Pour aller plus loin
Deux ans déjà. Deux ans que les destins d’Israël et de Gaza ont basculé dans l’horreur après l’effroyable massacre du 7-Octobre, perpétré par le Hamas un funeste samedi d’automne. Deux ans que les 1 200 morts et les 48 otages toujours détenus hantent l’Etat hébreu et nourrissent la vindicte du gouvernement de Benyamin Netanyahou, engagé dans la destruction totale de la bande de Gaza.
La barbarie commise le 7-Octobre a emmuré les Israéliens dans une chape de douleur et de colère, dont on peine, en Europe, à prendre la mesure. Il est à craindre que l’esprit qui a présidé à la création d’Israël – ce creuset de tolérance et de démocratie qui fit longtemps sa fierté – n’en soit durablement affecté.
Certes, nul ne sait encore si le plan de paix proposé par Donald Trump et accepté par Benyamin Netanyahou, qui implique la fin des hostilités à Gaza, constitue un vrai espoir ou un nouveau leurre. Il ne masque malheureusement en rien cette triste vérité : en Israël, le camp de la paix, celui qui croit encore à la solution à deux Etats, est devenu plus que minoritaire, tandis que le projet messianique d’un « Grand Israël » et l’idée d’une annexion pure et simple de la Cisjordanie et de Gaza, colonisent chaque jour davantage les esprits.
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Et pourtant. Pourtant elles existent encore, en Israël comme dans la diaspora, les voix dissonantes qui refusent de céder au piège de la haine et de la vengeance. C’est elles que nous avons décidé de mettre en avant cette semaine, avec l’une des plus respectées entre toutes, celle de Delphine Horvilleur, qui a accepté de revenir sur son cheminement depuis le 7-Octobre. Au printemps, la rabbin avait choisi de briser le silence dans un texte remarqué où elle réclamait l’arrêt des combats à Gaza et parlait de « faillite morale » de l’Etat israélien. Sa prise de position, qui a soulagé nombre de juifs français ne se reconnaissant plus dans la politique d’Israël, lui a aussi valu de vives critiques au sein de la communauté juive. Delphine Horvilleur s’en explique, avec une rare sincérité, en défendant l’impératif de la nuance : « La difficulté pour la rabbin que je suis est que je dois accompagner mon peuple dans la consolation et la quête de sécurité auxquelles il a pleinement droit et, simultanément, je dois l’accompagner dans son questionnement sur lui-même, dans sa possibilité de critiquer le gouvernement du seul Etat-refuge dont il dispose. »
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Ainsi va le débat aujourd’hui en France : à l’heure où les esprits se polarisent à l’extrême, il faut de la lucidité et du courage, quand on est soi-même juif, pour condamner la politique d’éradication des Palestiniens menée par le gouvernement Netanyahou. Ce courage, Alain Finkielkraut l’exprime également dans nos colonnes, en soutenant avec vigueur la reconnaissance de l’Etat palestinien par la France.
L’essayiste, dont « le Nouvel Obs » ne partage pas nombre de positions, n’a pas de mots assez durs contre Netanyahou, qu’il accuse de « donner des munitions à la montée de l’antisémitisme » partout dans le monde. Cible lui aussi de critiques très violentes, l’auteur du « Juif imaginaire » dénonce un « messianisme dévoyé » qui, selon lui, menace la survie morale d’Israël mais aussi celle du judaïsme lui-même. Une situation qui l’oblige : « Pour moi, être juif est un héritage dont je ne veux pas démériter. »
Au « Nouvel Obs », nous considérons nous aussi qu’il ne faut céder ni aux sirènes de la haine ni à la tentation du désespoir, ces forces corrosives qui rongent les âmes et brisent toute espérance. Fidèles à notre engagement historique pour la paix au Proche-Orient, nous continuerons à plaider sans relâche pour la coexistence des peuples israélien et palestinien et la solution à deux Etats.
C’est dans cet esprit que nous avons initié, en 2024 et 2025, une correspondance au long cours entre une jeune étudiante palestinienne, Tala, et une étudiante israélienne, Michelle. Ces deux jeunes femmes, que tout séparait et qui n’auraient jamais dû se parler, se sont confiées des mois durant sur leurs vies, leurs peurs et leurs espoirs. De ce dialogue inédit est né un livre, « Nos cœurs invincibles », que nous coéditons avec Flammarion : un récit bouleversant et d’une profonde humanité, preuve vivante, deux ans après le 7-Octobre, que la paix n’est et ne sera jamais un vain mot.