En choisissant d’inscrire la suspension de la réforme des retraites dans un amendement au budget de la Sécurité sociale, Sébastien Lecornu cherche à tenir sa promesse faite aux socialistes. Mais sans majorité solide ni 49.3, le Premier ministre s’expose à un piège politique où chaque vote comptera.
Sébastien Lecornu avance sur une ligne de crête. Pour tenir la promesse faite aux socialistes de suspendre la réforme des retraites, le Premier ministre a choisi d’inscrire la mesure dans un amendement au Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Ce choix, a priori pragmatique, plonge pourtant le gouvernement dans un casse-tête politique.
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L’idée, explique la juriste Anne-Charlène Bezzina au Monde, tient à la simplicité : “L’amendement est le plus simple vu que ce qui affecte l’équilibre de la Sécurité sociale devra de toute façon figurer dans le PLFSS, cela évite de faire deux lois.” Ce véhicule législatif rapide, limité à cinquante jours d’examen, permet aussi de sceller l’accord conclu avec le Parti socialiste, qui a renoncé à voter la censure du gouvernement en échange de cette suspension.
Lettre rectificative
Mais cette stratégie n’est pas sans risque. En reliant la suspension de la réforme au budget de la Sécurité sociale, Sébastien Lecornu fait dépendre sa promesse du vote d’un texte déjà très contesté. Si ce budget était rejeté, la suspension de la réforme des retraites tomberait avec lui.
Pour éviter cela, les Insoumis, les socialistes et le Rassemblement national demandent au gouvernement de présenter une “lettre rectificative”. Ce document permettrait de modifier officiellement le PLFSS afin d’y inscrire clairement la suspension de la réforme, et de garantir qu’elle soit bien examinée, même si les débats s’enlisent.
Concernant la suspension de la réforme des retraites, il existe une troisième voie entre l’amendement au PLFSS et un nouveau projet de loi. Le gouvernement devrait faire une « lettre rectificative » permettant de compléter un projet de loi déjà déposé devant le Parlement, avant…
— Benjamin Morel (@BenjaminMorel63) October 18, 2025
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Le Sénat, dominé par la droite, s’y oppose déjà. Gérard Larcher (LR), le président de la Haute Assemblée, estime qu’une telle lettre “amputerait de quinze jours” les débats. Les Républicains dénoncent une suspension “irresponsable” et promettent de s’y opposer. En cas d’impasse entre les deux chambres, le texte reviendrait à l’Assemblée nationale, au risque d’enliser tout le processus budgétaire.
Dans le pire scénario, le gouvernement pourrait recourir aux ordonnances pour faire passer le budget sans vote, en vertu de l’article 47 de la Constitution – une hypothèse qualifiée de “science-fictionnelle” par les constitutionnalistes, mais redoutée par les oppositions. De la gauche au Rassemblement national, tous promettent qu’un tel passage en force déclencherait une motion de censure.