Dans le Gers, le Fonds d’indemnisation des victimes de pesticides, créé en 2020, serait encore aujourd’hui largement ignoré par les professionnels concernés. C’est en tout cas le constat que dresse l’association des accidentés de la vie (FNATH). Pourtant, actuellement quatre maladies liées aux pesticides sont reconnues. Rencontre avec Marie-Jeanne Ingargiola, présidente de l’association.
L’association des accidentés de la vie (FNATH), mène nationalement une action autour de la méconnaissance des maladies professionnelles liées aux pesticides. Peu de dossiers seraient en effet déposés ?
On s’est rendu compte que le fonds de compensation, comme je vais l’appeler, n’est quasiment pas utilisé depuis 2020. Pourtant, de plus en plus de maladies sont ajoutées au tableau des maladies professionnelles. Ce qui est le plus déconcertant, notamment, ce sont les pathologies concernant les enfants. Alors que lors de notre conférence, les trois quarts du débat qu’il y a eu dans la salle étaient sur les enfants.
Pour les pathologies infantiles reconnues par les experts médicaux, il y avait initialement cinq maladies : la leucémie, les tumeurs cérébrales, les fentes labiopalatines, les malformations type labiophlabia (bec-de-lièvre) et les troubles du neurodéveloppement, notamment l’autisme.
Depuis, d’autres pathologies continuent d’être ajoutées. Ces maladies concernent les enfants exposés pendant la période prénatale, du fait de l’exposition professionnelle d’un des parents. Ce qui est très important, c’est qu’à la différence des adultes pour lesquels il existe des délais pour faire reconnaître une maladie professionnelle, il n’y a aucun délai pour les enfants.
Quid des adultes ?
Par ailleurs, les reconnaissances progressent aussi pour les adultes. La semaine dernière, au niveau national, la FNATH a obtenu l’ajout du cancer de la vessie sur la liste des maladies professionnelles liées aux pesticides. Cela vient s’ajouter à la maladie de Parkinson, aux lymphomes, à la leucémie, à la bronchite chronique, au myélome multiple, au cancer de la prostate, aux troubles cognitifs, aux AVC, etc.
Concernant ce fonds de compensation, comment est-il financé et pourquoi est-il si peu utilisé ?
Ce fonds est financé en grande partie par la branche “accidents du travail et maladies professionnelles” de la Sécurité sociale, mais aussi par des taxes prélevées sur la vente des produits. Eux-mêmes financent les deux tiers du fonds.
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Dans le Gers, j’ai interrogé plusieurs médecins : médecins du travail, médecins de la Sécurité sociale, généralistes… Tous m’ont expliqué que, lorsqu’un agriculteur tombait malade, ils faisaient systématiquement les démarches avec la CPAM et la MSA pour la reconnaissance en maladie professionnelle. Un médecin m’a même dit : “Ils réagissent avant moi, avant même que je lance la procédure !” Donc la reconnaissance se fait plutôt bien.
Ce que les personnes ignorent, en revanche, c’est l’existence de ce fonds de compensation, qui peut financer une partie des soins, des accompagnements, des adaptations…
Votre action, c’est donc vraiment de faire connaître ce fonds pour que les agriculteurs puissent en bénéficier plus facilement ?
Exactement. C’est notre premier objectif. Et notre prochaine bataille, qui sera sûrement très longue, consiste à faire reconnaître également les personnes qui vivent en zone rurale, les voisins des exploitations, celles et ceux qui vivent au bord des champs. Aujourd’hui, ils ne sont pas pris en compte.
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Nous commençons par les victimes déjà reconnues en maladies professionnelles, mais nous espérons que cela permettra à terme d’élargir la prise en charge à toutes les personnes exposées malgré elles aux pesticides.

