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Le Nouvel Obs avec AFP
Des manifestants devant le Parlement à Jakarta, en Indonésie, le lundi 1ᵉʳ septembre. ACHMAD IBRAHIM/AP/SIPA
Des milliers de personnes ont manifesté ce lundi 1er septembre dans plusieurs villes d’Indonésie et l’armée s’est déployée dans la capitale Jakarta après de violents troubles qui ont fait six morts ces derniers jours.
Quelque 500 manifestants se sont rassemblés lundi en début d’après-midi devant le Parlement national à Jakarta, sous la surveillance de dizaines de soldats et des policiers avant de se disperser en début de soirée sans incident. Le président Prabowo Subianto avait averti peu avant que les manifestations devraient se terminer avant le coucher du soleil.
A Gorontalo, sur l’île des Célèbes, des affrontements ont opposé des manifestants à la police, qui a riposté à coups de gaz lacrymogènes et de canons à eau, selon un journaliste de l’AFP.
A Bandung, sur l’île de Java, des manifestants ont lancé des cocktails Molotov et des pétards sur le bâtiment du conseil provincial.
A Palembang, sur l’île de Sumatra, une manifestation a réuni plusieurs milliers de personnes. Des centaines d’autres se sont rassemblées à Banjarmasin, sur l’île de Bornéo, et à Yogyakarta (île de Java), selon des journalistes de l’AFP.
Les manifestants dénoncent les difficultés économiques
« Notre objectif principal est de réformer le Parlement. Nous espérons que [les députés] viendront nous rencontrer. Nous voulons leur parler directement », a témoigné à l’AFP Nafta Keisya Kemalia, étudiante, s’interrogeant : « Veulent-ils attendre que la loi martiale soit instaurée ? »
Les manifestations ont débuté lundi dernier pour protester contre des indemnités de logement attribuées aux députés et considérées comme trop élevées.
Les protestations visant également à dénoncer les difficultés économiques ont dégénéré après la mort jeudi d’un chauffeur de moto-taxi écrasé par un véhicule de police à Jakarta et dont une vidéo est devenue virale.
Ces manifestations sont les plus massives et violentes depuis l’arrivée au pouvoir de Prabowo Subianto en octobre dernier.
Dimanche, le président a tenté de répondre aux revendications des manifestants, en annonçant la suppression d’une indemnité très décriée qui devait être versée aux députés.
Lundi, Prabowo a rendu visite à des policiers blessés dans un hôpital où il a stigmatisé les manifestants.
« La loi prévoit que si vous voulez manifester, vous devez demander la permission, et la permission doit être accordée, et cela doit se terminer à 18 heures », a-t-il martelé.
La mort d’un chauffeur de moto-taxi jeudi, écrasé par un véhicule de police, a mis le feu aux poudres, déclenchant une vague de colère contre les forces de l’ordre.
Lundi, Agus Wijayanto, en charge de la « responsabilité » au sein de la police nationale, a indiqué qu’une enquête avait révélé des actes criminels commis par deux officiers, dont le conducteur de la camionnette. Au total, sept officiers ont été arrêtés.
Les deux officiers qui comparaîtront mercredi devant un tribunal d’éthique « pourraient être révoqués », a indiqué Agus Wijayanto.
Lundi, la police a installé des points de contrôle dans toute la capitale tandis que des militaires ont effectué des patrouilles dans toute la ville et déployé des tireurs d’élite.
Les rues de la métropole, habituellement encombrées, étaient plus calmes que d’habitude, de nombreuses entreprises et administrations ayant prié leurs employés de travailler à domicile.
De nombreux pillages et un bilan humain lourd
« Le gouvernement indonésien est un désastre. Le cabinet et le Parlement n’écoutent pas les appels du peuple », a témoigné à l’AFP Suwardi, 60 ans, vendeur de snacks, près du Parlement, et qui comme beaucoup d’Indonésiens ne porte qu’un seul nom.
Aux incidents lors de manifestations se sont ajoutés ces derniers jours des pillages de maisons de plusieurs députés et de la ministre des Finances, Sri Mulyani Indrawati.
Le bilan humain des troubles s’est alourdi à six morts.
Trois personnes sont mortes vendredi à Makassar (Célèbes du Sud), dans l’incendie d’un bâtiment public provoqué par des émeutiers. Un homme est décédé vendredi, toujours à Makassar, battu par la foule qui le soupçonnait d’être un agent de renseignement.
A Yogyakarta, l’université Amikom a confirmé la mort d’un de ses étudiants, Rheza Sendy Pratama, lors d’une manifestation, sans en préciser les circonstances.
Les tensions ont forcé Prabowo à annuler un déplacement officiel prévu cette semaine en Chine pour un défilé militaire commémorant la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Samedi, la plateforme de réseaux sociaux TikTok a annoncé suspendre pour « quelques jours » sa fonctionnalité « live » (direct) en Indonésie, « en raison de l’escalade de la violence lors des manifestations ».