Nous avons donc assisté depuis le 13 octobre à la première phase du « plan de paix » de Donald Trump pour Gaza. On ne peut évidemment que se réjouir de voir enfin les combats cesser et les otages et les prisonniers libérés.
Cela a donné lieu cependant à un spectacle pitoyable à la Knesset [le Parlement israélien], où l’autocrate Donald Trump et le criminel de guerre Benyamin Netanyahou se sont abondamment congratulés, Donald Trump se vantant en particulier de la contribution décisive apportée par les armes américaines à la destruction totale des infrastructures civiles de l’enclave palestinienne et à la mise à mort d’au bas mot 70 000 Palestiniens, en grande majorité des femmes et des enfants.
Le gouvernement israélien a aussi refusé de libérer les prisonniers palestiniens les plus emblématiques comme Marwan Barghouti et les docteurs Hussam Abu Safiya et Marwan Al-Hams, enlevés à Gaza. Fidèle à sa politique pro-Hamas de toujours, Benyamin Netanyahou a fait retirer de la liste 11 détenus appartenant à l’OLP de Mahmoud Abbas pour les remplacer par 11 détenus du Hamas. Il veut toujours empêcher qu’apparaisse un quelconque leadership susceptible de renforcer l’Autorité palestinienne pour bloquer toute possibilité de construire un Etat palestinien.
Lors de l’échange, après deux années de détention, les otages israéliens étaient évidemment très affaiblis. Mais de nombreux prisonniers politiques palestiniens avaient, eux aussi, du mal à marcher et portaient la trace des violences subies dans les prisons israéliennes. Plusieurs d’entre eux ont détaillé ces tortures, mais cela n’a guère retenu l’attention des médias français et européens. Plusieurs dépouilles de Palestiniens morts en détention, remises par Israël, présentaient des marques qui ne trompent pas : yeux bandés, poignets et pieds attachés, marques de strangulation, de mutilation et de brûlures. Nombre des Palestiniens relâchés ont été expulsés vers l’étranger, sans même avoir pu revoir leurs proches, tandis que les forces israéliennes d’occupation ont recommencé dès le lendemain à harceler les familles des prisonniers qui avaient été libérés en Cisjordanie. Par ailleurs, malgré l’échange réalisé, plus de 10 000 Palestiniens croupissent toujours dans les prisons israéliennes, après un jugement par un tribunal militaire sans accès au dossier ou en « détention administrative » illimitée, sans aucun cadre légal.
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Ce cessez-le-feu tiendra-t-il ? Le monde entier fait semblant d’y croire. Le plan Trump n’a pourtant de « paix » que le nom, que le président des Etats Unis a vendu aux médias et à une communauté internationale à la recherche d’une pause après deux ans d’un génocide inavouable.
Déjà, comme on pouvait le redouter, le gouvernement israélien viole le cessez-le-feu qu’il vient à peine de signer, comme cela avait été le cas en mars lorsque Benyamin Netanyahou avait unilatéralement rompu la trêve conclue avec Joe Biden. Plusieurs dizaines de Gazaouis ont été tués par l’armée israélienne depuis le 13 octobre et celle-ci ne laisse entrer que 300 camions par jour dans l’enclave au lieu des 600 convenus tout en maintenant le passage de Rafah fermé, contrairement à l’accord conclu. La priorité des priorités aujourd’hui est à l’aide humanitaire et au rétablissement des services minimaux de base, mais, comme depuis deux ans, l’armée israélienne continue d’entraver le flux d’approvisionnements indispensables.
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Le gouvernement de Benyamin Netanyahou menace de plus de reprendre les combats parce que seuls les corps de 12 des 28 otages morts à Gaza ont été rendus par le Hamas. Ces corps manquants sont pourtant sans doute ensevelis sous les monceaux de décombres causés par les bombardements israéliens avec ceux de milliers de Palestiniens qui manquent à l’appel. Il y a lieu de redouter que le gouvernement israélien se saisisse de n’importe quel prétexte pour reprendre le nettoyage ethnique de l’enclave dont il occupe toujours 50 % du territoire.
Une chose est sûre toutefois : l’annonce du cessez-le-feu ralentit les sanctions contre Israël, qui devenaient inévitables compte tenu de la pression de l’opinion publique. Le Conseil européen des 23 et 24 octobre ne devrait pas, en particulier, adopter les sanctions proposées par la présidente de la Commission Ursula von der Leyen. Ce cessez-le-feu fragile offre un prétexte à la Commission pour enterrer son projet de suspension partielle de l’accord d’association [entre l’Union européenne et Israël].
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Nous, écologistes, appelons cependant à ce que ces sanctions soient décidées et appliquées. Une paix sans justice est inconcevable, et l’Union européenne ne peut pas soutenir l’impunité. De même, l’Europe doit exiger que les innombrables crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis durant cette guerre soient jugés par les tribunaux internationaux comme elle le demande dans le cas de l’Ukraine. Mais soutiendra-t-elle aussi la justice internationale dans le cas du conflit à Gaza ?
La suite de l’histoire est malheureusement connue parce qu’elle s’est déjà jouée à de nombreuses reprises au cours des dernières décennies : les Européens vont être appelés à payer pour réparer les destructions commises par l’armée israélienne à Gaza. L’Europe exige que la Russie indemnise l’Ukraine pour les dommages qu’elle a causés dans ce pays et va d’ailleurs de facto saisir prochainement les avoirs russes gelés en Europe dans ce but. Dans le cas de Gaza, il serait tout aussi logique d’exiger que ce soient les Israéliens qui paient pour remettre en état les infrastructures civiles de l’enclave.
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Si nous devons contribuer financièrement une nouvelle fois à reconstruire Gaza, ce ne peut et ne doit être en tout cas qu’en échange d’avancées précises et contraignantes vers la mise en place d’un Etat palestinien à Gaza, en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, comme le prévoit le droit international. L’Europe doit prendre toute sa place dans la marche vers la paix au Proche Orient et arrêter d’être seulement le supplétif muet d’un Trump qui met à mal le droit international.
Liste des signataires :
- Mounir Satouri, député européen
- Raymonde Poncet-Monge, sénatrice du Rhône
- Marie Pochon, députée de la Drôme
- Akli Mellouli, sénateur du Val-de-Marne
- Charles Fournier, député d’Indre-et-Loire
- Majdouline Sbaï, députée européenne
- Catherine Hervieu, députée de la Côte-d’Or
- Sabrina Sebaihi, députée des Hauts-de-Seine
- Guillaume Gontard, sénateur de l’Isère et président du groupe écologiste au Sénat
- Arnaud Bonnet, député de Seine-et-Marne
- Julie Ozenne, députée de l’Essonne
- Mélanie Vogel, sénatrice des Français·es de l’étranger
- Mélissa Camara, députée européenne
- Jacques Fernique, sénateur du Bas-Rhin
- David Cormand, député européen.
- Patrick Chaimovitch, maire de Colombes
- Yannick Jadot, sénateur de Paris
- Antoinette Guhl, sénatrice de Paris
- Léa Balage El Mariky, députée de Paris
- Eva Sas, députée de Paris
- Ghislaine Senée, sénatrice des Yvelines
- Anne Souyris, sénatrice de Paris
- Guy Benarroche, sénateur des Bouches-du-Rhône
- Marie Toussaint, eurodéputée
- Christine Arrighi, députée de Haute-Garonne
- Sophie Bussière, conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine
- Aïssa Ghalmi, secrétaire national adjoint des Ecologistes
- Lucie Etonno, conseillère régionale des Pays de la Loire
- Cyrielle Chatelain, députée de l’Isère et présidente du groupe écologiste à l’Assemblée nationale
- Coralie Mantion, conseillère municipale à Montpellier
Cet article est une tribune, rédigée par un auteur extérieur
au journal et dont le point de vue n’engage pas la rédaction.