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Le Nouvel Obs avec AFP
Un migrant tente de traverser les vagues pour atteindre une embarcation gonflable et rejoindre le Royaume-Uni par la Manche depuis Gravelines. MARCIN NOWAK/LNP/SHUTTERSTOCK/SIPA
Le décès d’un jeune Guinéen menacé d’expulsion, dans une probable tentative de rejoindre l’Angleterre, a provoqué émotion et indignation en France, tout particulièrement en Normandie où il travaillait et s’était intégré.
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Le 17 septembre vers 3h00 du matin, un homme avait été retrouvé mort sans ses papiers près d’une sortie d’autoroute à Loon-Plage (Nord), à proximité d’un camp de migrants et de la ville de Dunkerque. Il n’avait pu être immédiatement identifié. Son identification et le contexte du décès ont été révélés début octobre : Mamadou Garanké Diallo, 21 ans, est mort alors qu’il tentait de quitter la France pour éviter d’être renvoyé dans son pays.
Depuis 2023, le jeune homme, apprenti dans une boucherie de Darnétal, près de Rouen (Seine-Maritime), faisait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Il était arrivé de Guinée Conakry en 2019, selon des médias locaux. « Quand il ne pouvait plus être employé chez ce boucher, tout s’est écroulé pour lui, donc il s’est dit, là, je n’ai plus d’espoir ici, je vais aller chercher ailleurs », a expliqué Dominique Pierre, bénévole du Réseau éducation sans frontières (RESF) à Rouen. Elle dénonce « l’arbitraire préfectoral » des placements sous OQTF de jeunes déjà intégrés.
« Un drame horrible »
Mamadou Garanké Diallo a été tué « par un camion », « (…) parti pour OQTF, ce document qui tue… il espérait (rejoindre) l’Angleterre », a déploré l’association « Pour un avenir meilleur » qui avait accompagné le jeune homme après son arrivée en France.
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Visé par une OQTF en avril 2023, confirmée par le tribunal administratif de Rouen en décembre 2023, le jeune homme en avait reçu une deuxième en mai 2025, « sur les mêmes bases et parce qu’il ne disposait ni d’un visa long séjour “salarié”, ni d’une autorisation de travail », a expliqué la préfecture de Seine-Maritime.
Ce même mois, Mamadou Garanké Diallo avait été interpellé et placé en garde à vue « pour des faits de détention de stupéfiants qu’il a reconnus », a précisé la préfecture, indiquant qu’il était « convoqué par la justice en novembre pour répondre de ces délits ». Nicolas Mayer-Rossignol, maire (PS) de Rouen, a dénoncé auprès de l’AFP « un drame horrible et un gâchis absolu » qui « suscite une émotion considérable ».
Une pétition en 2023 pour « un titre de séjour temporaire »
« C’est quelqu’un, Mamadou, qui donnait toute satisfaction, qui ne posait aucun problème particulier, qui était bien intégré », a-t-il ajouté, pointant les « nouvelles règles absurdes » imposées selon lui par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. En 2023, une pétition lancée par l’employeur de Mamadou Garanké Diallo et des habitants de sa ville ainsi qu’un courrier au préfet signé par Nicolas Mayer-Rossignol et plusieurs députés lui avaient permis d’obtenir « un titre de séjour temporaire », a rappelé l’édile.
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« Chaque jour les préfectures soumises aux consignes de Bruno Retailleau fabriquent des travailleurs sans papiers placés ensuite sous OQTF », avait réagi samedi Olivier Faure, secrétaire général du Parti socialiste, dans un message sur X. « Et parfois comme Mamadou Garanké, ils partent saisir leur chance ailleurs au péril de leur vie. #honte », a-t-il ajouté.
Malgré l’ampleur des dispositifs de sécurité autour des ports du nord de la France et du tunnel sous la Manche, certains migrants essaient toujours de monter dans des camions pour rejoindre l’Angleterre. La plupart tentent des traversées maritimes clandestines à bord de petits bateaux semi-rigides, une option plus coûteuse mais également très dangereuse.