Le complexe de KK Park, le 17 septembre 2025. LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP
Un phénomène tentaculaire. 2 500 récepteurs internet Starlink localisés à proximité de centres de cyberfraude en Birmanie ont été désactivés par l’entreprise d’Elon Musk mercredi. Le nombre de ces complexes d’arnaques a explosé depuis plusieurs années, malgré une lutte du régime contre la fraude en ligne. Un raid militaire a aussi été mené sur l’un des sites par la junte birmane ce jeudi 23 octobre selon l’AFP, forçant le départ de centaines de travailleurs vers la Thaïlande.
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· Qu’a fait SpaceX ?
SpaceX a annoncé mercredi avoir désactivé plus de 2 500 récepteurs internet Starlink utilisés dans ces centres de cyberfraude en Birmanie. L’entreprise d’Elon Musk a « désactivé plus de 2 500 kits Starlink à proximité de centres soupçonnés d’être des centres d’escroquerie », a déclaré sur X Lauren Dreyer, vice-présidente des opérations commerciales du groupe.
« Nous nous engageons à garantir que le service reste une force positive et maintienne la confiance dans le monde entier : à la fois en connectant les personnes non connectées et en détectant et en prévenant les abus par de mauvais acteurs », a-t-elle ensuite rappelé sur ses réseaux sociaux.
Mais le puissant comité économique conjoint du Congrès américain a annoncé lundi 20 octobre avoir ouvert une enquête concernant l’implication de Starlink dans l’équipement des centres de cyberfraude birmans. L’entreprise connaît un essor spectaculaire en Birmanie : le fournisseur d’accès à internet, enregistré officiellement en février seulement, a été le plus utilisé chaque jour du 3 juillet au 1er octobre, selon le registre internet régional Apnic.
· Que sont ces centres de cyberfraude ?
Ces centres de cyberfraude sont d’immenses complexes dans lesquels des escrocs en ligne ciblent des étrangers avec des arnaques sentimentales et commerciales. Ils prospèrent le long de la frontière, peu surveillée, entre la Birmanie et la Thaïlande depuis le début de la guerre civile birmane, déclenchée par un coup d’État en février 2021. Ces « usines à cyberarnaques », d’après une enquête menée par l’AFP et publiée à la mi-octobre, révèle que c’est un phénomène qui se développe dans les pays d’Asie du Sud-Est.
La plupart des sites sont sous la coupe de groupes criminels chinois, en cheville avec des milices birmanes. Selon les experts, la junte ferme les yeux sur les réseaux d’escroqueries, aux mains de ses alliés miliciens, qui, en échange, contrôlent les régions frontalières en son nom.
Cette industrie des escroqueries en ligne en Asie du Sud-Est perçoit des gains estimés à environ 37 milliards de dollars par an, selon l’ONU en 2023. Et ces centres sont devenus un pilier clé de l’économie en temps de guerre en Birmanie.
Pour que ces centres puissent prospérer, des antennes paraboliques Starlink se sont multipliées sur les toits pour pallier la coupure d’internet par les autorités thaïlandaises. Près de 80 antennes sont visibles sur un seul toit du complexe de KK Park, sur les images de l’AFP. Et des récepteurs du service internet par satellite Starlink, propriété de SpaceX, y sont installés en masse pour contourner le blocage de réseau transfrontalier mis en place par les autorités.
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· Comment réagit le voisin chinois ?
Pékin s’oppose à ces activités d’arnaques en ligne. Le pouvoir birman subit des pressions de son allié militaire chinois pour mettre un terme à ces trafics. La Chine est en particulier irritée par le nombre de ses citoyens qui y participent et en sont la cible. Pourtant, la plupart des sites sont sous la coupe de groupes criminels chinois, en cheville avec des milices birmanes selon l’AFP. Selon les experts, la junte birmane ferme aussi les yeux sur ces réseaux aux mains de ses alliés miliciens qui, en échange, contrôlent les régions frontalières en son nom.
Les autorités chinoises ont cependant annoncé la semaine dernière l’arrestation de plusieurs chefs et membres de gangs opérant depuis la Birmanie. La Chine, la Thaïlande et la Birmanie ont entrepris un effort commun, très médiatisé, pour éradiquer le phénomène.
· Qui sont les personnes qui fuient vers la Thaïlande voisine ?
De nombreux travailleurs de la région fuient actuellement : « 677 personnes ont fui le centre d’escroquerie » de KK Park, suite à un raid militaire. Ils ont traversé la rivière Moei pour se rendre en Thaïlande ce jeudi, a déclaré Sawanit Suriyakul Na Ayutthaya, vice-gouverneur de la province de Tak, près de la frontière avec la Birmanie.
« La police de l’immigration et une force opérationnelle militaire ont collaboré pour fournir une assistance dans le cadre de procédures humanitaires (…) et ces personnes feront l’objet d’un contrôle », a-t-il ajouté. Le bureau de l’administration provinciale de Tak a annoncé dans un communiqué que le groupe était composé de « ressortissants étrangers », hommes et femmes, et que les autorités s’attendaient à ce que d’autres personnes traversent la frontière thaïlandaise.
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Lundi dernier, la junte birmane a déjà réalisé une descente dans le KK Park, où elle a affirmé avoir saisi 30 récepteurs Starlink, et des centaines de personnes ont été vues mercredi fuyant à pied, à moto ou dans des camionnettes. Ces centres d’arnaques emploient de gré ou de force des petites mains originaires d’Asie, d’Afrique ou du Moyen-Orient.