Jeudi 17 septembre, le chef du restaurant le Sandikala, à Galan, proposait une soirée critique pour 32 clients. Le principe : donner son avis sur les nouveaux plats de la carte contre une remise de 10 euros sur l’addition. Un concept original et encore assez rare. On a testé l’expérience.
” Ce soir tout le monde est critique gastronomique “, prévient Luke MacLeod, le chef cuistot du Sandikala. Jeudi 18 septembre, les clients de ce restaurant situé à Galan qui a obtenu, en 2021, une étoile verte au Michelin, sont un peu particuliers. Car une fois par mois, l’établissement des Hautes-Pyrénées organise une soirée critique où les convives sont invités à laisser leurs avis sur le nouveau menu du chef contre 10 euros de réduction sur l’addition. À partir de 19h30, l’ambiance est en effet studieuse dans la salle avec la cheminée d’époque et les poutres apparentes. Stylo en main, têtes penchées sur la carte, on se croirait presque à la grande dictée parmi les 32 convives.
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” J’ai commencé ce format critique il y a un an et demi, inspiré par Trip Advisor. Je regardais les avis de certains restaurants et je me suis aperçu que certaines remarques étaient vraiment méchantes. Nous, on n’a jamais eu de mauvaise critique. Mais j’ai pensé que ce système de notation était frustrant pour le restaurateur “, commence par expliquer le cuisinier. Et puis, dans son restaurant, il remarque aussi que les plats sont plus aboutis après une semaine de rodage.
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Ce jeudi, de retour de vacances, le chef australien passé par plusieurs étoilés français, a concocté de nouveaux plats : polenta aux crevettes, truite des Pyrénées au beurre blanc, daurade et sauce tomate à la chinoise, dabu-dabu de légumes, magret de canard et haricots tarbais façon sambal ulek, pomme chocolat et thé à la mente, tomates pomme d’amour… Fidèle à sa tradition, le chef revisite les produits du terroir à la sauce indonésienne. On se prend au jeu dès l’entrée avec la polenta moelleuse aux crevettes à l’aïoli et aux anchois. Bons élèves, on dresse les “plus” et les “moins”. Le plus : la polenta est presque crémeuse et encore chaude. Le moins : les anchois qui ne trouvent pas toujours un palais familier… On enchaîne avec la truite des Pyrénées au beurre blanc. Le chef arrive à table : il a oublié de verser la ” hot sauce “. Il s’excuse : ” Sur la première table, on oublie toujours quelque chose “. Ce sera un bon point pour la cuisson ultra-rosée de la truite, un petit bémol sur la ” hot sauce ” un peu trop piquante.
Rajouter un jus d’Armagnac dans la viande
” On ajuste nos plats au moment du dressage et à la fin du service, on se réunit en équipe autour d’une grande table et on lit toutes les remarques. Parfois, c’est assez rigolo. Certains sont très sérieux, d’autres écrivent des romans. D’autres, encore, n’y connaissent pas grand-chose ! ” poursuit le chef. Il assure tenir compte des avis pour adapter le menu. ” Je ne change pas les produits, en revanche, on peut modifier la texture et le dressage. Une fois, grâce à la soirée critique, j’ai rajouté un chips croquant avec un fruit dans un dessert, sur suggestion d’un client. Un autre jour, j’ai incorporé un jus d’Armagnac dans de la viande, sur les conseils d’un client “, se souvient le cuistot. Ce jeudi soir, nos voisins de table lui conseillent de proposer un petit verre à la menthe pour sublimer son dessert de pommes caramélisées au kombucha et glace à la menthe. ” Mais c’est vraiment pour chipoter, on s’est régalé. Mention spéciale pour la proposition végétarienne “, sourit l’habitué.
Accepter les avis négatifs, un vrai exercice d’humilité. ” C’est vrai qu’en France, ce format critique est assez rare, ce n’est pas dans la culture française “, reconnaît Luke MacLeod. Lui vise l’excellence. L’étoile ? Il ne dit pas non : ” Si on me la donne, bien sûr, je la garde “. Ce jeudi soir, en tout cas, il a mieux que cinq étoiles virtuelles sur Trip advisor : il a fait rêver ses clients.