Après un été de sécheresse, les pommes peinent à trouver leur éclat. À Izaourt, aux Vergers de Barousse dans les Hautes-Pyrénées, Christophe Escoubas constate les effets du changement climatique sur ses arbres fruitiers.
Depuis le début du mois de septembre, Christophe Escoubas s’affaire dans ses vergers d’Izaourt, dans les Hautes-Pyrénées. À la tête de l’exploitation familiale, “les Vergers de Barousse”, fondée par ses grands-parents, le producteur de pommes voit sa récolte battre son plein après un été particulièrement sec.
“Nous avons débuté avec les parcelles cultivées en bio, notamment avec la variété Pixie”, raconte-t-il. Une pomme rouge, croquante et juteuse, très appréciée des consommateurs. “En ce moment, nous ramassons les Pink Lady.”
Mais cette année encore, un détail saute aux yeux : les fruits manquent d’éclat. Leur peau, habituellement brillante et uniformément colorée, reste pâle. “Les pommes colorent mal, car les températures nocturnes sont trop élevées. Pour bien rougir, une pomme a besoin de journées douces et de nuits fraîches”, explique le producteur. Sans ce contraste thermique, la coloration ne se fait pas correctement. Le phénomène, observé désormais deux années de suite, s’impose comme un nouveau défi pour la filière.
Si les particuliers pensent que leurs pommes ne mûrissent pas, “ce n’est pas un problème de maturité, mais bien de couleur”, souligne Christophe Escoubas. Et cette différence esthétique n’est pas anodine : elle a des conséquences financières.
Des pertes économiques
Si les clients fidèles des Vergers de la Barousse ne s’en formalisent pas, d’autres acheteurs se montrent moins indulgents. “La clientèle locale qui vient sur place cherche avant tout le goût de nos pommes, pas leur couleur. Mais nous vendons 70 % de notre production à une coopérative d’Agen. Si la pomme n’est pas bien rouge, nous pouvons perdre jusqu’à 20 centimes au kilo”, confie l’arboriculteur.
À cette baisse de prix s’ajoute un autre problème : le calibre des fruits, réduit par le manque d’eau. “Si la pomme est petite, on me la paie moins cher”, résume-t-il. Entre sécheresse, chaleur persistante et exigences commerciales, l’équilibre économique du verger en pâtit. Loin d’être alarmiste, Christophe Escoubas garde cependant la tête froide. “Il faut avant tout s’adapter.” Conscient que le changement climatique s’inscrit dans la durée, il réfléchit à des solutions durables pour préserver son exploitation.
Trouver l’équilibre entre bio et rentabilité
Engagé dans l’agriculture biologique depuis 2006, le producteur a pourtant dû revoir sa stratégie. “Nous avions 40 % du verger cultivé en bio. Aujourd’hui, nous n’en avons plus que 17 %. Produire en bio est devenu très compliqué : le rendement est faible et le coût de production élevé.” Face aux aléas climatiques et aux contraintes de marché, il a choisi de convertir une partie de ses parcelles en agriculture raisonnée, pour trouver un équilibre entre respect de l’environnement et viabilité économique.
Pour limiter les effets de la sécheresse, Christophe Escoubas a investi dans un système d’arrosage de précision. “J’appelle ça du biberonnage. Mon matériel m’indique la quantité exacte d’eau dont chaque arbre a besoin. Cela me permet de réduire le gaspillage tout en atténuant le stress du pommier.”
Malgré ces efforts, l’été n’a pas été de tout repos. Un enherbement dense a puisé l’humidité du sol, tandis qu’une prolifération de campagnols a endommagé les racines. “Les mulots ont fait beaucoup de dégâts car ils rongent les racines.” Le verger a souffert, mais l’expérience de l’arboriculteur a contribué à imiter les dégâts.
Miser sur les variétés de demain
Pour préserver l’avenir, Christophe Escoubas, qui emploie huit salariés, mise désormais sur les variétés les plus résistantes et les plus demandées. Sa devise : anticiper plutôt que subir. “Il faut s’adapter à la météo de demain. Certaines variétés s’en sortent mieux que d’autres face à la chaleur.”
Alors qu’il approche de la retraite et envisage de vendre son exploitation, le producteur reste attaché à ses racines. “Ce verger, mes grands-parents l’ont planté en 1947. J’ai eu la chance de travailler dans un cadre exceptionnel que je me suis employé à préserver toute ma vie.”
Les pommes d’Izaourt seront moins colorées peut-être, mais toujours aussi savoureuses.

