November 2, 2025

ENTRETIEN. Budget 2026 : "Le Parti socialiste est conscient des limites", estime le ministre ariégeois Laurent Panifous

l’essentiel
Avec le rejet de la taxe Zucman à l’Assemblée ce vendredi, le gouvernement a braqué la gauche, mais il veut croire à la poursuite des négociations pour parvenir à un accord de budget. Entretien avec le ministre des Relations avec le Parlement, l’Ariégeois Laurent Panifous.

Les débats à l’Assemblée sont très intenses autour du Budget, notamment avec le rejet de la taxe Zucman vendredi. Quel est votre sentiment sur l’avancée des travaux ?

C’est vrai qu’une étape importante a été franchie, car c’est un sujet qui a occupé les esprits et l’espace médiatico-politique pendant plusieurs semaines. Cette fameuse taxe Zucman soulève la question plus large de la fiscalité des plus fortunés et des moyens pour que chacun participe à l’effort collectif. Elle a été rejetée car elle touchait à l’outil professionnel, mais il y a bien une volonté de demander aux plus fortunés de contribuer sans nuire à l’attractivité et à l’emploi. Cependant, le débat était important et, au-delà, je veux insister sur la méthode de rupture qui est mise en place, avec un Parlement qui débat sérieusement et librement, sans recours au 49.3. Des majorités se forment sur différents sujets, et des compromis sont possibles, comme sur la réforme des retraites. Le gouvernement, qui n’avait pas prévu de revenir sur certains sujets, est prêt à bouger pour trouver un compromis et permettre à la France d’avoir un budget. C’est un travail intéressant et inédit, et finalement très politique.

À lire aussi :
Budget 2026 : le gouvernement peut “chuter à n’importe quel moment”, craint Sébastien Lecornu qui défend sa stratégie des petits pas

On peut aussi considérer que l’on assiste à une cacophonie générale où chacun pousse ses intérêts partisans, sans cohérence d’ensemble et en faisant perdre beaucoup de temps à la France. Vous entendez ces critiques ?

Oui, bien sûr. Mais il est important que chacun puisse défendre ses idées, même si cela prend du temps. Sur des sujets cruciaux comme la fiscalité et la répartition de l’effort collectif, il est normal de prendre le temps nécessaire. Il faudra sûrement accélérer pour aller au bout. Les oppositions n’ont pas souhaité un accord global avant le débat au Parlement, préférant que l’Assemblée nationale débatte point par point. C’est leur volonté, et il faut la respecter.

“Le Parti socialiste a conscience des limites”

Le Premier ministre a de nouveau tendu la main aux partis vendredi soir. Vous appelez-vous aussi le Rassemblement National ou la France Insoumise à venir s’asseoir à la table des négociations ?

Le Premier ministre m’a demandé, avec la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, de recevoir tous les groupes dès demain pour poursuivre les discussions et bâtir des compromis. Certains ont déjà dit qu’ils n’étaient pas intéressés, mais la porte reste ouverte. Ceux qui voudront venir seront les bienvenus.

Après le rejet de la taxe Zucman, c’est un petit miracle que le Parti Socialiste ne vous censure pas… Comment l’expliquez-vous ?

La taxe Zucman, et ses dérivés, n’étaient pas constitutionnels selon le Conseil d’État. Adopter quelque chose qui aurait été censuré aurait posé problème. Le compromis consiste à avancer avec ses idéaux, mais aussi à trouver un terrain d’entente avec ses adversaires politiques. Le Parti socialiste a conscience des limites. Les Républicains ont également leurs exigences, et le gouvernement doit trouver des compromis avec tout le monde. Même si cela semble compliqué, ce qui nous réunit tous, c’est notre volonté de construire un budget pour éviter la déstabilisation de notre économie. C’est une responsabilité partagée qui est essentielle.

À lire aussi :
La taxe Zucman est rejetée à l’Assemblée, le budget toujours aussi enlisé et Sébastien Lecornu en danger

On sent toutefois que le compte n’y est pas à gauche et que la survie du gouvernement ne tient qu’à un fil…

La suspension de la réforme des retraites, le dégel des minima sociaux, des mesures pour l’hôpital public… ce sont déjà beaucoup de gestes qui ont été effectués. Si la gauche considère que ce n’est pas assez, elle prendra ses responsabilités. Ce gouvernement a pour vocation d’apporter de la stabilité au pays. Notre objectif est de trouver des compromis entre la droite, le bloc central et la gauche.

Sur Sébastien Lecornu : “Les engagements pris sont respectés”

Vous-même venez de la gauche, sous les ordres d’un Premier ministre plutôt classé à droite. Comment vous sentez-vous au sein de ce gouvernement ?

Je me sens bien et je suis pleinement au travail. Je suis entré dans ce gouvernement après la chute du gouvernement précédent, avec des demandes claires : l’abandon du 49.3, la suspension de la réforme des retraites, une volonté de décentralisation, la valorisation du travail ou encore que l’on aboutisse sur la question de la fin de vie. Le Premier ministre a accepté de bouger sur ces points, et j’ai rejoint un gouvernement de pluralité qui a vocation, je le redis, à apporter de la stabilité au pays.

La taxe Zucman, revenons-y, est-ce un projet que vous auriez pu voter en tant que député de gauche ?

Non, j’y suis opposé car elle touchait à l’outil professionnel. Il faut que les plus fortunés participent proportionnellement à l’effort collectif et je défends une fiscalité qui corrige les effets d’optimisation, mais il ne faut pas fragiliser l’outil professionnel.

Quelle est votre relation avec le Premier ministre ?

Elle est très bonne. Nous ne venons pas du même bord politique mais nous avons des échanges francs. Les engagements pris sont respectés, et c’est à ces conditions que je suis dans ce gouvernement. J’espère pouvoir participer à la stabilité de nos institutions et de notre économie.

source

TAGS: