Kaja Kallas, vice-présidente de la Commission européenne et Maros Sefcovic, commissaire européen chargé du commerce et de la sécurité économique, des relations interinstitutionnelles et de la transparence, à Bruxelles, le 3 septembre 2025. NICOLAS TUCAT / AFP
La Commission européenne a appelé ce mercredi 3 septembre les 27 pays de l’UE à approuver rapidement l’accord commercial avec les pays latino-américains du Mercosur, en promettant des garanties « robustes » aux agriculteurs, dont Paris s’est félicité. Mais est-ce que ce sera suffisant pour que la France donne son feu vert ? A elle seule, la France ne peut toutefois pas faire capoter cet accord ; il lui faudrait réunir une « minorité de blocage », soit au moins quatre Etats représentant plus de 35 % de la population de l’Union européenne.
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Depuis les débuts de son élaboration, le texte provoque la colère des agriculteurs français qui dénoncent la concurrence déloyale des agriculteurs sud-américains bénéficiant de coûts de production inférieurs.
• Quelles garanties ont été accordées à la France ?
Pour convaincre la France de valider l’accord, la Commission européenne a promis des garanties « robustes » aux agriculteurs et d’ajouter un « acte juridique ». Celui-ci vise à renforcer les mesures de sauvegarde pour les « produits européens sensibles » et à rassurer les agriculteurs.
Ainsi, Bruxelles interviendra si des filières comme celles du bœuf, de la volaille, du sucre et de l’éthanol subissent des impacts négatifs avec l’arrivée des produits sud-américains. Comme l’explique un haut fonctionnaire européen à « Libération », si l’Union Européenne estime que le marché est déséquilibré par les importations avec frais de douane réduits, une « clause de sauvegarde » pourra être déclenchée pour les arrêter.
Sophie Primas, porte-parole du gouvernement, estime que « les réserves » françaises ont été entendues. Le gouvernement se laisse le temps « d’analyser cette clause de sauvegarde ». Il souhaite que celle-ci « puisse être actionnée par un seul pays et non pas plusieurs » et puisse « s’appliquer de façon temporaire avant une décision définitive », rapportent nos confrères. Toutefois, les syndicats agricoles FNSEA et JA ont dénoncé un accord qui reste, selon eux, « toxique ».
• Que contient l’accord UE-Mercosur ?
Le texte est un accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur. Les principaux objectifs sont de faciliter les exportations de voitures, de machines, de vins et de spiritueux vers les pays d’Amérique latine. En échange, les importations de viande, sucre, riz, miel et soja vers l’Union Européenne seront simplifiées.
Dans le détail, l’UE bénéficiera d’une réduction des droits de douane sur le vin et les spiritueux et les fromages bénéficieront d’un quota de 30 000 tonnes et les produits laitiers d’un quota de 10 000 tonnes exemptées de taxes au bout de dix ans. Les pays du Mercosur auront eux le droit d’exporter sans taxe 180 000 tonnes de volaille, 99 000 tonnes de bœuf.
Du côté de l’industrie et des services, les marchés publics du Mercosur seront ouverts aux entreprises européennes et les droits de douane supprimés sur la quasi-totalité des exportations de l’UE.
• Quelles sont les prochaines étapes ?
La validation du texte par les commissaires européens était la première étape avant de soumettre ce traité de libre-échange aux Etats membres et aux eurodéputés dans les mois qui viennent. La Commission européenne pousse pour que les 27 donnent « rapidement » leur aval à cet accord, si possible avant la fin de l’année 2025, tant que le Brésilien Lula occupe la présidence tournante du Mercosur. Son entrée en vigueur pourrait se faire au plus tôt au troisième trimestre 2026, selon « Libération ».
L’ajout de cet « acte juridique » par la Commission ne nécessite pas de renégociation de l’accord avec les pays du Mercosur, mais les Européens devront tout de même expliquer à leurs partenaires latino-américains pourquoi ils ont procédé ainsi.
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Accord UE-Mercosur : agriculture, industrie, climat… quels seraient les gagnants et les perdants ?
Une mobilisation d’agriculteurs est annoncée ce jeudi 4 septembre à Bruxelles. Le Copa-Cogeca, lobby européen, a dénoncé « un passage en force politique » de la Commission, « profondément dommageable ». De son côté, la FNSEA, premier syndicat agricole français, prévient que « le combat se poursuit ».
Au Parlement européen, le centriste Pascal Canfin promet une initiative transpartisane pour tenter de « suspendre l’adoption » de l’accord, « en l’absence de transparence et de garanties claires ».