September 9, 2025

ENTRETIEN. Sébastien Lecornu nouveau Premier ministre : "Un choix de confort mais qui n’est pas un gage de stabilité", estime le politologue Benjamin Morel

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Pour le politologue et constitutionnaliste Benjamin Morel, la nomination de Sébastien Lecornu à Matignon résulte d’une forme de compromis au sein du bloc central, mais qui n’est pas sans risque pour le chef de l’Etat.

Souvent cité parmi les favoris pour le poste à Matignon, Sébastien Lecornu a été nommé Premier ministre. Pourquoi cette fois a été la bonne ?

Benjamin MOREL : Sébastien Lecornu présente à la fois un profil qui n’est pas trop irritant pour la gauche, et qui recueille des avis plutôt favorables à droite. Il incarne donc un profil assez central qui n’est pas sans faiblesse pour autant avec ce côté un peu “clone” d’Emmanuel Macron.

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Le président a fait un choix de confort en optant pour une personne avec laquelle il adore travaille certes, mais ce n’est pas forcément un gage de stabilité. Cela n’enlève rien aux qualités de Sébastien Lecornu, qui est fin négociateur, tempéré. Mais s’il venait lui aussi à tomber, ce sera très compliqué pour le chef de l’Etat de trouver quelqu’un d’autre derrière. Pour les socialistes, ne pas censurer une sorte de “mini-moi Macron” va être compliqué.

Le profil de Sébastien Lecornu semble aussi plaire aux présidentiables du bloc central…

C’est quelqu’un qui, a priori, n’a pas d’ambition élyséenne et avance avec prudence. Il ne semble pas constituer une menace pour un Edouard Philippe ou un Bruno Retailleau, dont il y a fort à parier qu’il va rester à l’Intérieur. Dans la basse-cour qu’est devenu ce socle commun, il y a une forme de modus vivendi acceptable autour de Sébastien Lecornu.

“Il a voulu le job”

Quel est l’intérêt pour Sébastien Lecornu d’accepter ce poste où il n’a que des coups à prendre ?

Il n’a pas vraiment le choix, mais surtout il a voulu le job. Par le passé, Sébastien Lecornu a fait campagne à plusieurs reprises pour obtenir le poste. La dernière fois, le poste lui est passé sous le nez à cause d’un certain François Bayrou. Ce n’est pas parce qu’il ne voudrait être président qu’il n’a pas d’ambition. Dans ce cadre-là, quand vous avez eu la Défense, et que vous savez votre bloc politique ne gagnera sans doute pas les prochaines élections, vous essayez au moins d’avoir Matignon. Ca permet de se projeter dans l’avenir.

Emmanuel Macron a été très vite pour arrêter son choix alors qu’il avait pris tout son temps pour nommer Michel Barnier et François Bayrou, dans une moindre mesure. Comment faut-il l’interpréter ?

La chute de François Bayrou était prévisible donc il y avait moyen de s’y préparer. Il y a aussi le mouvement du 10 septembre à prendre en compte. Mais surtout, le président est sous pression. Quand il y a des gens à droite, comme Valérie Pécresse, qui appellent à la démission du président, il n’y a plus de fusible. Si le chef de l’Etat procrastine trop, surtout avec ce mouvement du 10 septembre, il se retrouve en première ligne face à la contestation. Là, il espère créer un paratonnerre.

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Comment pourra-t-on juger de la pertinence ou non de cette nomination ?

Ce sera essentiellement sur la question du budget. La situation est tellement bloquée que si Sébastien Lecornu arrive à faire passer le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et le projet de loi de finances (PLF), ce sera déjà très bien.

En termes de casting gouvernemental, faut-il s’attendre à de grands chamboulements ?

On sera très certainement dans un changement dans la continuité. Les équilibres ont tellement été difficiles à trouver au sein du socle commun… En regardant bien, entre le gouvernement Barnier et Bayrou, il y a eu des modifications de poste, de portefeuille, mais on n’a pas assisté à un grand chamboule-tout.

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