October 16, 2025

DECRYPTAGE. "Votre devoir est d’acquitter Cédric Jubillar" : comment les assauts de ses avocats ont torpillé "les failles de l’enquête"

l’essentiel
Devant la cour d’assises du Tarn, les deux avocats de Cédric Jubillar, cliniques et combatifs, se sont escrimés à faire voler en éclats le lourd faisceau d’indices qui entoure sur cet artisan plaquiste de 38 ans, accusé d’avoir tué son épouse Delphine, en décembre 2020, à Cagnac-les-Mines. Mes Franck et Martin ont dénoncé “une enquête orientée et biaisée”. Verdict, ce vendredi.

Exténuée, aux bords des larmes et arrivée au terme d’une plaidoirie marathon de 3h30, Me Emmanuelle Franck est inarrêtable. Intarissable pour dénoncer “les insuffisances d’une enquête sans corps, ni traces, ni aveux”, les étranges collusions entre “témoins et enquêteurs”, “l’insincérité d’une enquête orientée, des actes hors procédures et des conversations téléphoniques non retranscrites”. L’une des avocats de Cédric Jubillar, avec Me Alexandre Martin, fustige ces “intrigants” qui tournent autour de l’affaire Jubillar et qui parasitent “un dossier déjà vicié par les convictions des enquêteurs”.

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Tout le monde en prend pour son grade. “Les cancaniers de Cagnac, les témoins qui parlent et qui n’ont rien vu”, toutes ces lucioles en quête de lumière. “La mère de Cédric (Nadine Fabre), Marco (l’ex co-détenu), l’amant de Delphine, des gens animés par l’espoir de devenir quelqu’un sous les appareils photos. Des gens n’étaient pas grand-chose et voulaient devenir quelqu’un. Comment accepter que des gendarmes soient en proximité malsaine avec des témoins, ces mêmes gendarmes qui font semblant de fermer la porte à d’autres hypothèses ?” L’avocate toulousaine cite une conversation téléphonique lunaire entre un enquêteur et l’amant de Delphine, au sujet de Cédric Jubillar, deux mois après la disparition de l’infirmière : L’enquêteur : “Le mec est un abruti fini, il a eu le cul bordé de nouilles”…

“On ne condamne pas les mauvais types, on condamne les coupables”

Saillante et clinique, Me Franck découpe le dossier au scalpel. Trois heures plus tard, il n’en restera que des confettis. Mais pour la défense de Cédric Jubillar accusé d’avoir tué son épouse, Delphine, 33 ans, dans la nuit du 15 au 16 décembre 2020, à Cagnac-les-Mines, le plus important est ailleurs. Alors que la veille, le ministère public a requis 30 ans de réclusion criminelle à l’encontre de l’artisan plaquiste de 38 ans, la défense veut replacer la justice au cœur de cette affaire où l’absence de preuves constitue la véritable épine dans le pied de l’accusation. “Cette justice n’est pas un concours de popularité, martèle l’avocate. On ne condamne pas les mauvais types, on condamne les coupables”. Les indices à charge ne résistent pas aux analyses acérées de l’avocate, imprenable sur la connaissance du dossier.

Des cris entendus dans la nuit ? Écartés d’un revers de main. À 22h55, Delphine envoie un dernier message à son amant. On situe à 23h07 ces fameux cris attribués à Delphine et dont on suppose qu’ils sont le signe de son agression. “Impossible dans ce délai trop court ! Il faudrait dans ce laps de temps que Louis aille se coucher, que la dispute éclate et que les violences interviennent dans un temps où les cris, à l’extérieur de la maison, auraient duré entre 5 et 10 minutes.”

Me Emmanuelle Franck et Me Alexandre Martin, les avocats de Cédric Jubillar, ont livré leurs plaidoiries ce jeudi à Albi.
Me Emmanuelle Franck et Me Alexandre Martin, les avocats de Cédric Jubillar, ont livré leurs plaidoiries ce jeudi à Albi.
DDM – MARIE PIERRE VOLLE

Les lunettes brisées ? “Une expertise bidon réalisée sur une paire de lunettes neuves sans prendre en compte les dommages antérieurs”. C’est cet accessoire censé matérialiser la dispute. “Pas de sang sur les montures et aucune lésion sur les mains de Cédric Jubillar”, fusille l’avocate.

La dispute décrite par Louis ? L’enfant du couple est âgé de 6 ans à cette époque. “L’endroit où il se trouve pour être le témoin de cette dispute, dans la maison, nécessite une ouverture de porte beaucoup plus large que les gendarmes la décrivent.” Donc impossible, selon la défense, de voir sans être vu.

“Tous ces éléments ont été purement fabriqués”

Le changement de sens de la voiture ? C’est dans cette 207 bleue du couple Jubillar que Cédric aurait transporté le corps de sa femme avant de le dissimuler. Fragilités des témoignages, récit d’Anne-Michelle venant accréditer la version qui arrange celle de l’accusation quatre mois après les faits, et surtout “des nouvelles déclarations qui interviennent après quatre auditions”, s’insurge Me Franck. La buée sur les vitres signifiant une présence humaine dans l’habitacle ? “Ridicule ! L’expert a fait ses conclusions sans être intervenu directement sur le véhicule.”

Et que dires des gendarmes primo intervenants qui ne se souviennent pas de la présence d’un camion blanc garé face à la 207 ? C’est pourtant le propriétaire de cette camionnette qui a toujours indiqué avoir observé le changement de sens de la voiture des Jubillar le lendemain matin. “Tous ces éléments ont été purement fabriqués et l’on essaie de les rattacher à tout le reste”, martèle la défense de l’accusé. La cible : l’enquête, rien que l’enquête.

“Les preuves sont-elles suffisantes ? Je crois que nous avons démontré le contraire”

“Cette justice m’inquiète”, abonde Alexandre Martin, prenant le relais de son associée. “Revenons à la base !, La criminologie et la recherche des preuves ! La plus grosse erreur des gendarmes, c’est d’avoir eu des convictions dès le départ”, assène le pénaliste. Cédric Jubillar était-il en possession du téléphone de sa femme et s’en est-il servi à 6h52, le 16 décembre, lors de l’activation de cet appareil ? “Il n’a pas le code !, plaide la défense. Les gendarmes sont présents et à cet instant ils ont terminé leurs vérifications sur la 207. Il est impossible qu’il puisse le manipuler.” A-t-on cherché du côté des délinquants sexuels ? “Seuls 65 ont été interrogés sur 288 personnes inscrites sur ce fichier, dans le secteur de Cagnac”.

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C’est en dénonçant les “insuffisances de l’enquête”, que la défense tente d’emporter avec elle la conviction des jurés. Mais il y a aussi un homme à réhabiliter. Un Cédric Jubillar, prisonnier d’une cage en verre et dont le dernier interrogatoire n’a pas plaidé en sa faveur. “Quoi qu’il fasse, quoi qu’il dise, cela ne va jamais”, se lassent ses avocats. Alors Alexandre Martin reprend point par point les éléments de biographie de cet homme pour mieux lisser son image. Les familles d’accueil, les foyers, un enfant ballotté mais “sympathique, agréable et jovial”. La jeunesse de Cédric Jubillar et sa rencontre avec Delphine en 2005. “Ils étaient jeunes, ils se sont aimés et comme dans tout couple, la monotonie les guette”. L’avocat décrit un homme aux antipodes du crime que l’on voudrait lui faire porter. “Un homme qui a aimé sa femme, il n’y a aucun calcul chez lui !”

Au moment de quitter la barre, il s’adresse une dernière fois aux jurés, les invitant à la prudence : “Les preuves sont-elles suffisantes ? Je crois que nous avons démontré le contraire. Votre devoir est donc d’acquitter Cédric Jubillar.” Verdict, ce vendredi en milieu de journée.

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