September 7, 2025

REPORTAGE. Guerre de la baguette : "Pour survivre, il faut se diversifier…" Comment deux boulangeries d’une petite ville s’adaptent pour faire recette

l’essentiel
Face à la baisse de consommation du pain et à la concurrence des grandes enseignes, les boulangeries artisanales doivent sans cesse se réinventer. Diversification, qualité et gestion serrée deviennent essentielles pour rester compétitives et assurer leur survie économique.

À l’approche de midi, l’équipe de la boulangerie Vrignaud s’active pour accueillir l’afflux attendu des clients du déjeuner. L’entreprise, fondée en 2006, est bien implantée dans le paysage local de la commune de La Salvetat-Saint-Gilles, dans la banlieue ouest de Toulouse. Elle fêtera bientôt ses 20 ans, en février 2026. Depuis leur création, le couple de gérants a remarqué une sacrée évolution des consommations.

“Les gens mangent de moins en moins de pain”, observe Emmanuel Vrignaud. Au total, ces ventes génèrent 30 % des recettes. L’incontournable tradition, vendue 1,30 euro, s’écoule à environ 350 exemplaires par jour. Un chiffre en recul, signe d’une tendance durable. “Pour survivre, on s’est diversifié en développant le salé et les sandwichs pour la partie restauration rapide, qui représente 35 % des recettes. Le reste, c’est la pâtisserie, les boissons et autres. Bien sûr, pour que ça marche, on s’assure de la bonne qualité de tous nos produits.”

“On se renouvelle tout le temps”

Chaque année, des formations avec un champion du monde de boulangerie leur permettent de trouver sans cesse des recettes. “On se renouvelle tout le temps”, se réjouit Véronique Vrignaud. “Aujourd’hui, il ne faut pas qu’être bon boulanger, mais aussi bon gestionnaire.” En 2015, date du dernier déménagement, la boulangerie accueillait 800 clients quotidiens, contre 600 actuellement. “Pour compenser la perte, on a augmenté le prix du panier moyen grâce aux autres produits que la baguette”, ajoutent les gérants.

Une main d’oeuvre qualifiée

Dans les vitrines, une trentaine de pains différents sont proposés aux clients, avec de la farine française et locale. “Nous faisons tout maison du début à la fin, ça demande une main-d’œuvre importante et qualifiée pour avoir de bons boulangers, pâtissiers, cuisiniers. Forcément, les charges sont importantes et représentent 50 % de nos dépenses”, explique Véronique Vrignaud.

Le commerce emploie 23 personnes. Ils dénoncent une concurrence qu’ils jugent déloyale de la part des grandes franchises de boulangerie, comme Mie Câline, Brioche Dorée ou encore Marie Blachère, qui s’est installée récemment non loin du secteur. “Quand on n’emploie pas de boulangers mais des employés polyvalents pour faire réchauffer des produits industriels, les coûts sont largement réduits.” Ce qui se reporte sur le prix à la vente, avec par exemple une baguette à 95 centimes à Marie Blachère.

Une clientèle fidèle

Grâce à son travail de longue haleine, la boulangerie Vrignaud peut s’appuyer sur une clientèle fidèle. “Je viens toujours acheter mon pain ici”, commente Robert, habitant du secteur. Quand on lui demande si ça lui arrive de le prendre ailleurs, notamment à l’Intermarché situé à côté, il n’hésite pas une seconde : “Pas du tout, la qualité n’a rien à voir. Là on a vraiment le goût du pain.”

Cinq cents mètres plus loin, les habitants de La Salvetat-Saint-Gilles peuvent compter sur la seconde boulangerie de la ville, cette fois-ci avec une stratégie différente. Chez Zhora et William, les locaux sont plus modestes et l’entreprise fonctionne à taille humaine, uniquement portée par le couple de gérants.

Tout à 1 euro

Ces derniers ont lancé l’aventure en février dernier, en reprenant une ancienne boulangerie fermée depuis plus de deux ans. “On a acheté le matériel de notre côté car le local était vide, un investissement conséquent”, lâche William, tout en nettoyant son four. Expérimenté, c’est sa 5e affaire.

Selon lui, les deux enseignes de la ville peuvent largement cohabiter. “Je me suis installé dans cette ville car pour 8 000 habitants, c’est suffisant en nombre de clients”, analyse-t-il. “J’ai regardé d’autres communes dans le secteur où il y a 7 ou 8 boulangeries pour 15 000 habitants, en comptant de grosses enseignes qui brassent du monde.”

Tout comme chez les Vrignaud, c’est grâce à la diversification qu’il trouve son équilibre. Le boulanger a choisi une stratégie basée sur le tout à 1 euro : la baguette, le croissant et la chocolatine. “Je n’ai pas de grande structure pour produire en masse”, détaille-t-il. “Cela me permet de limiter les frais. C’est sur ces détails que l’on arrive à créer du bénéfice. Un travail de tous les jours.”

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