1,5 million de kilomètres et toujours aussi fringante : la Mercedes de René et Alice, habitants de Gajan, roule sans faiblir, symbole de l’attachement de ses propriétaires au patrimoine roulant.
Quand le GPS nous fait arrêter devant un grand hangar de type agricole où s’entassent du bazar et plusieurs véhicules, on se dit qu’on est bien arrivé au 1, Lalane, à Gajan et que c’est plausible que le propriétaire des lieux ait une voiture à plus d’1 million de kilomètres. Renseignement pris auprès dudit propriétaire, “c’est peut-être en face que vous cherchez ? Il bricole souvent des autos.” Mais là, quand on sonne chez le voisin d’en face et qu’on lui pose la question, chou blanc encore. Jusqu’à ce que son visage s’éclaire : “Ah, vous parlez peut-être de René ? Il a tout un tas de vieilles voitures, ça ne peut être que lui dans le voisinage.”

Il s’avère que c’est bien lui dont on parle. Mais René, ce n’est pas le genre de personnes à se vanter que sa voiture a passé le million. On dirait même n’est même pas la plus belle qu’il a dans sa collection, celle qu’il regarde avec le plus d’étoiles dans les yeux. Quand il ouvre les portes de son garage, se dévoile un autre monde, ou plutôt un autre temps. Une Delayahe de 1929, une Renault de 1926 et une de 1928… Ces voitures sont les marqueurs de la passion de René pour le patrimoine, et pas que celui automobile : “Tout le monde aimerait bien préserver le patrimoine, mais on n’est pas tous capables de le faire ; moi, je peux le faire, alors je le fais”, glisse-t-il, sans une once d’arrogance dans la voix.
Sa Mercedes 300D, on dira moins que c’est du patrimoine comparé à ses autres trésors. Mais sur elle comme sur les autres, le temps ne semble pas avoir d’emprise. Elle est toujours rutilante et chromée, seuls quelques petits impacts de rouille, une couche de peinture qui s’écaille par-ci par-là, se font remarquer. Autrement, personne ne serait capable de dire que cette berline atteint l’âge presque vénérable de 36 ans, et que son compteur affiche 1,5 million de kilomètres.

Pourtant, quand le million est passé, ça ne lui a pas fait grand-chose à René. Il hausse les épaules quand on lui pose la question, un petit sourire aux lèvres : “On en a d’autres comme ça, avec lesquelles on a beaucoup roulé.” Même réponse du côté de son épouse, Alice ; mais on sent quand même que la voiture anthracite a quand même une place particulière dans leur cœur : “Elle est tellement confortable, c’est quand même une voiture qui nous a marqués, qu’on ne va pas oublier”, lâche-t-elle dans un rire franc.
C’est pourtant elle qui a souhaité en changer et acheter une nouvelle voiture, même si elle a voulu cette Mercedes pour sa solidité avant tout. Encore aujourd’hui, elle pose son pouce sur la tôle et appuie : “Vous voyez, là, ça ne se déforme pas. J’ai eu un accident et ce que je voulais avant tout, c’était une voiture solide, avec des arceaux indéformables.”

Son souhait est exaucé avec l’achat de la berline allemande, qui lui procure un nouveau standing. “Je travaillais dans un lycée où j’étais proviseure adjointe et j’avais une Peugeot 404, tout le monde connaissait ma 404, la diesel, qui fumait beaucoup. Et quand je suis arrivée avec la Mercedes, ça a été dans tout le lycée, “Madame la proviseure en Mercedes” !” Un signe distinctif qui passionne la foule des élèves : “Les élèves me demandaient quel modèle c’était, mais je ne savais pas répondre, je m’en fichais un peu. Il y en a qui me glissaient des petits mots sur le pare-brise aussi.”
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Encore aujourd’hui, c’est la voiture qu’ils utilisent pour leurs voyages à travers l’Occitanie. Leur Mercedes à 1,5 million de kilomètres, c’est n’est rien de plus que ça : une berline élégante, commode, puissante, qui fait le travail sans chichis ni épate. Mais son travail, elle le fait bien, puisqu’elle les accompagne fidèlement depuis 1991, et sans souci majeur depuis toutes ces années. “On a dû changer le moteur une fois”, rapporte René. “Oui, c’était à cause de moi, s’esclaffe Alice. J’ai fait exploser le moteur, c’était à 300 000 kilomètres. Je n’avais pas fait attention qu’il fallait faire la vidange, moi j’allais juste d’un point A à un point B et je ne regardais pas plus que ça.”

Nouveau moteur, et donc compteur remis à 0 : ce qui veut dire que la carrosserie a encaissé encore plus que 1,5 million de kilomètres. Autrement, mis à part ça, rien de plus. Ah, si : il y a cette fois où un chevreuil a sauté sur le pare-brise, un indémodable à la campagne. “Il n’a pas touché le capot, il n’a pas touché les ailes, mais il a éclaté le pare-brise et je l’ai reçu dans la figure. Mais rien de plus, c’est vraiment une voiture solide, ça j’aime bien”, glisse René. Mais de stigmates de cette collision, plus rien, mis à part une petite griffure sur une porte arrière. Et la Mercedes est encore là, presque aussi élégante qu’il y a 20 ans ; et prête à avaler encore beaucoup de kilomètres, fidèle au poste.

