changé. C’est lui qui l’a poussé à rencontrer Édouard Bergeon, réalisateur d’Au nom de la terre. D’abord réticent, l’agriculteur a finalement accepté. “Il m’a demandé qu’on se voie. Il est venu chez moi… et ça a matché tout de suite.” Entre les deux hommes, le courant passe d’autant plus qu’ils partagent une histoire douloureuse : chacun a perdu son père, tous deux agriculteurs, dans un suicide. “On a une histoire commune, une souffrance commune. Il connaît notre métier. Rien n’a été imposé.”
Le film mêle scènes de barricades, moments intimes à la ferme, discussions sur l’avenir du monde rural et retours sur les engagements du leader agricole. Des images en partie tournées à Carbonne, là où tout a commencé et où Jérôme Bayle a voulu organiser cette première projection. “La fierté, elle viendra si les gens comprennent qu’on se bat pour éviter que notre monde rural disparaisse. Pas pour moi, mais pour nous tous”, insiste-t-il.
L’agriculteur tient également à faire taire une rumeur : il ne percevra aucun bénéfice du film. C’était sa seule condition. “Ça m’a coûté, parce que j’ai fait des déplacements à mes frais. Mais je ne veux rien récupérer. S’il y a un jour des bénéfices, ils iront aux familles endeuillées.”
“J’ai toujours les mains dans ma ferme”
Devenu, presque malgré lui, l’une des figures de proue de la mobilisation agricole, il assure que sa notoriété ne change rien. “J’ai toujours les mains dans ma ferme. Mes problèmes n’ont pas changé. La finalité, ce sera quand on dira : cette année, aucun agriculteur ne s’est suicidé.”
Alors que la tournée d’avant-premières débute en France, c’est bien à Carbonne que Jérôme Bayle voulait lancer le film, “auprès des siens”. Deux séances sont prévues ce lundi soir, toutes deux complètes. Le long-métrage sortira au cinéma le 4 mars, juste après le Salon de l’Agriculture.

