Pour perturber les signaux de drones ennemis ou de missiles, les militaires ont de plus en plus souvent recours dans les zones de conflits à des brouilleurs GPS. Cela a pour conséquence de créer des interférences qui perturbent les systèmes de navigation des avions de ligne. L’avion de la présidente de la Commission européenne en a récemment fait les frais. Mais y a-t-il un risque pour la sécurité aérienne ?
Le Falcon 900LX qui transportait la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a été victime d’un brouillage GPS, le 31 août dernier, en Bulgarie. Après avoir tourné une heure au-dessus de l’aéroport de Plovdiv, les pilotes ont finalement atterri à l’aide de bonnes vieilles “cartes papier”.
La Russie est pointée du doigt par les autorités bulgares. Il n’y a là rien de très étonnant. Depuis le début de la guerre en Ukraine, le phénomène s’est nettement intensifié dans la région et perturbe de plus en plus le trafic aérien. Selon l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA), plus de 46 000 incidents liés à des brouillages ou pertes GPS ont été signalés dans l’espace aérien européen l’an dernier.
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Les avions ne sont pourtant pas la cible principale des brouilleurs mais des victimes collatérales. Dans les zones de conflit, les militaires au sol utilisent en effet des équipements pour perturber les signaux de drones ennemis ou de missiles. Les avions commerciaux, qui ne représentent pas une menace, ne sont donc pas visés. L’avion de la numéro un de la Commission européenne est néanmoins peut-être l’exception… Le Kremlin a pu délibérément le “viser” pour montrer sa désapprobation sur cette tournée de soutien entreprise dans sept États européens frontaliers de la Russie et de la Biélorussie.
Deux grands types d’interférences
En matière d’interférences, l’incident arrivé au Falcon est ce que l’on appelle un brouillage, “jamming” en anglais. En perturbant les signaux relativement faibles des satellites, il entraîne la perte totale des données GPS. Il existe par ailleurs le leurrage, dit “spoofing”. Il consiste en un signal, plus puissant que les satellites, qui envoie dans le cockpit de fausses informations sur la position de l’avion. Mais dans les deux cas, les pilotes ne sont pas complètement “perdus” dans le ciel.
Des solutions de “secours” existent
Si les satellites GPS font défaut, les avions peuvent en effet s’appuyer sur des balises au sol. Et lorsqu’elles n’existent pas, au-dessus des océans ou de zones terrestres non couvertes par exemple, les pilotes peuvent toujours compter sur la centrale à inertie présente à bord de tous les appareils. Doté de gyroscopes et d’un accéléromètre, ce système autonome permet aux pilotes de connaître leur position de manière assez juste.
De plus, ces brouilleurs, de la taille d’un poste de radio, ont une efficacité relativement restreinte. Elle se limite généralement à un rayon d’action de quelques dizaines de kilomètres autour d’eux. Lorsqu’un avion vole à plus de 800 km/h, il ne reste donc généralement que quelques minutes dans une zone perturbée, et dès sa sortie, les pilotes récupèrent leur position réelle.

Des risques différents en fonction de la phase de vol
En phase de croisière, ces interférences ne présentent donc pas de réels risques sur la sécurité aérienne. En phases d’approche et d’atterrissage en revanche, elles deviennent beaucoup plus problématiques. Sans GPS, la navigation est moins précise, et les pilotes peuvent se retrouver décalés par rapport à la piste. Ils sont alors susceptibles d’entrer en collision avec un autre appareil, de devoir effectuer plusieurs tentatives d’atterrissage, et bien sûr, de faire une sortie de piste. En pareilles circonstances, le déroutement est parfois l’option choisie par l’équipage.
À ce jour, aucun accident aérien provoqué par des interférences n’a encore été recensé. Il faut dire que les pilotes sont prévenus. Les zones où le risque de perturbations GPS est fort sont répertoriées et mises à jour en continu par l’Association internationale du transport aérien (IATA). Elle s’appuie sur les signalements de 300 compagnies aériennes. Le portail GPSJAM permet également aux équipages de voir le niveau des interférences partout dans le monde.